En venant de Brazzaville pour un séjour à Johannesbourg, on s’aperçoit vite que le proverbe « l’herbe est toujours plus verte ailleurs » prend ici tout son sens, tant les découvertes et l’étonnement à l’arrivée sont multiples et variés.
Quand deux rédacteurs de « lepetitjournal.com », Maeva Dewas, de Johannesbourg et Philippe Petit, de Brazzaville, se rencontrent en Afrique du Sud et racontent quelques aspects de leurs villes respectives, cela permet finalement de relativiser et de mettre les deux capitales en lumière. Même si les différences semblent démesurées au premier abord…
Article co-écrit par Maeva Dewas et Philippe Petit.
Deux grandes villes qui ne se ressemblent pas
LPJ : Maeva, Philippe, présentez-nous les capitales où vous êtes installés.
Maeva : Johannesbourg, au doux surnom de « Jozi », est la 7ème ville la plus peuplée d’Afrique. C’est une ville très étendue, qui compte 4,8 Millions d’habitants et 9 Millions pour son agglomération.
Située à plus de 1700m d’altitude, en plein cœur des hautes terres centrales d’Afrique du Sud, la ville jouit d’un climat exceptionnel et d’un des meilleurs taux d’ensoleillement au monde. C’est en 1886 que la ville voit le jour, sous la forme d’un camp minier, suite à la découverte d’un gigantesque filon aurifère. La colonne vertébrale de la croissance de Johannesburg, c’est donc l’or. En l’espace d’un siècle seulement, Johannesburg s'est transformée, passant d'un campement de tentes à un bidonville en tôle, puis à des bâtiments en briques de quatre étages de style édouardien, pour devenir aujourd'hui une ville de gratte-ciel modernes, débordante d’énergie et d’activités.
Dans la bouche de nombreux visiteurs on entend cette phrase récurrente :
ce n’est pas vraiment l’Afrique…
Johannesburg ressemble plus à ces grandes villes américaines où on trouve des malls à chaque coin de rue.
Philippe : Brazzaville est la 49ème ville d’Afrique, avec une population de 2,145 Millions d’habitants, soit 35% des habitants du pays qui en compte 6,142 Millions. Elle est située à 475 Kilomètres de l’Equateur, son climat est tropical. Elle culmine à 317 mètres au-dessus du niveau de la mer.
La ville a été fondée en octobre 1880, quelques années avant Johannesbourg. Elle tire son nom de l’explorateur franco-Italien, Savorgnan de Brazza, qui l’a implantée au bord du majestueux fleuve Congo, le deuxième fleuve du monde en terme de débit. C’était à l’époque un simple camp de base pour marquer le territoire en faveur de la France et pour faciliter l’exploration du reste du pays.
LPJ : le climat et la température dans les deux villes sont-ils différents ?
M. : A Johannesburg, les saisons sont réellement marquées.
On retrouve des similarités avec le climat méditerranéen : des étés long et chauds ; des hivers courts et frisquets. Ici, la saison chaude (octobre-mars) correspond à la saison « humide ». Une saison qui reste très ensoleillée avec des orages importants qui se produisent souvent dans l’après-midi. Pendant la saison froide et sèche (Avril-Septembre), le ciel, d’un bleu profond, reste dégagé toute la journée et le froid se fait surtout ressentir le soir, du fait de l’absence d’isolation des habitations.
Ph. : A Brazzaville, il fait chaud toute l’année.
Et parfois même très chaud, surtout pendant la saison des pluies du début d’année. Je n’ai jamais porté un pull-over depuis mon installation. Les deux saisons des pluies et les deux saisons sèches se succèdent alternativement. Cette année, pendant plusieurs mois, les pluies ont été très importantes et ont engendré de graves inondations qui ont causé d’énormes dégâts.
Le ciel de Brazzaville est souvent couvert par une brume persistante qui cache le bleu du ciel. Les seules installations nécessaires pour réguler la température dans les habitations ou les bureaux sont les climatiseurs, qui se généralisent à grande vitesse.
Lpj : Quelle est la situation en ce qui concerne l’environnement ?
