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TOCOROMA - Archéologie d'un village préhispanique

Écrit par Lepetitjournal Santiago
Publié le 7 octobre 2015, mis à jour le 8 octobre 2015

Thibault Saintenoy est un archéologue spécialisé sur les questions des territoires et des paysages culturels dans les Andes. Il est arrivé au Chili en 2009 après six ans de vie au Pérou où il réalisa sa thèse sur le palais inca de Choqek'iraw dans la cordillère de Vilcabamba, la même qui héberge le célèbre Machu Picchu. Aujourd'hui installé à Arica, il alterne entre l'enseignement à l'Université de Tarapaca et la recherche sur l'histoire de la région andine d'Arica au pied de l'Altiplano.

Ses études portent sur les dynamiques sociales et culturelles qui ont transformé les territoires andins au tournant de la conquête espagnole du Nouveau Monde : épidémies, déplacements de population, évangélisation et acculturation, mais aussi résilience des modes de vie traditionnels et des identités ancestrales de cette région andine du désert d'Atacama.
Les études archéologiques sont réalisées avec la participation des communautés et associations culturelles indigènes d'Arica particulièrement intéressées par la production de connaissances sur l'histoire de leur région andine qui est encore peu documentée dans la littérature sur l'histoire du Chili.

L'histoire de Tocoroma, village préhispanique de la région d'Arica
A croire les archives coloniales espagnoles du 16ème siècle, Tocoroma aurait été le nom indigène d'un important village préhispanique de la région. Comme l'ensemble des villages préhispaniques, Tocoroma fut abandonné à l'occasion du grand épisode de réaménagement des territoires andins ordonné par le Vice-roi Toledo à partir des années 1570. Sa population fut apparemment déracinée et réimplantée dans le village colonial de Belén fondée autour du temple San Santiago, l'une des toutes premières églises de la région.

C'est à l'histoire de ce drastique réaménagement territorial, processus commun à l'ensemble des Andes (depuis la Colombie jusqu'au Chili) qui a impliqué le déracinement de millions de personnes en seulement quelques décades, que s'intéressent les recherches de l'équipe de Thibault Saintenoy. Les recherches de terrain et les analyses en laboratoire sont cofinancées par CONICYT (Ministère de l'éducation du Chili) et par le Ministère français des affaires étrangères.

Les premières reconnaissances de terrain ont été réalisées dans les années 60. L'université de Tarapaca a repris les recherches dès 1990 et depuis 2013, l'étude de la région s'est intensifiée.
Des prospections par télédétection (avec un drône) ont été réalisées afin de découvrir le faciès des territoires préhispaniques. Sur le terrain, des prospections pédestres et des fouilles sont en cours. Celles-ci se concentrent au sein de villages d'origine préhispanique.


L'architecture du village
Bâtie intégralement en pierres, ces villages se situaient sur les hauteurs, souvent accrochés au versant des montagnes. Les plus grands d'entre eux réunissaient plusieurs centaines d'habitations rondes au toit de chaume. La fouille d'habitation a permis de documenter le mode de vie de leurs habitants.

La vie à Tocoroma
Ceux-ci cultivaient le maïs, la pomme de terre et le quinoa. Ils étaient de grand consommateur de viande de lama, animal qui du reste était omniprésent dans l'économie paysanne, mais ils consommaient également des cochons d'Inde et des cervidés, et même des coquillages et des poissons de l'océan Pacifique, situé à quelques 3 jours de marche. Comme ils étaient également fin artisans, les maisons étaient le théâtre de travaux de métallurgie du bronze et d'artisanat lapidaire sur une diversité de minerais de cuivre, de turquoise et d'os.

Autour des villages, des terrasses agricoles revêtent l'ensemble des versants de montagnes. Celles-ci étaient alimentées par un vaste réseau de canaux qui traversait les milieux arides du Désert D'Atacama.
Les opérations de télédétection ont aussi permis d'identifier un réseau de près de six cent kilomètres de chemins dont la plupart étaient parcouru durant l'époque préhispanique avant même que l'Empire Inca n'instaure son fameux Qhapaq Nan (« chemin principal », en langue quechua), souvent appelé "chemin l'inca" récemment inscrit au patrimoine mondial UNESCO.

L'archéologie, dynamique régionale
Les recherches archéologiques ont un intérêt économique, touristique et culturel pour la région d'Arica. En effet, la production de connaissance sur l'histoire de la région andine d'Arica offre le potentiel d'un développement du tourisme culturel au sein d'en environnement chargé de nature et d'histoire. Au-delà de la sphère touristique, elle contribue aussi pleinement à la reconnaissance des identités indigènes qui sont devenues trop souvent invisibles depuis la formation des républiques américaines.

Précisions de Thibault Saintenoy - Crédits Photos © Thibault Saintenoy
Jennifer Roux (www.lepetitjournal.com/Santiago) - Jeudi 08 octobre 2015

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Publié le 7 octobre 2015, mis à jour le 8 octobre 2015

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