Édition internationale

Cindy Beziat: véritable pilier culturel de l'Alliance Française de San Francisco

Cindy Beziat, aujourd’hui coordinatrice culturelle à l’Alliance Française de San Francisco, revient sur un parcours riche en expériences à l’étranger. Elle a construit sa carrière autour de la transmission culturelle. Une interview inspirante d’une globe-trotteuse passionnée par les échanges inter culturels.

Photo Couv Cindy Béziat - LPJPhoto Couv Cindy Béziat - LPJ
Cindy Béziat dans le bibliothèque de l'Alliance Française à San Francisco
Écrit par La Rédaction de San Francisco
Publié le 8 juin 2025, mis à jour le 13 juin 2025

Dans un monde de plus en plus connecté où les échanges inter culturels jouent un rôle déterminant, les Alliances françaises représentent bien plus que de simples centres d'apprentissage linguistique. Véritables ambassadeurs de la francophonie, ces institutions tissent des liens durables entre les cultures, favorisent le dialogue inter culturel et construisent des ponts entre les nations. À San Francisco, métropole cosmopolite au cœur de la Silicon Valley, l'Alliance Française occupe une position stratégique unique, rayonnant sur toute la côte ouest américaine et contribuant à faire vivre la culture francophone dans l'un des écosystèmes les plus dynamiques au monde.

C'est dans ce contexte que Le Petit Journal .com a souhaité mettre en lumière le parcours et l'action de Cindy Béziat, coordinatrice culturelle de l'Alliance Française de San Francisco. Son profil exemplifie parfaitement la mission de ces institutions : forte d'une expérience internationale exceptionnelle sur quatre continents, elle incarne cette nouvelle génération d'acteurs culturels indispensables qui savent adapter la programmation francophone aux réalités locales tout en préservant l'authenticité des échanges.

 

LePetitJournal.com / SF: Bonjour Cindy, pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et de la manière dont il vous a préparé à travailler dans le domaine culturel à l'international ?

Cindy: Bonjour et merci de me recevoir. En ce qui me concerne, j’ai commencé mon parcours à l'international assez jeune. À 19 ans, je suis partie en expérience Erasmus en Espagne pour terminer ma licence de lettres, langues et civilisations étrangères et régionales en espagnol. J'ai étudié une deuxième licence, la même en anglais, et je suis ensuite partie un an en Angleterre en tant qu’assistante en enseignement du FLE. J'ai continué avec une expérience au Mexique dans une université une nouvelle fois comme assistante en enseignement du FLE. J'ai ensuite étudié un Master Etudes Européennes internationales mention Stratégies culturelles internationales et j’ai été ravie d’effectuer 2 stages à l’étranger. Le premier, j’ai eu la chance de le faire au Sénégal, en Afrique de l'Ouest et le 2e stage à l'Alliance Française de San Francisco.
J’ai aussi travaillé par la suite à Guayaquil en Equateur, une fois entrée dans la vie active.

 

 

LPJ / SF : Et qu'est-ce qui vous a motivé à entreprendre un Master en France en Stratégies Culturelles Internationales ?

Cindy: Alors bien sûr mes premières expériences à l’étranger avant le master donc en Espagne, en Angleterre et au Mexique. Et puis j'ai eu envie de poursuivre mes études pour approfondir ma compréhension de la manière dont la culture influence les relations mondiales. Je souhaitais aussi développer des compétences stratégiques afin de naviguer dans des environnements internationaux complexes, diverses et variées. Le Master que j’ai suivi m’a permis de développer une grande polyvalence, en m’offrant une formation dans des domaines variés tels que la gestion de projets culturels, les relations internationales, les financements européens, le marketing, la comptabilité, la recherche de partenaires et les langues étrangères.

 

 

LPJ / SF:  Comment vos expériences à l'étranger ont elles façonnées votre vision professionnelle et votre approche inter culturelle ?

Cindy: Mes expériences à l'international m'ont aidée à comprendre différentes cultures, différents modes de pensée. Elles m'ont appris à faire une preuve d'une ouverture d'esprit, à m'adapter dans des situations diverses afin de pouvoir travailler avec des personnes d'horizons différents. Elles ont façonné ma perspective professionnelle aussi, en soulignant l'importance de la communication interculturelle, de la collaboration et de la réflexion stratégique dans le monde globalisé dans lequel nous évoluons.

 

LPJ / SF: En tant que francophone native ayant une expérience internationale, comment définiriez-vous l'identité francophone aujourd'hui ?

