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KURT EISNER - Une figure Munichoise

Écrit par Lepetitjournal Munich
Publié le 4 septembre 2013, mis à jour le 5 septembre 2013

 

En passant près du Bayerischer Hof, les plus curieux auront remarqué une plaque commémorative sur le sol. Celle-ci représente un corps entouré comme le font les policiers dans les séries américaines. Mais qu'est-ce que c'est ? Ou plutôt qui est-ce ? Kurt Eisner.

Kurt Eisner est un homme politique social-démocrate bavarois d'adoption à l'origine des mouvements révolutionnaires en 1918. Né à Berlin en 1867 de parents juifs, Kurt Eisner s'est d'abord dirigé vers le journalisme après des études de philosophie. Durant cette carrière de journaliste, Kurt Eisner se fit remarquer pour ses critiques envers Guillaume II, l'empereur de l'époque, ce qui lui valut notamment de la prison. Kurt Eisner devint éditeur en chef de Vorwärts entre 1900 et 1907 après la mort de Wilhelm Liebknecht père de? Karl Liebknecht dont nous parlerons bientôt. Vorwärts était le journal du parti social-démocrate interdit en 1933. Kurt Eisner fut le premier biographe de Wilhelm Liebknecht.

Il adhéra donc logiquement en 1898 au SPD, le parti d'opposition social-démocrate dont l'interdiction avait été levée huit années auparavant. Au sein du SPD, Kurt Eisner soutenait le courant réformiste, par opposition au courant révolutionnaire. Les premiers soutenaient le fait que le parti doit accéder au pouvoir de manière démocratique par le biais d'élection et les autres préconisaient une révolution, comme le feront les Russes durant la Première Guerre Mondiale. Il est important de comprendre la division interne du SPD entre réformistes et révolutionnaires pour voir comment Kurt Eisner va évoluer, passant du scepticisme à la conviction que la voie de la révolution est la seule façon d'installer un régime socialiste durable.

Kurt Eisner arrive à Munich en 1910
Kurt Eisner n'est pas munichois d'origine mais berlinois. Il déménage dans la capitale bavaroise en 1910 après trois années passées plus au nord, à Nuremberg. À Munich, il écrivait pour le Münchner Post, le journal social-démocrate munichois.

La guerre mondiale éclata en 1914. Les sociaux-démocrates votèrent les crédits de guerre malgré les réserves du représentant du courant révolutionnaire, Karl Liebknecht. Celui-ci vota d'ailleurs contre ces crédits dès décembre 1914 sans savoir que ce serait le point de discorde à l'origine de la division du parti social-démocrate allemand. De plus, l'Internationale socialiste défendit la paix. Ce discours pacifiste trouva écho dans l'aile gauche du SPD. Après des manifestations contre la guerre organisées par les révolutionnaires, la constitution d'un groupe spartakiste, le début de la révolution russe, la direction du SPD décida d'exclure les pacifistes du parti pour éviter l'implosion du SPD. Ceux-ci se réunirent et créèrent l'USPD, le parti social-démocrate indépendant. Kurt Eisner, qui avait pris des positions pacifistes en 1915, alors qu'il avait défendu le vote pour les crédits de guerre en 1914, adhéra à l'USPD et en pris la direction en 1917 à Munich.

Les révolutions spartakistes
Après avoir perdu la Première Guerre Mondiale, l'empereur Guillaume II fut contraint d'abdiquer le 9 novembre 1918 après 30 ans de règne. Dans le même temps, les deux courants issus du SPD y virent la possibilité d'installer un nouveau régime. Encore une fois, un profond désaccord opposa les révolutionnaires et les réformistes. Les réformistes proclamèrent, le même jour de l'abdication de l'empereur, la République de Weimar avec comme président Friedrich Ebert. Le même jour, Karl Liebknecht proclama également une nouvelle République? Or, celle-ci est une République socialiste qui s'opposait à celle proclamée quelques heures auparavant. Les révolutionnaires condamnèrent la première république, qui représentait un danger pour leur projet de lutte de classe et de mise sur pied d'un état communiste.

Depuis les mutineries des marins de Kiel, les révolutions se propageaient dans tout le pays avec un soutien populaire massif. Ces révolutions touchèrent donc la ville de Munich le 7 novembre 1918 avec une manifestation organisée sur la Theresienwiese. En tant qu'organisateur, Kurt Eisner lança une marche vers le centre-ville de Munich. Le lendemain soir, il proclama la République libre de Bavière (Freistaat). Craignant d'être attaqué par le mouvement grandissant, le roi Ludwig III fuis la ville de Munich. Kurt Eisner fut lui, élu premier ministre-président de Bavière.

Kurt Eisner, ministre-président assassiné par un nationaliste
Pendant son mandat, Kurt Eisner donna aux femmes des droits politiques comme le droit de vote, mais il entreprit aussi d'abaisser le temps de travail quotidien à huit heures. Enfin, il leva également la supervision des écoles par l'Église. Mais il ne se fit pas que des amis notamment au sein des nationalistes et des conservateurs. Pour négocier de manière indépendante la situation bavaroise après le Traité de Versailles, Kurt Eisner n'hésita pas à fournir aux Alliés des documents secrets concernant les dirigeants de l'armée. De plus, la politique d'Eisner lui valut de nombreuses critiques de la part des dirigeants de l'Allemagne qui ne lui pardonnaient pas d'avoir publié des dossiers confidentiels mais aussi ses volontés séparatistes avec le projet de Fédération du Danube avec l'Autriche et la Tchécoslovaquie.

Lors des élections régionales en Bavière, le parti social-démocrate unifié USPD est largement battu à cause de la défiance des communistes le trouvant trop conciliant avec le SPD. Mais, Kurt Eisner est mis à mal par une campagne antisémite menée par une partie de l'opposition de droite conservatrice. C'est en prenant compte de ces résultats que le ministre-président démissionne le 21 février 1919. Sur son chemin pour aller lire son texte de démission devant les parlementaires régionaux, Kurt Eisner, ayant refusé de passer par une porte dérobée malgré des menaces de mort, est abattu par un jeune étudiant noble et nationaliste Anton Graf von Arco auf Valley. Celui-ci ne lui avait pas pardonné d'avoir aidé les Alliés suite à la fameuse publication des documents confidentiels. En représailles, un membre du Conseil Révolutionnaire Ouvrier (Revolutionären Arbeiterrats, RAR) abattit deux députés conservateurs pensant que l'attentat était programmé par les membres de ce groupe.

Kurt Eisner en tant que premier Ministre-Président de Bavière représente le passage de l'Allemagne de l'Empire à la République. Les révolutions spartakistes furent un échec puisque leurs leaders moururent au début de l'année 1919. La République de Weimar fut également un échec. Son instabilité est un des facteurs qui permit au régime nazi d'accéder au pouvoir en 1933.

Charles Bonnaire (www.lepetitjournal.com/munich) Jeudi 5 septembre 2013

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Publié le 4 septembre 2013, mis à jour le 5 septembre 2013

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