L'Alliance française d'Auckland a eu la chance de recevoir l'artiste Clyde Chabot, autrice, metteuse en scène, et interprète, venue échanger sur son parcours et ses œuvres théâtrales. Nous étions curieux d'en savoir plus sur une artiste innovante aux multiples facettes qui offre à son public des œuvres uniques et participatives.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours d'artiste?
C'est lors de mes études à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris que j'ai eu la chance de faire un stage au ministère de la culture me permettant de découvrir l'univers du spectacle, un univers fascinant, pluridisciplinaire et international. Je me suis sentie privilégiée de pouvoir assister à des spectacles à la croisée de la musique, de la danse, du théâtre, des arts plastiques, et de cultures variées. A la suite de mes études, j'ai décidé de faire un doctorat en études théâtrales sur le thème de la place du théâtre de l'extrême contemporain dans la société, outil très singulier qui continue d'avoir un impact sur les représentations du monde et échanges interculturels.
En parallèle de mon doctorat, j'ai travaillé pendant 7 ans comme assistante d'un metteur en scène, François-Michel Pesenti. Je l'avais rencontré en assistant à un de ses spectacles. Cela m'a permis de retrouver une partie de ma mémoire oubliée : j'ai expérimenté moi-même le fait que le théâtre peut déplacer les limites et les frontières de ce que nous pensons possible. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets entre théâtre, opéra et art visuel.
En creusant l'idée de faire de la critique un matériel de création, j'ai imaginé un spectacle où les spectateurs étaient invités à participer eux mêmes à la mise en scène. Nous avons donc fait en sorte que la critique soit mise à l'œuvre positivement en incluant les spectateurs dans processus créatif.
Le public intègre les oeuvres de Clyde
Cette expérience extraordinaire m'a permis de voyager et, petit à petit, s'est développée l'idée de fonder ma propre compagnie. J'ai créé un premier spectacle inspiré du philosophe Maurice Blanchot. C'est d'ailleurs son texte, très complexe dans l'écriture interrogeant le lien à l'autre dans la société, qui a donné le nom à ma compagnie : la Communauté Inavouable. J'ai d'abord travaillé des extraits de son œuvre que j'ai montés dans mon appartement cabanon à Paris. Cela m'a semblé fondateur de ma démarche qui consiste à pouvoir faire théâtre de tout, partout, et pour tous. J'ai ensuite obtenu rapidement des cofinancements et pu monter des spectacles dans différents théâtres en traitant de plusieurs thématiques comme par exemple celle du doute, que nous, artistes pouvons ressentir, et la nécessaire acceptation que notre œuvre soit la pâture du regard des autres et de la critique. J'ai donc monté une pièce tragi-comique de Robert Pinget, ami de Beckett, de façon interdisciplinaire entre théâtre, musique, vidéo et chorégraphie sur ce sujet. Et puis, en creusant l'idée de faire de la critique un matériel de création, j'ai imaginé un spectacle où les spectateurs étaient invités à participer eux mêmes à la mise en scène. Nous avons donc fait en sorte que la critique soit mise à l'œuvre positivement en incluant les spectateurs dans processus créatif.
Pouvez-vous nous parler de vos projets actuels?
Un des spectacles sur lequel je travaille depuis maintenant plus de 20 ans s'appelle Hamlet-Machine de l'auteur allemand Heiner Müller. C'est une revisitation d'Hamlet de Shakespeare dans les années 70, dans l'Allemagne divisée entre l'Ouest et de l'Est. Son texte, très énigmatique et poétique, semble contenir toute l'humanité dans ce qu'elle a de divisé et cyclique. Dans ce spectacle, le spectateur est partie prenante de l'œuvre en écrivant sur un ordinateur en vidéo-projection au sein même de la pièce et proposer des sons, retravaillés par notre musicien. Ce projet est devenu une installation participative internationale : les visiteurs sont invités à réaliser un autoportrait en choisissant un ou des mots extraits de Hamlet-machine et une photo vidéoprojetée derrière eux parmi une centaine de propositions (incluant des photos de leur pays). Ils posent ensuite devant un photographe. Cette accumulation de tous ces clichés permet ensuite de créer une petite cartographie de la sensibilité de ce pays. Les portraits de chaque pays dans lequel nous avons réalisé ce travail (Allemagne, France, Québec, Suède, Corée du Sud, Cambodge, Sri Lanka, ou Bosnie) sont conservés d'une édition à l'autre et présentés au public. Ce projet se renouvelle constamment.
Un nouveau cycle qui se traduit par le travail de l'autofiction
Depuis 2010 je me concentre sur des textes auto-fictionnels, un genre qui s'inspire d'expériences personnelles tout en laissant une place à l'imaginaire. Cela se traduit par une véritable tension entre le réel et la fiction. J'ai écrit une petite dizaine de textes qui sont des portraits fragmentaires de ma personnalité et me semblent intéressants à partager puisqu'ils traitent de thématiques universelles qui peuvent faire échos à beaucoup de monde.
Un de mes textes parle de migration : une amie m'a invitée en vacances en Sicile se souvenant de mes origines siciliennes. Dès que j'ai posé les pieds sur le territoire, je me suis sentie inspirée et j'ai écrit la pièce SICILIA. Je la joue en français, anglais et italien, langue que j'ai apprise spécialement pour ce projet. Cette pièce met en scène une grande table que je partage avec l'audience, comme si je dînais avec ma famille.
J'ai également écrit un spectacle sur la Tunisie du nom de TUNISIA mis en scène sous la forme d'une conférence et une œuvre appelée CHICAGO -Reconstitution traitant de la naissance prématurée de ma fille dans cette même ville que je joue avec elle.
Pourquoi êtes- vous venue en Océanie ?
Directrice artistique d'une compagnie théâtrale pluridisciplinaire internationale, j'ai le plaisir d'être actuellement en tournée en Australie et en Nouvelle Zélande avec le soutien des Ambassades de France de ces deux pays. En Australie, je créerai le vendredi 16 et samedi 17 août à 19h 3 spectacles (SICILIA,CHICAGO-reconsitution et Fille de militaire) avec une artiste italiano-australienne et des étudiants musiciens de la Monash University à Melbourne.
Je serais très heureuse de vous y accueillir et d'échanger avec vous sur la possibilité d'une nouvelle recréation de ces spectacles en Australie ou en Nouvelle Zélande. Ils portent sur l'histoire des migrations dans ma famille.
Je souhaiterais également ouvrir les portes du Musée (de théâtre), installation participative internationale qui invite les visiteurs à réaliser leur autoportrait à partir de mots et de photos locales et internationales.
Au plaisir de vous rencontrer. Clyde Chabot.
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