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COVID-19: Etudiants calédoniens en France, le bilan 1 an après

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Écrit par Isya Okoué Métogo
Publié le 11 février 2021, mis à jour le 13 mars 2021

Articles dans la presse, discours officiels et communiqués mais aussi vidéos humoristiques, tiktok ou montages photos : depuis le début de la pandémie, la situation des étudiants oscille entre véritable préoccupation et sujet d’humour … sarcastique, bien évidemment. Comme les autres, les étudiants néo-calédoniens se frottent à une situation sanitaire déplorable et au contexte de mal-être qui règne dans la communauté éducative.

A presque un mois de l’anniversaire du premier confinement et dans une forte période de mobilisation pour une mise en lumière du mal-être étudiant, j’ai souhaité poser quelques questions aux étudiants calédoniens en France. A la suite d’un appel à participer sur Instagram, ce sont Robin, Eva et Mickaël qui ont répondu à mes questions.

Mickaël est arrivé en France en août 2020 pour poursuivre des études d’ingénieur à Aix-en-Provence. Il a 21 ans. Depuis le début de l’année scolaire, il est en résidence étudiante comme 90% de sa promotion. Si les cours magistraux sont en distanciel, le reste des enseignements est dispensé en présentiel à l’école, à 2 minutes à pied de la résidence.

Robin et Eva ont respectivement 22 et 21 ans. Ils vivent ensemble à Bordeaux depuis bientôt 3 ans et ne sont pas rentrés cet été en Nouvelle-Calédonie. Robin a effectué un master d’histoire entre 2018 et 2020 tandis qu’Eva est en troisième année de licence en droit et suit tous ses cours en distanciel.

 

LPJ : Comment te sens-tu en ce moment ? Y-a-t-il eu un changement entre le premier et le dernier confinement ?

Mickaël : Suivre les cours en distanciel reste compliqué malgré l’intérêt que je porte à certaines matières. Même si je n’ai rien d’autre à faire chez moi, je trouve quand même quelque chose d’autre à faire que suivre les cours.

Robin : La distance se ressent de plus en plus avec la famille restée au pays, quand on observe sur les réseaux sociaux nos amis et frères continuer à vivre sans contraintes. Je ne pense pas qu'ils puissent réellement comprendre la situation dans laquelle on se trouve. Comme mon père est parti à la retraite et que je ne touche aucune bourse, j’ai été obligé de bosser pour payer le loyer. Je travaille dans une auberge de jeunesse depuis 1 an et demi. La situation a clairement évolué avec la Covid. Autrefois la clientèle était composée majoritairement de voyageurs, back Packers et touristes. Désormais ce sont essentiellement des travailleurs ou des gens désespérés et/ou ruinés qui n'ont nulle part où dormir. Cela a bien sûr influé sur mon moral; je devais aider des gens sans me rendre compte que moi-même j'avais besoin d'aide. 

Eva : Il y a clairement eu des différences entre le premier confinement et le deuxième. Les jeunes respectent de moins en moins les restrictions sanitaires contre le coronavirus, qui de plus a un taux de mortalité pour les 0-25ans qui avoisine le 0.01%. La solidarité n’a jamais été aussi forte dans les rangs de l’université de droit, les gens et particulièrement les jeunes manquant cruellement de contact sociaux, nécessaires à la vie humaine.

 

LPJ : Comment te sens-tu pris en charge, écouté, considéré par les services étudiants en France, les politiques d’éducation et de gestion de la crise dans le contexte actuel ? Penses-tu qu’il y ait une différence entre les étudiants français et les étudiants calédoniens ?

Mickaël : A mon sens ma situation est la même que celle des étudiants français, puisque tous les étudiants de ma promotion restent pour la plupart à la résidence même pendant la période durant laquelle tous les cours étaient en distanciel. A mon avis les étudiants sont laissés de côté, par exemple les centres sportifs comme les piscines municipales sont ouverts pour les mineurs mais pas pour les étudiants, toutes les rencontres sportives inter-étudiantes ont été annulées.

Robin : Je ne me sens pas plus ni moins écouté, étudiants français comme d'Outre-mer et étrangers restons souvent ignorés du gouvernement. C'est une ambiance générale, malsaine, sombre et déprimante qui se profile. On a l'impression que se plaindre fait de nous des "faibles", des "fainéants", incapable de s'en sortir. Le conflit générationnel s'en retrouve exacerbé par des prises de position idiotes et démagogues. Je vois tout ça malheureusement avec cynisme, comme s'il était trop tard pour espérer une amélioration.

Eva : Il est plus simple d’être confiné dans son pays et avec sa famille que loin de tout ce que l’on connaît. Cet enfermement géographique est terrible à subir lorsque l’on a 20ans et que l’on est loin de ceux que l’on aime, sans perspective de les revoir dans un futur proche. De plus cela signifie rester confiné dans son appartement étudiant. Et c'est inégal face aux métropolitains dont la famille a une immense maison de famille en bord de mer. Cela nous rapproche des étudiants internationaux en quelques sortes, quoi que pas tout à fait car nombre de ces étrangers sont rentrés chez eux pour cause de pandémie. Or nous les calédoniens nous sommes français sur nos papiers et donc nous ne sommes pas rapatriés directement sur notre île. La gestion de la crise au niveau de la sphère étudiante est très mauvaise dans sa globalité. Néanmoins les services de la fac se montrent très compréhensifs et à l’écoute de tous les étudiant.

