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RENCONTRE - Ronnie Ramirez, le réalisateur belgo-chilien qui porte l'exil au grand écran

Écrit par Lepetitjournal Santiago
Publié le 22 mai 2014, mis à jour le 22 mai 2014

Le réalisateur belgo-chilien Ronnie Ramirez était présent à Santiago, ,à l'initiative de la Délégation Wallonie-Bruxelles*, et dans le cadre du 16ème festival du cinéma européen. Nous l'avons rencontré avant que son film, Les fantômes de Victoria, ne soit projeté au Musée de la Mémoire. Entretien avec un cinéaste engagé, qui place l'espoir au centre de son ?uvre

Ronnie Ramirez est un enfant de l'exil. Son père, ancien prisonnier politique sous le régime de Pinochet, a été libéré par l'action d'Amnesty International d'Anvers, et s'est installé en Belgique, avec sa famille. C'était en 1975, Ronnie avait 4 ans. Depuis maintenant 38 ans, il vit et travaille à Bruxelles, en tant que réalisateur.  

De sa petite enfance, il retient essentiellement des flashs :  « une piqûre d'abeille, ou bien une visite à mon père en prison. Des souvenirs, comme ceux-ci, émotionnellement forts ». Mais le lien avec le Chili est présent, et Ronnie est loin de renier ses origines : « Je suis fier d'avoir deux mondes en moi. J'ai grandi en Belgique, je fais partie de l'immigration en Belgique, je fais donc partie de l'histoire du pays, mais je fais aussi partie de l'histoire chilienne. Je suis fier d'incarner un pont qui existe entre ces deux mondes. Ce pont, je le fais en partie avec mes films »

Cette histoire personnelle est un aspect important de son travail, et lui même fait un lien entre sa manière de filmer et son expérience familiale de l'exil : « Ma vie en exil, ça ne pouvait pas être un enfermement. Je m'ouvre au monde, et le fait de vivre à Bruxelles, qui est un carrefour de cultures, m'a permis de rencontrer d'autres communautés, et de voyager partout sur la planète avec ma caméra. J'ai compris que la caméra était aussi un très beau prétexte pour le faire, pour ouvrir des portes et connaître d'autres peuples dans le monde. J'ai fait des films en Palestine, au Congo, au Sri Lanka, en Nouvelle Calédonie, j'ai beaucoup voyagé grâce à la caméra, et je lui dois beaucoup. »

Un film sur le travail des artistes en Palestine, un autre sur la vie universitaire en République Démocratique du Congo, un documentaire sur les projets industriels en Patagonie,...  Ronnie traite de nombreux sujets, caméra au poing : « Quand ce ne sont pas des sujets personnels, ce sont des commandes. Et c'est toujours intéressant, les films de commande, parce qu'ils permettent de sortir un peu de sa tour d'ivoire ou de ses sujets de prédilection». Pour lui, le cinéma conjugue découvertes et ouverture d'esprit, tout en imposant également une posture active et impliquée. 

Il explique qu'en tant que cinéaste, il se retrouve obligé de prendre position et de s'engager : « Quand on fait du documentaire, on s'engage physiquement avec les gens que l'on filme. On s'engage dans une réalité, on est obligé de prendre une position. Quand tu places une caméra, tu fais une analyse et une synthèse. Et tu l'exprimes. Donc forcément, on développe un point de vue.»

Les fantômes de Victoria

Le film projeté au Musée de la Mémoire s'intitule Les fantômes de Victoria. C'est le portrait d'une ancienne ville ouvrière, située au nord du Chili, dans le désert d'Atacama. La ville a été détruite en 1984, sur ordre du général Pinochet qui la qualifiait de "nid de communistes", et l'histoire s'est peu à peu diluée avec le temps. Ronnie Ramirez raconte sa découverte de Victoria :

