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GRANDE GUERRE – Lycée Saint-Exupéry, du "Café Historique" aux commémorations

Écrit par Lepetitjournal Santiago
Publié le 10 novembre 2014, mis à jour le 9 novembre 2014

Du mois d'août au 11 novembre, de nombreuses commémorations du centenaire du déclenchement du premier conflit mondial sont organisées, notamment  à l'initiative du Lycée Français de Santiago

La première des manifestations avait lieu le 19 août, au Lycée Français de Santiago*, au travers d'un « Café Historique » sur le thème de « La Première Guerre Mondiale, matrice du XXe siècle ». Il était animé par Jay Winter, historien américain spécialiste du sujet, et Olivier Compagnon, professeur d'Histoire contemporaine à l'Institut des Hautes Etudes sur l'Amérique Latine, à la Sorbonne.

Les deux hommes ont expliqué que pendant la Grande Guerre, le continent sud-américain était jugé faible par les puissances belligérantes. La grande majorité des pays d'Amérique Latine ont d'ailleurs conservé leur neutralité, pour des raisons économiques ; ils ne sont entrés en guerre que formellement, à la fin du conflit, aux côtés des Alliés et à leur demande. Brésil mis à part, l'envoi de troupes a donc été à peu près inexistant. Mais cette histoire étatique, « officielle », ne dit pas tout, et c'est ce qu'ont cherché à démontrer les deux historiens du « Café Historique ».

La réalité est en effet plus complexe. Il est vrai, comme le rappelait Olivier Compagnon, que l'Amérique Latine n'a pas payé le « prix du sang » durant le conflit. A l'exception des batailles de Coronel, au large du Chili, et de celle des Malouines, qui ont surtout impliqué des armées ou des flottes européennes en 1914, le sous-continent n'a pas été un théâtre des opérations de la « Der' des der' ». L'impact de celle-ci sur ces pays et leurs populations a toutefois été réel. D'une part, parce que quelques volontaires, d'origine européenne pour la plupart, se seraient embarquer pour aller se battre en Europe ?des recherches sont en cours à ce sujet. Mais surtout, parce qu'avec 14-18, les élites sud-américaines, européanisées, francophiles pour la plupart et imprégnées de la culture des Lumières, voient l'Europe sombrer dans la barbarie. Sans complètement renier le modèle qu'incarnait le Vieux Continent, les intellectuels commencent, dès 1917, à se tourner vers leur voisin étatsunien, auréolé de ses succès contre la Triple Alliance.

Repenser la Grande Guerre

C'est d'ailleurs l'objet du dernier livre d'Olivier Compagnon, « L'Adieu à l'Europe. L'Amérique latine dans la Grande Guerre » (Fayard, Paris), paru en octobre 2013. Selon ses propres mots, ce « Café Historique » avait pour objet de « bousculer les représentations » de l'historiographie traditionnelle ; au travers de ses travaux, le Français cherche à dépasser « l'histoire-bataille », officielle, pour lui préférer une « histoire culturelle transnationale », communautaire voire individuelle.

Plus largement, cette conférence fait partie d'un projet vaste, mémoriel autant qu'historique. Initié par Patricio Arriagada, enseignant d'histoire à l'Université de la Católica, et Frédérique Guinet, professeure d'histoire-géographie au Lycée Français de Santiago (qui coordonnait le « Café Historique »), il a pour but de revisiter la narration de la Première Guerre Mondiale, de la rendre plus accessible et participative. De son côté, Patricio Arriagada prend part à l'organisation d'un colloque intitulé « La Gran Guerra (1914-2014) : repercusiones e imaginarios desde el fin del mundo » (c'est également le nom de son site). Le rendez-vous est fixé du 4 au 6 novembre 2014, sur le campus San Joaquín de la Pontifica*, en présence de nombreux historiens chiliens, français, allemands? Par ailleurs, le partenariat entre la Católica et le lycée Français donnera lieu à une exposition sur le thème de la Première Guerre Mondiale, début novembre dans la salle d'exposition du métro Plaza de Armas.

Histoire et souvenirs

Lors de cette exposition seront notamment montrés les résultats d'un impressionnant travail de collecte d'archives entrepris par Frédérique Guinet et sa collègue Pauline Bilot, elle aussi professeure d'histoire-géographie. Les deux enseignantes du Lycée Français ont mené un projet de longue haleine : outre les cours d'Olivier Compagnon dispensés aux classes de la troisième à la terminale pendant une semaine, et un concours d'écriture sur le thème de la Grande Guerre organisé pour les élèves du primaire et du secondaire, un questionnaire a été soumis aux enfants, à leurs familles et aux professeurs (puis proposé à d'autres établissements scolaires d'Amérique du Sud). Il s'agissait de les interroger sur l'éventuelle participation d'ancêtres aux hostilités de 14-18.

Une trentaine de familles a répondu et fourni aux deux professeures de nombreux documents, archives et autres souvenirs : correspondances de poilus, photos, obus taillés, et même un uniforme et un sabre de l'armée française. La plupart des donateurs, sont des immigrés de deuxième ou troisième génération ; ils ne parlent plus le français, l'allemand ou l'anglais, mais gardent un attachement fort à leurs racines, et donc parfois à leur ancêtre qui s'est battu dans les tranchées européennes. Mettant en lumière l'intimité des histoires des populations chiliennes et françaises, l'initiative a été soutenue par l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger (AEFE) et l'Institut Français.

Homologué par la Mission Interministérielle du Centenaire de la Première Guerre Mondiale, le projet de cette année aboutira logiquement le 11 novembre, lors des commémorations de l'armistice au carré français du cimetière de Santiago*, en présence de représentants de l'ambassade. Le matin y est également prévue la lecture par les trois élèves victorieux du concours d'écriture du Lycée Français de leurs oeuvres ? en écho à celles de trois élèves du lycée allemand. Comme pour mieux rappeler que derrière ces commémorations réconciliatrices, il y a avant tout une réelle ambition, historique, mais surtout pédagogique.

 Fabien Leboucq (www.lepetitjournal.com/santiago) lundi 10 novembre 2014

* Adresses :

Lycée Antoine de Saint-Exupéry : Av. Luis Pasteur 5418, Vitacura, Santiago 

Campus San Joaquín de la Pontifica : Av. Libertador Bernardo O Higgins 340, Santiago, Región Metropolitana

Cementerio General Recoleta : Av. Profesor Alberto Zañartu 951, Santiago

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Publié le 10 novembre 2014, mis à jour le 9 novembre 2014

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