M. : Johannesburg est une immense forêt ! La ville est incroyablement verte et fleurie. Mis à part le vieux centre (Central Business District), le reste de la ville est très étendu avec des rues bordées de grandes allées d’arbres et de maisons avec jardins. Le terrain sur lequel la ville est construite était autrefois une prairie, mais c'est aujourd'hui la plus grande forêt urbaine (artificielle) du monde, avec plus de 10 millions d'arbres dont le fameux Jacaranda, qui, lorsqu’il se pare de ses fleurs flamboyantes, offre un spectacle absolument somptueux.
En plein cœur de la ville, on trouve également de nombreux parcs, parfaits pour les sorties en famille ou entre amis.
Ph. : La capitale de la République du Congo est une ville où les espaces bâtis sont denses. Notamment dans les quartiers populaires. On y trouve beaucoup de constructions très serrées, les unes très proches des autres. Et ces derniers mois, avec la relance économique qui se dessine, de nombreux nouveaux chantiers ont démarré. La ville qui se fait appeler « Brazza la verte » est en fait assez peu fournie en espaces verts. Les forêts, comme celle qui borde le stade Massamba Débat sont artificielles, plantées uniquement d’eucalyptus, et il faut s’éloigner de la ville pour trouver d’immenses espaces de savanes ou de forêts naturelles.
Les automobiles, les climatiseurs, les génératrices… tout cela n’est pas optimal pour la planète. Le récent sommet des Trois Bassins qui s’est tenu à Brazzaville incitera-t’il les habitants à accorder un peu plus d’attention aux causes du changement climatique ?
LPJ : Et comment circule-t’on, dans les rues de vos villes respectives ?
M. : A Johannesburg, tout doit se faire en voiture. Pour des ados, c’est clairement une vie avec moins de liberté et d’autonomie que dans les grandes capitales européennes. Il n’y a pas ou très peu de transports en commun. Cependant les alternatives comme Uber ou Bolt sont assez développées. La voiture reste tout de même un vrai coup de pouce ici !
La conduite se fait à gauche (le volant à droite de la voiture), mais pas de soucis, on s’y fait très vite. Parmi les particularités les plus déroutantes de la conduite, on peut citer les carrefours sans feux rouges ou les intersections à quatre stops ! Cette configuration implique la priorité au premier arrivé, et cela fonctionne très bien ! Dans les faits, toutes les voitures s’arrêtent et passent ensuite à tour de rôle en fonction de leur ordre d’arrivée.
La ville dispose d’un réseau routier goudronné globalement en bon état, même si les infrastructures routières tendent à se dégrader ces dernières années (nids de poules de plus en plus nombreux). Pour les piétons, c’est assez compliqué. En effet on note l’absence de trottoirs quasiment partout. Il faut toujours faire attention car les piétons sont loin d’être prioritaires !
Ph. : Je n’ai pas encore osé conduire dans Johannesbourg, car la conduite à gauche perturbe totalement mes repères. J’ai essayé la marche à pied, mais je sens effectivement que ce n’est pas la préoccupation première des aménageurs urbains : les bons trottoirs sont rares.
Brazzaville a suivi les principes français et la conduite est à droite. Bizarrement, les règles de priorité sont différentes. C’est normalement au véhicule venant de la gauche qu’il faut laisser le passage. C’est parfois surprenant. Il y a relativement peu d’embouteillages massifs, sauf lorsque les rues sont bloquées par un cortège officiel, ou lorsque les feux de signalisation sont en panne.
Les larges avenues en ville ne sont pas nombreuses et ne dépassent pas quatre voies. Les véhicules les plus visibles sont les énormes SUV rutilants, qui passent dans les nids de poules sans dommages, et aussi les innombrables taxis verts qui circulent dans la ville en klaxonnant pour attirer les clients. Ici, les trottoirs existent et permettent de marcher un peu partout dans la ville, depuis qu’ils ne sont plus encombrés par les marchands informels qui ont été évacués lors du sommet des Trois Bassins.
Il existe quelques belles routes goudronnées dans le pays, comme celle qui va jusqu’à Pointe Noire. Un ruban d’asphalte en bon état de 570 kilomètres. Cependant, les voies au cœur de Brazzaville se sont dégradées depuis quelque temps, et il convient d’être vigilant pour éviter les problèmes aux bas de caisse.