« La première fois que je suis venu au Chili, j'ai voulu parcourir les paysages de mon enfance et je suis donc parti avec un ami, voyager à travers le désert. Au retour, en faisant de l'auto-stop, les camionneurs se sont arrêtés dans ce village, qui m'a semblé être un décors de western. Les maisons étaient vides, et les camionneurs nous racontaient beaucoup d'histoires fantaisistes. Des apparitions d'OVNIS, du diable, des phénomènes surnaturels. Je me suis dit qu'il y avait des décors cinématographiques, des histoires pétillantes, et en me documentant je suis tombé sur la raison pour laquelle le village a été rasé, durant la dictature. Mais c'était un tabou. Les gens ne racontent pas ce qui s'est passé, ils se sont habitués à enfouir la vérité, et à inventer des histoires. »

Dans ce no man's land ? tout est désert à 400 kilomètres à la ronde -, Ronnie Ramirez décide donc de tourner son premier film, en 1998. A l'époque, Pinochet était arrêté à Londres, et les langues commençaient à se délier. Petit à petit, la société « amnésique » retrouvait sa mémoire, ainsi que sa parole, et le cinéaste a capturé ces instants sur sa pellicule. Un travail applaudi, en premier lieu par son père, présent lors de l'entretien : « Je suis sensible à ce que Ronnie a fait. Parce que c'est tout à fait son initiative, son investigation. Il a trouvé l'histoire, qui était tout à fait méconnue au Chili, et il a pu la mettre sur la table. C'est très émouvant, de voir le film, les gens qui sont là, et revivre toute cette expérience du travail dans les salpètres. »

Ronnie Ramirez a en effet réussi à retrouver des anciens habitants, et a pu identifier des structures d'organisation: une fanfare, une congrégation religieuse, un club de football,... Il a ainsi découvert une communauté qui vivait pratiquement en exil, à Iquique, et a immortalisé la nostalgie des anciens habitants, parfois leur colère, dans son documentaire.  

Une oeuvre qui fait se rencontrer l'exil et l'espoir

Les fantômes de Victoria est un documentaire qui porte en lui le thème de l'exil. Ronnie Ramirez explique retrouver dans le film sa propre trajectoire personnelle et familiale. Par un effet de miroir, l'?uvre devient universelle, et intemporelle. « C'est ce qui a ému beaucoup d'immigrés, quand j'ai projeté le film en France. », dit-il.

« Lorsque l'on a présenté le film dans un centre commercial, à Iquique, [?] des files

énormes se sont faites aux entrées, et j'entendais beaucoup de commentaires pendant la projection. J'ai tendu mon oreille et j'ai entendu de vieilles femmes dire à leurs petits enfants que l'arbre que l'on voyait à l'image était tout proche de la maison où ils avaient vécu ».

Quand on le questionne sur son engagement, sur ce qu'il recherche dans le cinéma, Ronnie Ramirez répond : « Avec mon père, je me suis promené dans les couloirs (du musée de la mémoire, ndlr). Il a reconnu la moitié des gens sur les photos. Même chez nous, à la maison, on conserve des objets qui devraient en fait être exposés dans le musée. Je crois qu'il y a un grand travail de récupération de la mémoire des peuples à faire. Par exemple, la communauté de chiliens en exil possède beaucoup de souvenirs, des photos, des vidéos. Et le fait aussi d'allier la grande et la petite histoire. C'est là, je crois, où le travail du documentaire devient important. »

Et il poursuit : « On dit souvent que tous les cinéastes filment le même sujet. C'est mon cas aussi. Je films des gens qui cherchent des solutions. Il y en a, et ça me fait chaud au c?ur de savoir qu'ils existent. Des Congolais, des Palestiniens, des Chiliens, qui cherchent des solutions. Nous devons filmer l'espoir. La partie lamentable de l'humanité, on la connaît.  »

Clément Ourgaud (www.lepetitjournal.com/Santiago) Jeudi 22 mai 2014

* La Délégation Wallonie-Bruxelles, a organisé les évènements auxquels Ronnie Ramirez a parrticipé, du 10 au 17 mai.

N.B. Filmographie de Ronnie Ramirez:

Prospérité Sous terre, 2013, Documentaire                                                                                                                                              Campus Kassapa, 2010, Documentaire
Un monde absent, 2004, Documentaire .
Place Publique, 2004, Documentaire .                                                                                                                                                          
Palestine, ceux qui gardent la clef, 2003, Documentaire .
Les fantômes de Victoria, 1999, Documentaire .

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Publié le 22 mai 2014, mis à jour le 22 mai 2014

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