Cindy: Je pense que pour moi, l'identité francophone, ce n'est pas seulement le fait de parler français, c'est aussi le partage d’une une culture, de valeurs communes qui embrassent une diversité. C’est donc une identité qui unit des personnes de pays et d’horizons différents à travers une histoire, une littérature et une vision du monde partagées.

 

LPJ / SF: Que signifie pour vous promouvoir la culture francophone à travers le monde ?

 

Cindy: Je pense que c'est une célébration : la célébration des langues, des traditions, des arts, des valeurs de la Communauté. C’est aussi principalement un échange, un véritable dialogue culturel, qui inclut bien sûr la transmission de la langue française. Il s’agit, en fin de compte, de valoriser la richesse et la diversité des identités francophones à travers le monde.

 

LPJ / SF:  Vous avez travaillé dans des pays aussi divers que l'Équateur, le Mexique, le Sénégal et les États-Unis, quelles leçons culturelles avez-vous tirées de ces expériences ?

 

Cindy: Travailler dans des pays aussi divers que le Mexique, l'Équateur et le Sénégal m’a offert bien plus qu’une simple expérience professionnelle : cela m’a permis de tirer des enseignements culturels profonds et durables. L’une des leçons les plus marquantes a été l’importance de l’adaptabilité. Chaque culture possède sa propre manière d’aborder les relations humaines, de gérer les conflits et de structurer le temps. Au Sénégal, par exemple, les liens interpersonnels et la confiance priment sur les considérations strictement professionnelles. Il est donc essentiel de prendre le temps de tisser des relations solides avant d’aborder les aspects opérationnels. Au Mexique, la hiérarchie et le respect de l’autorité jouent un rôle central, ce qui a influencé ma manière de communiquer et de prendre des décisions en équipe. En Équateur, en revanche, la communauté et la collaboration sont au cœur de la dynamique professionnelle. L’implication
des acteurs locaux dans la conception et la mise en œuvre des projets s’est révélée essentielle pour assurer leur pertinence et leur impact. Enfin, San Francisco, ville résolument
inter culturelle, incarne à elle seule ce mélange de cultures et de perspectives. Y travailler a été l’occasion de mettre en pratique ces apprentissages dans un environnement cosmopolite, riche en diversité et en échanges.

 

LPJ / SF:  Comment adaptez-vous les programmations francophones au contexte culturel locaux ?

Cindy: Je me pose constamment la question de la manière dont la culture francophone résonne dans le pays où je me trouve. Il s’agit avant tout d’identifier des points de connexion : par la musique, la langue, l’histoire ou les valeurs partagées. À partir de là, il devient possible de concevoir des programmes qui mettent en lumière ces liens culturels. En Afrique de l’Ouest, par exemple, la francophonie est profondément ancrée. Cela ouvre la voie à une programmation qui valorise les artistes contemporains francophones de la région, aux côtés de créateurs venus de France, du Canada ou encore d’autres pays francophones. J'intègre également des éléments bilingues ou construis des passerelles thématiques — comme l’exploration des influences afro-caribéennes dans les cultures françaises et latines — afin de créer du sens et du dialogue. Enfin, je donne une place centrale à l’inclusion et à la co-création, en veillant à intégrer les voix locales dès les premières étapes. Il ne s’agit pas simplement de « présenter » une programmation, mais de la construire ensemble, pour qu’elle résonne authentiquement avec le public local.

 

Alliance Française de San Francisco

 

LPJ / SF:  Vous avez coordonné des événements dans plusieurs alliances françaises et dans plusieurs organismes, quelle est votre approche pour concevoir des événements culturels marquants et accessibles ?

Cindy: Selon le pays dans lequel on se trouve, il est essentiel de s’adapter, non seulement au contexte culturel, mais aussi aux circonstances particulières. Par exemple, lors de la Fête de la musique en Équateur, en pleine pandémie, il a fallu repenser complètement l’événement. Nous avons su faire preuve de créativité et d’adaptabilité en organisant une édition spéciale, entièrement en ligne, qui s’est déroulée sur plus de 8 heures. Elle a rassemblé des groupes issus de divers pays francophones, créant ainsi un moment fort, malgré les contraintes sanitaires. C’est un bel exemple de réinvention face à une situation exceptionnelle.

 

LPJ:  Y a-t- il un événement que vous avez organisé ou auquel vous avez participé, qui vous tient particulièrement à cœur ? Et qu'est ce qui le rendait spécial ?

