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L'Allemagne condamne un ex-gradé syrien dans un procès "historique"

Condamnation d'un ex-gradé syrien Condamnation d'un ex-gradé syrien
Écrit par AFP
Publié le 13 janvier 2022, mis à jour le 14 janvier 2022

Un ancien colonel syrien a été condamné jeudi par la justice allemande à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, un verdict "historique" et un "signal" important pour les victimes qui ont témoigné dans le premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad.

Anwar Raslan, 58 ans, un ex-gradé des services de renseignement syriens, a été jugé coupable du meurtre de 27 prisonniers et de la torture d'au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib de Damas.

Au fil d'un procès fleuve entamé en avril 2020, la Haute Cour régionale de Coblence (Ouest) a exposé les exactions commises dans ce centre de sinistre réputation, dit aussi "branche 251".

La Cour avait déjà prononcé une première condamnation, en février 2021, d'un autre membre du renseignement syrien, d'un grade subalterne.

Près de onze ans après le début du soulèvement populaire en Syrie, le procès, très suivi par l'importante communauté syrienne en exil, était le premier à porter sur l'examen des crimes imputés au régime d'Assad.

"Je suis soulagé", a confié à l'AFP Wassim Mukdad, ex-prisonnier d'Al-Khatib qui avait témoigné à la barre des sévices subis.

afp

"C'est un signal que la torture et les crimes commis en Syrie sont des crimes contre l'humanité. Et que les auteurs de ces crimes doivent en payer le prix", a ajouté ce musicien de 36 ans, qui réside en Allemagne.

Pour un autre ancien détenu, Firas al-Shater, la condamnation à perpétuité ne peut être comparée à "ce qu'ils nous ont fait", "mais c'est un vote pour la démocratie". "Quand j'étais en prison, mon objectif était de sortir et de rapporter ce qui s'est passé là-bas", a-t-il déclaré à l'AFP.

 

- "Où sont-ils ?" -

Anwar Raslan, qui dirigeait le service des enquêtes de la branche 251, est resté muet pendant les audiences. Ses avocats avaient lu une déclaration écrite dans laquelle il niait son implication dans la mort et la torture de détenus.

Jeudi, il a écouté le verdict, traduit en arabe, sans émotion apparente. Sa défense a annoncé son intention de faire appel.

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L'Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l'endroit où ils ont été commis.

La diplomatie américaine a salué "une victoire significative pour les victimes" du régime syrien et "un signal clair que les responsables de ces atrocités doivent rendre des comptes".

Ce verdict est "historique", a aussi dit le directeur exécutif de l'ONG Human Rights Watch, Kenneth Roth.

Pour Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, "c'est un bond en avant historique dans la poursuite de la vérité".

Devant le tribunal, des familles syriennes ont brandi jeudi des affiches demandant "où sont-ils ?", à propos des disparus dans les centres de détention syriens.

Les 80 témoins entendus avaient raconté la violence subie dans les cellules insalubres et bondées de la prison où régnaient, selon la Cour, "des conditions catastrophiques".

Ils ont témoigné malgré "une grande peur du régime syrien", "je leur dois tout mon respect", a déclaré la présidente de la Cour, Anne Kerber, insistant toutefois sur le fait que ce n'était pas le gouvernement de Damas "qui comparaissait".

Les détenus d'Al-Khatib n'étaient pas seulement "torturés mais aussi affamés et privés d'air", a-t-elle encore dit.

Ils ont "reçu des coups sur tout le corps", "ils ont été pendus par les poignets" et ont subi "des électrochocs et des brûlures". "Ils étaient soumis à une énorme pression psychologique, certains ont perdu la raison ou tenté de se suicider", a-t-elle poursuivi.

 

- Défection -

Pour la première fois, des photos de "César" avaient été présentées dans un tribunal. Cet ex-photographe militaire a exfiltré au péril de sa vie plus de 50.000 clichés montrant des milliers de détenus morts suppliciés.

afp

Le conflit en Syrie a fait près de 500.000 morts et poussé à l'exil 6,6 millions de personnes.

Le verdict est "une victoire pour la Syrie et pour l'avenir de la Syrie", a salué à Coblence Anwar al-Bunni, avocat et opposant syrien, qui avait reconnu l'accusé croisé fortuitement dans une rue de Berlin.

Anwar Raslan, en détention provisoire depuis trois ans, n'avait pas fait mystère de son passé lorsqu'il avait trouvé refuge dans la capitale allemande avec sa famille en 2014.

Ses défenseurs n'ont cessé depuis d'arguer qu'il avait fait défection dès 2012 et avait tenté de ménager les prisonniers.

Un autre procès lié au régime syrien, celui d'un médecin réfugié en Allemagne, doit s'ouvrir jeudi prochain à Francfort.

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Publié le 13 janvier 2022, mis à jour le 14 janvier 2022

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