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PAROLES D'EXPAT - “Je n'avais aucune intention d’aller au Chili”

Écrit par Lepetitjournal Santiago
Publié le 18 juillet 2017, mis à jour le 19 juillet 2017

Julia Yevnine, comédienne et marionnettiste de 37 ans, fait partie de ces gens que Valparaíso a attrapés : un atelier professionnel de deux mois s'est transformé en une expatriation. Portrait d'une jeune femme tombée sous le charme complexe du Chili.

Boucles blondes en bataille et grand sourire, Julia arrive au rendez-vous à l'heure pile : installée depuis deux ans au Chili, elle est visiblement encore en phase avec l'espace-temps français. Dans le café où nous nous rencontrons, elle commande un croissant, et m'explique avec une note de délice dans la voix qu'ils sont importés d'une boulangerie en France. Julia est bien une expatriée : elle adore son pays d'adoption, mais continue de penser avec nostalgie aux pâtisseries françaises.

Julia est comédienne et marionnettiste, spécialisée dans la ?marionnette portée? : un pantin grandeur nature, dont les jambes sont celles de son créateur et le buste une marionnette manipulée en direct par l'acteur. Elle en a créé plusieurs : Magdalena, ?une petite vieille née au chili, sympathique et rigolote, qui n'a pas sa langue dans sa poche? ; le vieux Jojo, ?un vieux marin breton qui vit en France ; il est très gentil mais fait souvent peur aux enfants?? ; et Jeff, ?un grand ami de Magdalena?. Elle parle de ses marionnettes comme de ses amis ; c'est d'ailleurs grâce à Magdalena, qui était de sortie lors du festival de théâtre Lambe Lambe, que nous nous sommes rencontrées?

Quand elle n'est pas avec Magdalena, Julia donne aussi des cours de français langue étrangère - comme beaucoup de chiliens, elle cumule les emplois pour arriver à vivre correctement.

Au départ, Julia n'avait ?aucune intention d'aller au Chili? : sa présence sur ce continent tient aux grands hasards de la vie. En 2014, Natacha Belova, une marionnettiste russe, lui propose de participer à un atelier de deux mois au Chili. Paris l'ennuie et le travail de Natacha Belova l'intéresse beaucoup : Julia décide donc de participer, et c'est ainsi qu'elle se retrouve à Santiago du Chili, entourée d'artistes de toutes les nationalités et notamment d'Amérique latine. Dès le départ, malgré un espagnol bancal appris en vitesse sur Internet, elle est charmée par l'esprit? des artistes chiliens : ?j'ai trouvé chez eux une ouverture d'esprit et un désir de partager? et beaucoup de joie de vivre !?.

Lorsqu'à l'issue de son stage, on lui propose un travail au Teatro municipal de Santiago, Julia accepte sans plus réfléchir : elle ne veut pas quitter le Chili tout de suite, toute occasion est bonne à prendre. C'est en commençant le travail qu'elle s'aperçoit que ce qu'on lui a proposé est loin d'être anodin, car si le ?théâtre municipal? désigne en français de petites salles locales, à Santiago du Chili, le Teatro municipal est l'un des des joyaux architecturaux de la ville. Durant deux mois, elle y interprète une marionnette du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, sur une musique jouée en direct par un orchestre : encore aujourd'hui, cette pièce reste l'une de ses fiertés.

C'est lors de cette deuxième expérience chilienne que Julia rencontre deux amours : sa compagne, et Valparaiso. ?Valparaíso m'a pris le coeur?, explique-t-elle, rêveuse. ?Quand je suis venue ici et que j'ai vu cet océan Pacifique, j'ai trouvé ça tellement apaisant? et quand tu te ballades il y a toujours une architecture improbable, des perspectives incroyables?. Ici, j'ai vraiment l'impression de me balader dans un poème??. Sa relation naissante achève de convaincre Julia de s'installer à Valparaiso.

Bien sûr, vivre au Chili l'a aussi poussée à aller au delà du poème. Petite, elle voyait le Chili par le prisme de l'histoire de ses camarades exilés : ?Pour moi, c'était un peu l'idéal socialiste où tout le monde était engagé, et où tout le monde avait une idée très claire de la politique?. Mais c'est en vivant ici qu'elle perçoit aussi une réalité plus complexe : ?C'est une société très divisée, très classiste, où tout est privatisé??. Elle qui n'a pas sa langue dans sa poche a parfois du mal à se taire. Mais le Chili l'inonde aussi de ses richesses : son espagnol secret (les ?cachai?, les ?po?, les ?chucha?), son énergie artistique collective. La chose la plus folle qu'elle ait vu au Chili ? Les ?payadores?, m'explique-t-elle. ?C'est une sorte de joute verbale. Les payadores sont deux, chacun avec une guitare à 26 cordes, et ils doivent improviser pour mettre l'autre en difficulté, sur un thème et une rythmique imposées? et en rimes ! C'est plein d'humour, parfois corrosif !?.

Aujourd'hui, Julia vit au Chili depuis deux ans, mais continue de partager son temps entre plusieurs pays : elle donne quelques ateliers de marionnettes au Liban, et garde un lien avec Paris via sa compagnie internationale Traversière. Pourtant, même à 11000 kilomètres de la France, l'idée du voyage ne la quitte toujours pas. Le prochain sera une tournée : elle vient de terminer l'écriture d'un monologue qu'interprétera Magdalena? Un spectacle qu'elle compte bien présenter aux quatre coins de l'Amérique latine !

Julie Desbiolles (lepetitjournal.com/santiago) - Mardi 18 juillet 2017

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Publié le 18 juillet 2017, mis à jour le 19 juillet 2017

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