LPJ : Comment cela se passe-t’il pour l’énergie, l’eau et le reste ?
M. : Le secteur de l'énergie en Afrique du Sud est largement dominé par le charbon. 80 % de l’électricité de tout le pays est produite à partir de son exploitation. Ses mines de charbon constituent une grande part de son économie, et ce, autant à l’interne que sur la scène internationale. Depuis de nombreuses années l'Afrique du Sud est aux prises avec des épisodes de délestage qui se sont multipliés depuis le mois de juin et de juillet 2022. Johannesburg n’échappe malheureusement pas à ce phénomène. C’est donc quotidiennement la course contre la montre : recharger son ordinateur et son téléphone, préparer les repas, beaucoup de choses à faire avant que le courant ne soit interrompu lors d’un délestage programmé et annoncé sur un site dédié. Ces coupures, en moyenne de 6 à 8 heures par jour surviennent en cas de fortes tensions sur le réseau électrique, lorsque le système ne parvient pas à répondre à tous les besoins. Cela s’explique notamment par de nombreuses années de mauvaise gestion et de corruption. Le business du solaire est donc actuellement très tendance. De plus en plus d’entreprises proposent la vente et la mise en place d’installations solaires. Dans les banlieues du nord de Johannesburg, les panneaux solaires surgissent comme des champignons sur les toits des habitations privées. D’autres utilisent un système d’onduleurs et de batteries.
Après les coupures d’électricité… les pénuries d’eau. Depuis le début du mois d’octobre 2023, certains quartiers de la région de Johannesburg, subissent également d’importantes coupures d’eau, perturbant considérablement la vie quotidienne. Une conséquence des délestages d’électricité quasi permanents, et des infrastructures vieillissantes. Jusque-là l’eau du robinet à Johannesburg était potable et de bonne qualité. De nombreux habitants continuent à boire cette eau, sans trop se poser de questions d’aillleurs…
Ph. : La République du Congo est un important producteur de pétrole en Afrique. Mais régulièrement la pénurie de carburant génère d’interminables files d’attente aux stations qui servent encore le précieux liquide.
De même la population de Brazzaville se plaint régulièrement des délestages électriques - coupures de courant intempestives et non planifiées -, des pénuries de gaz domestique ou encore des coupures d’eau.Cela explique la multiplication des systèmes alternatifs comme les génératrices, les forages et les réchauds à charbon de bois. Les installations solaires ne sont pas nombreuses, du fait du manque d’ensoleillement direct suffisant.
La question des coupures de courant se pose peu dans les campagnes dont la plupart ne sont pas alimentées par l’électricité.
LPJ : Pour les distractions et la culture, vos villes sont-elles bien pourvues ?
M. : Johannesburg est une ville à l’énergie débordante. Il s’y passe toujours plein de choses. Pour les visiteurs de passages comme pour les expatriés et résidents étrangers, cette ville à beaucoup à offrir : une vie nocturne trépidante, d’excellents restaurants, clubs, cinémas, des institutions culturelles renommées (musées, galeries d’arts, sites historiques). Pour les passionnés de street art, c’est aussi un véritable lieu de prédilection. Les sportifs s’y retrouvent également puisque tous les clubs possibles et imaginables sont à disposition. Les centres Virgin Activ’ et Planet Fitness se trouvent dans tous les quartiers. Johannesburg est également le royaume des golfeurs.
Pour les amateurs de sorties plus « natures », le zoo de Johannesburg est très agréable.
Des activités ludiques sont proposées dans les « nursery tea garden » situées dans les jardineries. Des fermes proposent des espaces de jeux au milieu de quelques animaux à l’extérieur de Johannesburg
En définitive, on ne s’ennuie jamais à Johannesburg et il y en a pour tous les goûts.
Ph. : A Brazzaville, le lieu culturel par excellence est l’Institut Français. Les acteurs de théâtre, les danseurs, les slameurs, les groupes musicaux, les écrivains y sont régulièrement mis en valeur.
C’est un peu plus épisodique dans les autres lieux dédiés à la culture. De temps en temps, un concert de rumba congolaise est organisé en ville, au stade ou au palais des Congrès. Et des pointures comme Fally Ipupa ou Koffi Olomidé sont invitées à se produire.