 

LPJ : Qu’est-ce qui a changé et qui a été remis en question dans tes projets à cause de la Covid et qui touche ta vie étudiante/professionnelle ?

Robin : La remise en question à cause de la Covid se ressent dans plusieurs domaines. Le premier c'est que je ne peux rien envisager à l'étranger comme initialement prévu. L'attente en elle-même est déprimante, on ne sait pas quand ça va finir. Mais aussi au niveau des concours, beaucoup ont été annulés en 2020, si bien que le nombre de candidats a explosé. En ce qui concerne la vie étudiante, comme dit plus haut, notre sort a rarement été pris en compte, de plus avec le fameux " l'épidémie se propage à cause des jeunes qui font la fête". 

Eva : Mes retours annuels en Nouvelle-Calédonie ont souffert du covid, ainsi que les projets annexes de voyage. Parlant couramment le japonais, l’aller-retour en Nouvelle-Calédonie c’est l’occasion rêvée pour moi de m’arrêter au Japon chaque année afin d’y parfaire ma maîtrise de cette langue qui, le reste de l’année scolaire, me permet d’arrondir les fins de mois en donnant des cours particuliers. Cours particulier qui sont eux même pour la plupart annulés, car de nombreux parents sont septiques au sujet du virus et ne veulent plus accueillir de professeurs à la maison.

 

LPJ : Comment réagis-tu par rapport aux récentes dénonciations des conditions des étudiants, aux annonces de mal être et aux chiffres de suicide ou de dépression que les médias véhiculent ?

Mickaël : La situation des étudiants français n’est pas facile, surtout pour les nouveaux étudiants qui n’ont pas eu le temps de créer des liens avec d’autres étudiants. Les informations véhiculées par les médias me permettent de comprendre la chance que j’ai de vivre en résidence étudiante.

Eva : Et bien encore une fois les revendications ne sont pas écoutées … On nous propose un prêt remboursable en 20 ans alors que nous souhaitons simplement la réouverture des universités, où le virus ne se propage pas plus vite que dans les maternelles.

 

LPJ : Qu’est-ce que la situation a créé sur ta vision du long terme et du court terme ? 

Mickaël : Ma vision à long terme n’a pas changé, malgré la difficulté je reste concentré sur mes objectifs. Au contraire, à court terme, le fait d’être enfermé m’a permis de prendre de l’avance sur certains projets personnels. J’ai décidé de mettre de côté le sport et de me concentrer sur la programmation.

Robin : Ma vision du monde, loin d'avoir changé s'en retrouve confortée par un mal être et un ras le bol partagé par beaucoup d'étudiants et de jeunes. Certains préfèrent se "déchirer la gueule" pour penser à autre chose faisant fi des restrictions sanitaires, tandis que d'autres se retrouvent isolés. Seuls et sans espoir de s'en sortir. Comme beaucoup, je réfléchis de plus en plus à rentrer à Nouméa, pour attendre que tout cela se stabilise car il est devenu difficile de continuer ainsi. 

Eva : Sur le court terme il est clair que de nombreuses libertés ont été sacrifiées sur l’hôtel de la soi-disant lutte sanitaire. Sur le long terme une crise économique sans précédent, que nos politiques justifieront par la Covid, et non pas par leur gestion misérable de ce qu’il restait de la puissance française déjà en déclin avant l’épidémie. Ma vison du future n’a pourtant pas changé et reste très optimiste car cette crise aura été l’occasion de faire émerger le vouloir vivre ensemble et la solidarité citoyenne plus que jamais.

 

LPJ : Quelles solutions vois-tu à la situation actuelle des étudiants en général et/ou des étudiants néo-calédoniens ?

Robin : Les soutiens sont rares, alors que c'est l'époque où on en a le plus besoin. Comme solutions pour les étudiants néo-calédoniens, je leur conseille de ne pas partir maintenant tant que la situation n'a pas évolué. Pour ceux déjà en métropole, aucune solution miracle n'existe, il faut tenir bon et rester accrocher à ses objectifs, mais surtout ne pas rester seul.

Eva : Pour les étudiants la solution est simple : réouvrir les universités et relancer le marché du travail, cette fois dans un environnement basé sur la coopération. La difficulté sera de relancer l’économie en général afin de créer de l’emploi. Le gros défi pour nous, étudiants confinés, sera de renouer avec le monde réel et de réussir à trouver une place dans un marché de l’emploi en crise, où même les plus qualifiés peinent à trouver un travail. C’est tout le système qu’il nous faut changer, calédoniens ou non. Et c’est encore une fois aux étudiants, à l’instar des soixante-huitards, de construire un avenir où personne ne sera laissé de côté, et ce même sous prétexte d’une pandémie. Et c’est là que pour une fois l’étudiant calédonien est privilégié. Car il vient d’une île où la coopération a toujours existé plus qu’en France métropolitaine. Ainsi il sera plus facile à l’échelle locale calédonienne de se forger un système moins dépendant de la chaîne de production mondiale et des lobby, dont les limites ont été mises en exergue par la crise sanitaire. 

Mickaël : Malgré les différents débats que j’ai pu avoir avec les personnes de ma résidence, une solution miracle n’est pas apparue. Je pense cependant que l’important est de rendre aux étudiants au moins le sport. A mon goût la santé mentale des étudiants repose surtout sur le sport.

 

Merci à tous les trois pour votre partage !

 

Isya Okoué Métogo
Publié le 11 février 2021, mis à jour le 13 mars 2021

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