

Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz est mort vendredi dernier d'une infection pulmonaire, à l'âge de 70 ans, dans un hôpital de Paris. Chilien exilé en France après la dictature, il a réalisé plus de cent films (Trois vies et une seule mort, Les âmes fortes...) et a écrit une centaine de pièces de théâtre. Il sera inhumé vendredi au Chili
Alors qu'il terminait le montage d'un film sur son enfance au Chili, La débâcle, le réalisateur Raoul Ruiz (photo AFP) est décédé vendredi à l'âge de 70 ans des suites d'une infection pulmonaire. Raoul Ruiz (ou Raúl Ruiz au Chili), qui s'est exilé en France à l'avènement de Pinochet en 1973, laisse derrière lui une ?uvre colossale d'une centaine de films. Erudit et amateur de poésie, Ruiz était un travailleur infatigable. "C'était non seulement un ami mais un des plus grands cinéastes vivants", a déclaré son producteur François Margolin après l'annonce de sa mort. Né le 25 juillet 1941 à Puerto Montt (1.000 km au sud de Santiago), Raoul Ruiz a grandi dans une famille de marins. Cet amoureux de littérature étudie le droit et la théologie avant d'écrire de nombreuses pièces de théâtre; des dizaines entre 1956 et 1962. Il mettra en scène La vie est un songe de Pedro de Calderon de la Barca à Avignon en France en 1986.
C'est en 1967 que sort son premier film, El tango del viudo, sur le quotidien d'un veuf que le fantôme de sa femme suit partout. En 1969, il présente son long métrage Tres tristes tigres, l'histoire croisée de trois personnages à Santiago, au festival de Locarno (Suisse). Cette année-là, il épouse sa collaboratrice et compatriote Valeria Sarmento, monteuse sur beaucoup de ses films puis réalisatrice (voir notre article sur Secretos).
Politiquement très engagé, il devient conseiller cinématographique pour le parti de Salvador Allende. Un mois après le coup d'Etat en septembre 1973, alors que le cinéaste Patricio Guzman est arrêté, Raoul Ruiz s'exile en France. Il tourne le sarcastique Diálogo de exiliados (1974) dans lequel il met en scène, avec humour, un groupe d'exilés chiliens à Paris. Mais dix ans après le coup d'Etat de Pinochet, Raoul Ruiz rentre à Santiago. Il tourne alors un court-métrage documentaire, Le retour d'un amateur de bibliothèques (1983), sur la quête d'un mystérieux livre à la couverture rose. Depuis, il a multiplié les allers-retours. Voici quelques mois à peine, il tournait son dernier film à Santiago et participait au festival Santiago A mil avec une pièce très applaudie.
Une ?uvre foisonnante
Le cinéaste ne s'attache à aucun genre particulier. Entre son premier film, Tres tristes tigres, en 1968 et son dernier en 2010, Mystères de Lisbonne, il passe du polar aux films d'aventures, explore des formes plus expérimentales, réalise des feuilletons pour la télévision, des documentaires, des comédies surréalistes. De même, il exerce diverses fonctions sur un plateau de cinéma : réalisateur, acteur, scénariste, producteur ou chef décorateur. C'est en France, à la fin des années 1990, qu'il connaît sa période la plus faste, avec notamment Trois vies et une seule mort (1995), l'un des derniers rôles de Marcello Mastroianni qui y interprète un personnage aux multiples personnalités. Sélectionné à Cannes, le film contribue à le faire connaître sur la scène internationale. Le cinéaste a également signé plusieurs adaptations de romans dont Le temps retrouvé en 1998, de Marcel Proust, avec Catherine Deneuve dans le rôle d'Odette et John Malkovich en baron de Charlus puis La maison Nucingen (2008) librement inspiré de Balzac, au Chili, avec Elsa Zylberstein (qui disait tourner de temps en temps avec Raoul Ruiz "pour ne pas s'embourgeoiser" ) et Jean-Marc Barr (voir notre interview). L'an dernier, le réalisateur avait reçu le prix Louis-Delluc, le "Goncourt du cinéma", pour Les Mystères de Lisbonne, centré sur la vie de l'aristocratie lusitanienne, film fleuve de quatre heures unanimement applaudi en France.
En même temps qu'il terminait le montage d'un film sur son enfance au Chili (dont beaucoup de scènes ont été tournées à La Peluqueria francesa) Ruiz préparait un autre film au Portugal sur une bataille napoléonienne célèbre, As linhas de Torres (les lignes de Torres). La disparition du réalisateur sera peut-être enfin l'occasion de voir ses films, si rares au Chili, où Raoul Ruiz sera inhumé, vendredi, conformément à sa volonté. Une cérémonie religieuse se déroulera à Paris demain matin à l'église Saint-Paul dans le quartier du Marais.
AL.G avec S.R (www.lepetitjournal.com Santiago) lundi 22 août 2011
S'il n'y avait que six de ses films à voir :
- Tres tristes tigres (1968), sur Santiago
- Diálogo de exiliados (1974), sur les exilés chiliens à Paris
- Les Trois couronnes du matelot (1983), avec les mythes des marins de Chiloé (Ile au sud du Chili)
- Trois vies et une seule mort (1995), pour l'un des derniers rôles de Marcello Mastroianni
- Les âmes fortes (2001), d'après Giono, pour Laetitia Casta et Arielle Dombasle
- Días de campo (2004), sur la campagne chilienne





