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Une veillée à Brazzaville

Lorsque survient un décès dans une famille, et avant la cérémonie des funérailles, la tradition, en République du Congo, est d’organiser une veillée en hommage au défunt. C’est un événement qui peut durer plusieurs jours et, dans certains cas, des centaines de personnes, proches ou non, se rassemblent pour y participer. C’est un grand moment de convivialité et de partage, où la tristesse n’est pas vraiment de mise.

veillée à Brazzavilleveillée à Brazzaville
La veillée funéraire, importante tradition en République du Congo
Écrit par Philippe Petit
Publié le 9 octobre 2023, mis à jour le 17 octobre 2023

La veillée chez les voisins en République du Congo 

Quand l’annonce du décès est diffusée, on commence très vite à s’activer pour préparer la concession. La cour est énergiquement nettoyée, balayée et lavée, les vieilles choses inutiles accumulées avec le temps sont évacuées. On fait place nette. Et on accroche tout de suite des branches de palmistes sur des poteaux du bout de la rue. C’est le signe qu’un décès a eu lieu dans le quartier.

Le jour suivant, dès le matin, des peintres s’activent pour ravaler les façades de la maison et les murs de la clôture. Les électriciens installent des lignes qui alimenteront de nombreux éclairages. Même la rue, d’ordinaire si sombre, est illuminée dès la tombée du jour par des spots surpuissants. Les barnums et chapiteaux sont installés dans la cour, les chaises sont habillées de housses noires ou blanches. La photo encadrée du défunt trône dans la cour. 

Le troisième jour, la ruelle est totalement envahie par de nouvelles tentes. On ne passe plus. Les chaises se multiplient. Il y en a plusieurs centaines disposées partout. Les visiteurs s'installent  et viennent passer le temps, à deviser ou à se concentrer sur leurs téléphones portables. L’après-midi se passe tranquillement. Le maître de maison, fils du défunt, distribue de l’eau. Il a acheté et installé un groupe électrogène. Il est prévoyant, et ne voudrait pas que la fête soit gaspillée par un de ces délestages si fréquents. On accroche une large banderolle avec la photo du disparu.

Le lendemain, des gens viennent s’asseoir dans la rue et dans la cour dès le début de l’après-midi. Il y a maintenant un grand écran plat qui passe un reportage sur la vie du défunt. Des femmes passent dans la maison du fils pour récupérer la toile de pagne qui sera utilisée pour les tenues des funérailles. Le défilé est impressionnant. Le soir, un groupe de musique traditionnelle vient jouer, tambours et percussions,  et cela se prolonge... Le quartier restera éveillé une bonne partie de la nuit…

Le cinquième jour, la foule augmente, et les très nombreuses chaises sont occupées dès le début de l’après-midi. Des groupes se forment, des proches se retrouvent. On s’embrasse, on discute, on parle fort, les anciens sont de sortie et restent assis pendant des heures. Certains viennent de loin. Les marchandes de boissons diverses -à consommer avec modération- étendent leur territoire dans la ruelle. Le volume des sonos a été revu à la hausse. On ne dormira pas cette nuit non plus. Les gros véhicules des participants bouchent les trottoirs du quartier. On ne circule plus. Les marchands de cornets de glace et d’arachides grillées se faufilent jusque dans la cour. La veillée se poursuit, alors que la dépouille n’est toujours pas là. Son arrivée est programmée pour demain, par l’avion venant de France. La nuit va encore être longue et sonore.

La veillée, la nuit, à Brazzaville

 

Une foule immense pour rendre hommage au disparu à Brazzaville

Le sixième jour est celui de l’arrivée de la dépouille. Elle ne sera pas dans la maison pendant la veillée. Mais l’ambiance montera encore d’un cran. Les écrans plats se multiplient avec un reportage sur la vie du cher disparu qui passe en boucle. Un autre chapiteau est ajouté.

Le septième jour, l’assistance augmente, et des centaines de personnes ont convergé vers le lieu de la veillée. Le courant étant coupé, c’est le groupe électrogène qui alimente bruyamment les lieux. La rue principale est maintenant remplie de chaises, occupée depuis le début de la matinée. Au vu des tenues, costumes et robes de marque, le standing des visiteurs augmente à mesure que les jours passent. Des parlementaires, des ministres font un passage.

Deux orchestres rivalisent, et vont jouer en même temps, à fond, jusqu’au petit matin. C'est comme une apothéose. Des associations ont ameuté leurs membres. Ce n’est plus une foule, c’est une multitude.

Le huitième et dernier jour, le cercueil arrive sur place et les participants défilent autour de la dépouille en pleurant. Les femmes ont revêtu le vêtement de pagne. Les hommes ont sorti le costume noir. 

Puis le cortège se forme et se déplace, toutes sirènes hurlantes. Et part vers le village où est prévu l'enterrement. Ici, le quotidien peut reprendre, comme avant.

Philippe PETIT - Brazzaville
Publié le 9 octobre 2023, mis à jour le 17 octobre 2023

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