Cindy: Alors j'aime beaucoup organiser la fête de la musique chaque année. La musique, c'est vraiment un langage universel qui s'adapte à tous. C'est un événement qui rassemble les gens de manière joyeuse, inclusive, spontanée. Et c'est une soirée spéciale qui célèbre ce langage universel en créant un espace ouvert à chacun. C'est aussi l'occasion de travailler avec des artistes locaux, des artistes internationaux. On commence à le planifier des mois à l'avance.
J’aime aussi beaucoup partir à la recherche de nouveaux endroits dans la ville et entrer en contact avec de de potentiels futurs sponsors, partenaires qui pourraient éventuellement s'unir à nous pour l'événement.

 

LPJ / SF:  Comment les réseaux sociaux ont-ils transformé la manière dont nous engageons le
public autour de la culture francophone ?

Cindy: Je pense que les médias sociaux ont profondément transformé notre manière de concevoir, de promouvoir et d’évaluer les événements culturels. Ils ne servent plus uniquement à faire de la communication, mais influencent aussi la façon dont les événements sont pensés et vécus. Les réseaux ont rendu ces moments plus interactifs, participatifs, et accessibles bien au-delà du lieu physique. Aujourd’hui, l’expérience ne se limite plus à ce qui se passe sur place — les publics s’attendent à pouvoir interagir en ligne, en amont, pendant, et après l’événement. Par exemple, pour la Fête de la musique cette année, nous avons organisé un sondage sur les réseaux sociaux pour permettre à notre communauté de choisir le thème de la soirée. Ce type d’initiative crée un sentiment d’appropriation et renforce le lien avec le public. Les médias sociaux nous offrent également un retour d’information en temps réel. En complément des enquêtes plus classiques, nous pouvons mesurer l’engagement, analyser le ressenti du public et évaluer l’impact communautaire de chaque initiative. Cela nous permet de nous adapter en continu, d’ajuster nos contenus et d’être à l’écoute des attentes locales de manière plus réactive et pertinente.

 

LPJ / SF:  Vous avez organisé des événements sur plusieurs continents, comment percevez-vous l'évolution des formats hybrides ?

Cindy: Depuis la pandémie, le format hybride s’est développé et nous a permis de nous adapter. En ce qui me concerne, je ne suis pas particulièrement fan des événements en ligne et je pense que notre communauté attend de nouveau une prédominance des événements en présentiel. Être présent sur place joue également un rôle essentiel dans la création de lien social et dans la cohésion de la communauté. C’est une occasion précieuse de rencontrer du monde, de tisser de nouvelles relations, et de faire découvrir les espaces de l’Alliance française — qu’il s’agisse de nos locaux, de notre musée ou encore de nos cours. Ces moments favorisent la curiosité, les échanges, et permettent à chacun de s’impliquer davantage dans la vie culturelle et linguistique du lieu. C’est aussi une belle opportunité pour pratiquer la langue de manière vivante et informelle, en créant des connexions humaines durables.

 

LPJ / SF:  Comment les initiatives locales contribuent-elles, à la visibilité de la culture francophone à l’international ?

Cindy: Alors je pense donc, les initiatives locales jouent un rôle clé dans la promotion de la culture francophone à l'étranger parce qu'elle la rend accessible et authentique et elle est axée sur la Communauté. Par exemple, il y a quelques années, j'ai lancé un club de théâtre français en Angleterre, qui est devenu un espace local permettant aux gens de s'intéresser à la langue, à la culture par le biais du théâtre. Je pense que ce genre d’initiatives favorisent un véritable échange culturel et nous aide à construire une visibilité durable à partir de la base.

 

LPJ / SF:  Quel type de projets francophones aimeriez-vous développer ou soutenir dans les années à venir ?

Cindy: J’aimerais beaucoup que nous puissions développer davantage de partenariats internationaux, notamment entre les Alliances françaises elles-mêmes. Nous avions déjà expérimenté ce type de collaboration, par exemple entre l’Équateur et les États-Unis, et cela a montré tout le potentiel qu’il y a à unir nos forces au-delà des frontières. Ce serait une belle dynamique à renforcer à l’avenir — que ce soit entre Alliances françaises ou avec d’autres institutions culturelles ou éducatives. L’idée serait de créer des projets conjoints entre pays, pour faire rayonner la culture francophone de manière collaborative. Pour moi, tisser des partenariats solides — avec des écoles, des universités, des centres culturels — reste fondamental. C’est à travers ces liens que l’on peut faire vivre la langue, promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie, encourager le dialogue inter culturel, et former les citoyens du monde de demain sous le prisme de la francophonie.

 

Photo de Cindy Béziat - Traveling

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos