Tourisme en Province Nord : entre économie et promotion culturelle

Tourisme en Province Nord: entre rééquilibrage économique et promotion de la culture kanak la Nouvelle-Calédonie a des atouts hors normes pour se faire une place sur le marché du tourisme dans le Pacifique, pourtant elle est loin d’apparaître dans les destinations principales de la région.
Une valorisation locale par le développement du Nord et des îles pourrait permettre un lien social entre les différentes communautés de l’île et une découverte des richesses du territoire.
Le difficile développement du tourisme
Le tourisme apparaît en Nouvelle-Calédonie dans les années 1920, avec le développement des croisières à majorité australiennes. Son développement se poursuit et connait une croissance assez impressionnante dans les années 1970, lorsque le gouvernement est incité à trouver des stratégies économiques alternatives à celle du nickel, qui voit son cours chuter. Le but est de rendre le territoire moins dépendant de la fluctuation du cours du nickel. La dynamique mise en place est impactée dans les années 1980 pendant la période des Evènements : on passe de 90 655 touristes en 1984 à seulement 47 804 en 1985. Il faut attendre le milieu des années 1990 pour retrouver le niveau de fréquentation de 1984 et une stabilisation à 100 000 touristes par an depuis plus de 10 ans.
Aujourd’hui, malgré les politiques de développement, la Nouvelle-Calédonie peine à attirer le centième du flux touristique des îles du Pacifique. Un nombre signifiant de touristes sont de fait des voyageurs d’affaires dans la métallurgie ou le nickel, des personnes venant accéder à des soins, des voyages scolaires ou encore des compétitions sportives. Le nombre de vacanciers s’élève autour de 75 000 annuellement et sur ce total, plus d’un quart sont du tourisme affinitaire – majoritairement métropolitains, wallisiens, futuniens et tahitiens.
Un enjeu économique, mais aussi de vivre-ensemble et de promotion de la culture mélanésienne
Comme le souligne le rapport du Plan de Développement Touristique Concerté de la Nouvelle-Calédonie (PDTC NC), le territoire ne manque pas d’atouts : un environnement naturel exceptionnel inscrit au Patrimoine de l’Unesco, une culture riche et multiculturelle, une situation géographique exploitable ou encore une certaine authenticité sont à la disposition du secteur touristique.
Le tourisme est d’ailleurs, pour la Province Nord du pays, un levier pour un rééquilibrage économique du pays face à l’écart de développement économique entre les différentes parties de l’île. Le but n’est pas de développer de grandes enclaves hôtelières mais d’impliquer la population mélanésienne dans l’activité, en favorisant la création de gîtes ou d’hôtels de taille moyenne. On peut citer l’ouverture, en 1991 et 1992, du Koulnoué Village à Hienghène et du Malabou Beach à Poum. Le Tiéti, à Poindimié, est un exemple de tourisme intégré.
Les produits locaux sont aussi promus à travers des évènements ciblant les touristes locaux pour désenclaver la Province Nord et favoriser la création de liens sociaux. On a pu voir se développer de nombreuses fêtes annuelles autour de produits locaux sur des week-ends, comme la Fête de la Mandarine à Canala. En invitant les locaux du sud du pays et des autres communes à visiter le Nord le temps d’un week-end, la Province opère également une reconnaissance identitaire des différents groupes socioculturels qui composent la Nouvelle-Calédonie.
En effet, le tourisme peut s’inscrire dans une démarche identitaire et permet de fabriquer du lien social entre des populations divisées par l’histoire. Ce lien permet aussi d’entretenir une relation avec certains qui ont dû quitter la province Nord pour des raisons professionnelles.
Par ailleurs, le développement de ce type de tourisme permet de développer cette ressource économique en adéquation avec les réalités sociales et culturelles de la Province Nord puisqu’il tient compte du facteur humain. Le touriste participe à la société kanak à plusieurs titres. Il fait vivre la coutume car il représente l’étranger toujours accueilli et fait travailler les différents clans de la tribu. Il participe aussi à la revitalisation de la culture kanak par la mise en avant de celle-ci, sa découverte et son partage.
Visite dans les légendes
Si vous passez par Canala, passez aux sources thermales de La Crouen. En langue xârâcùù, elles sont appelées xwâkwé nè, « les sources de feu ». Pendant des siècles, les guerriers kanak y trempaient leurs armes avant les combats. Une légende raconte l’histoire du lieu, qui aurait été sacré et qui aurait abrité un conflit entre le dieu Wankwéné et les tribus environnantes suite à la fuite d’un jeune couple issus de familles adverses. Le dieu, pour les punir de se réfugier dans sa vallée, leur urina dessus ce qui les transforma en tortue et en roussette. D’après la légende, à l’endroit où ricocha l’urine, les sources d’eau chaudes émergèrent.
A Voh, vous pouvez faire un détour pour admirer le fameux cœur de Voh mais aussi le trou bleu d’Oundjo. Emblème du pays depuis la célèbre photographie de Yann Arthus-Bertrand, le cœur de Voh peut se survoler en ULM depuis Koné. Selon la tribu d’Oundjo, aucune ombre humaine ne doit passer dans le trou bleu sous peine d’un malheur. Deux sirènes garderaient l’endroit pour éviter les curieux. Seul le commandant Cousteau a été autorisé à y plonger. Il n’a cependant jamais touché le fond, et estima qu’il serait dû à un effondrement du lagon.
D’autres sites valent bien évidemment le détour : la poule de Hienghène, les plages de Poum à la pointe nord, ou encore les randonnées équestres dans la chaine de montagne.
Aujourd’hui malgré les richesses culturelles et environnementales de la Nouvelle-Calédonie, le développement du tourisme n’est pas à la hauteur du potentiel du territoire, et de la compétition des autres îles du Pacifique. Espérons que dans le futur ses atouts sauront être exploités à leur juste valeur.