Une salle de cinéma propose des films récents. Le Tennis Club regroupe diverses activités sportives, avec des courts, une grande piscine et des terrains de basket et de padel.
Le zoo renaissant permet une sortie au vert et au calme. Il faut juste bien se protéger des piqûres de moustiques et de fourous, petits moucherons redoutables qui infligent des démangeaisons dont on se souvient longtemps. La corniche, fermée aux voitures le dimanche, est ce jour-là un agréable but de promenade le long du fleuve Congo pour les familles.
LPJ : Pour terminer, citez-nous quelques lieux remarquables ou intéressants.
M. : Il y en a tellement que c’est difficile de n’en citer que quelques-uns ! Une visite en vélo ou en Tuk Tuk du célèbre quartier de Soweto est un MUST ! C’est ici que Nelson Mandela a vu le jour avant de devenir un grand leader dans la lutte contre l’Apartheid. Il a créé en 2002 le musée Hector Pieterson qui rend hommage à un jeune garçon tué lors des émeutes dans le quartier. Pour les férus d’histoire, le musée de l’Apartheid est également à faire.
Le Roof Top Market de Rosebank, est une sortie dominicale très sympathique et courue pour toute la famille ! Les « théâtreux » iront plutôt au Market Théâtre dans le quartier central de Newton et les danseurs au Joburg Théâtre. Les amoureux de street art trouveront leur bonheur dans les quartiers de Braamfontein, Maboneng et Newtown. Côté musée, l’Origins Center vous renseignera sur les ancêtres sud-africains, à commencer par les Bushmen.
Pour les dingues de shopping, les centres commerciaux sont partout, à presque chaque coin de rue. Pour une ambiance plus intime, en extérieur, un tantinet « bobo chic », foncez au 44 Stanley qui offre une sélection de boutiques de designers locaux, des terrasses de café et des restaurants connectés par de jolies cours intérieures. Pour les escapades nocturnes, le choix est vaste. Il est agréable de se laisser tenter par un concert intimiste organisé par la dynamique Alliance Française de Johannesburg et son directeur actuel, Lionel Schultz…
Ph. : Brazzaville offre quelques hauts lieux attractifs : les tours jumelles récemment ouvertes avec leur restaurant tournant, le nouveau mall qui commence doucement à être occupé, la longue promenade du dimanche sur la Corniche le long du fleuve Congo, les impressionnants rapides et cataractes du Djoué, le parc zoologique qui commence à revivre, la forêt d’eucalyptus de la Patte d’Oie, les marchés populaires comme le marché Total, les rues commerçantes et le centre d’art de Poto Poto …
On peut aussi se retrouver dans d’agréables restaurants, comme Mami Wata, au bord du fleuve, Chez Ilys qui propose un large éventail de cuisine africaine, l’Oriental et ses menus ensoleillés, la Terrasse de l’Hippocampe avec son gargantuesque buffet- barbecue du vendredi soir, l’Hôtel Pefaco et son restaurant italien - le Bochelli - qui sert les meilleures pizza de la ville, le Concept lieu cool et convivial, ou le Bolingo, pour son ambiance rumba congolaise.
Globalement, Brazzaville est une capitale calme, où il est quand même possible de sortir, tranquillement, loin de la trépidation d’autres capitales.
Lpj : Quelle est votre conclusion ?
M. : Johannesburg est une ville débordante d’activités. Il est vraiment difficile de s’y ennuyer car il y en a vraiment pour tous les goûts. Installés dans la banlieue de Sandton depuis maintenant 8 ans, nous ne nous en lassons pas : ces quartiers sont verts et fleuris, calmes et tranquilles. Bien sûr il y a de l’insécurité et parfois des nouvelles alarmantes. Mais honnêtement, ce n’est pas quelque chose qui pèse sur notre quotidien. Il y a des mesures à prendre (bien choisir sa maison par exemple) et des précautions à respecter. Mais on vit très bien avec…En définitive Johannesburg est une ville attachante que l’on a du mal à quitter !
Ph. : Brazzaville est une ville de taille raisonnable, où les jours s’écoulent doucement, avec la chaleur comme compagne fidèle, mais avec une palette d’options un peu réduite.
C’est, après tout, une ville agréable pour y vivre loin de l’agitation des mégalopoles.
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