Avec plus de 80.000 travailleurs internationaux à Amsterdam, souvent pointés du doigt par les locaux pour leur intégration minime, la ville lance un programme d’intégration culturelle et linguistique. Baptisé Maak van Amsterdam je thuis (Faites d’Amsterdam votre foyer), l’objectif est de sortir les expatriés de la bulle internationale dans laquelle beaucoup évoluent, et favoriser leur inclusion dans la société locale. Une initiative inédite aux Pays-Bas, qui s’inspire de modèles déjà expérimentés à Copenhague, Berlin ou Toronto.


À Amsterdam, plus d’un professionnel sur dix est expatrié, soit environ 80.000 personnes. Afin de mieux les inclure dans la société, la ville s’apprête à mettre en place un programme d’intégration culturelle et linguistique baptisé Maak van Amsterdam je thuis (littéralement “Faites d’Amsterdam votre foyer”). L’idée est d’aller au-delà des avantages fiscaux et des contrats internationaux qui attirent les milliers de résidents venus d’ailleurs, en leur proposant une véritable inclusion dans la vie locale.
Adopté le 12 juin 2025 par le conseil municipal d’Amsterdam, le projet souhaite marquer un tournant dans la politique d’intégration aux Pays-Bas. Porté par la conseillère municipale travailliste Lian Heinhuis, le projet s’adresse en particulier aux expatriés européens ou en séjour temporaire, souvent dispensés des obligations d’intégration imposées aux migrants venus de pays hors Union européenne. Lors du vote, l’élue a notamment questionné un traitement inéquitable selon les étrangers. « Pourquoi un réfugié devrait-il apprendre la langue et suivre un programme de citoyenneté, quand un expatrié hautement qualifié peut rester cinq ans ici sans jamais prononcer un mot de néerlandais ? », a-t-elle notamment déclaré.
L'accueil des expatriés : « une population qui vit souvent en vase clos »
Depuis plusieurs années, Amsterdam est devenu un des hubs les plus importants d’Europe dans les secteurs des nouvelles technologies, des sciences de la vie ou de la finance, attirant donc les travailleurs internationaux en masse. Une population jeune, mobile, diplômée qui bénéficie en prime d’un abattement fiscal de 30 % sur ses revenus. Seulement, cet exode des travailleurs internationaux provoque de nombreux effets néfastes sur la vie locale avec une flambée des loyers, une déconnexion avec les résidents de longue date, une faible maîtrise du néerlandais et de son histoire ainsi qu’une participation réduite à la vie citoyenne.
« C’est une population qui vit souvent en vase clos. Elle fréquente des écoles internationales, consomme en anglais, travaille en anglais, et quitte parfois le pays sans jamais avoir eu de contact réel avec les habitants locaux », explique la sociologue Marieke Slootman, spécialiste des mobilités urbaines à l’université libre d’Amsterdam.

Cours de langue, culture civique et engagement local pour intégrer les expatriés
Le programme Maak van Amsterdam je thuis s’appuie alors sur une collaboration entre la municipalité, les entreprises internationales et plusieurs associations locales pour s’organiser autour de trois piliers. Le premier consiste en des cours de néerlandais accessibles dès l’arrivée, financés en partie par les employeurs, adaptés aux différents niveaux de langue et dispensés sur le temps de travail. Le deuxième axe du programme propose des modules de formation civique et culturelle afin de se familiariser avec les usages sociaux néerlandais, l’histoire et les institutions locales, ainsi que les règles de vie collective. Le dernier point vise à favoriser l’engagement local à travers des activités de quartier, du bénévolat et des projets communautaires afin de renforcer les liens sociaux au-delà du cercle professionnel. Le dispositif prévoit également un suivi personnalisé pour mesurer l’implication des participants et évaluer ses effets sur la cohésion sociale à moyen terme.
Contrairement au modèle classique d’intégration porté par les États, Amsterdam choisit ici d’impliquer directement les entreprises. Celles-ci seront encouragées à proposer des parcours d’intégration à leurs employés étrangers, voire à en financer une partie. « Si les entreprises veulent bénéficier d’une main-d’œuvre internationale, elles doivent aussi contribuer à l’intégration de ces salariés », a poursuivi Lian Heinhuis, qui envisage des incitations fiscales ou logistiques pour les employeurs les plus investis.
L'intégration comme réponse aux tensions sociales à Amsterdam ?
Au-delà de l’enjeu linguistique ou culturel, cette politique d’intégration vise aussi à répondre à une fracture sociale croissante entre deux Amsterdam. Celle des jeunes néerlandais confrontés à un marché du logement saturé, et celle des expatriés aux revenus élevés. Une fracture qui alimente un malaise de plus en plus palpable dans la population, accentué avec l’abattement fiscal proposé aux expatriés qui agace de plus en plus les locaux. Le but du programme est donc aussi de permettre « une meilleure répartition des efforts collectifs » selon Lian Heinhuis, notamment en matière de logement, d’environnement ou de participation électorale aux scrutins municipaux, auxquels les ressortissants européens peuvent participer.

Une première aux Pays-Bas, un modèle d'accueil déjà existant en Europe
Si le programme lancé par Amsterdam constitue une première aux Pays-Bas pour les expatriés européens, d'autres capitales européennes ont déjà mis en place des programmes similaires. À Copenhague, la municipalité a mis en place une International House, un guichet unique qui propose des cours de danois, des conseils juridiques et des événements communautaires. Comme à Amsterdam, le dispositif est cofinancé par la ville et les entreprises pour faciliter l’installation des expatriés.
À Berlin, le projet se nomme Landing programmes et combine un apprentissage de la langue allemande, des repères administratifs et des rencontres interculturelles. La ville d’Helsinki, en Finlande a également lancé, en 2021, un plan pour intégrer ses talents internationaux autour d’un apprentissage de la langue, de l’ancrage local et de la participation citoyenne. À noter qu’en France, il n’existe pas de politique nationale d’intégration dédiée aux expatriés. Certaines métropoles comme Lyon ou Toulouse ont mis en place des dispositifs d’accueil ciblés, notamment pour les talents étrangers dans des secteurs clés, mais il s’agit d’initiatives en phase de test.
Les exemples extra-européens de programmes d'accueil des expatriés
En-dehors de l’Europe aussi, plusieurs villes innovent pour intégrer leurs expatriés professionnels. En Nouvelle-Zélande, le programme New Zealand Newcomers Network est déployé à l’échelle nationale et propose des rencontres sociales, des événements communautaires, mais aussi un accompagnement pratique pour trouver un logement, un emploi ou se familiariser avec les services publics. Aux États-Unis, l’organisation Welcoming America organise notamment la Welcoming Week, qui vise à créer du lien entre nouveaux arrivants et les communautés locales, tout en facilitant l’accès à des cours de langue et à des ressources civiques. Au Canada, des villes comme Toronto ou Vancouver ont mis en place des Welcome centres, des guichets uniques qui offrent aux expatriés une aide administrative, des conseils en orientation professionnelle et un soutien à l’apprentissage du français ou de l’anglais.
Sur le même sujet







