"C'est une musique qui te fait vivre" lance la chanteuse cubaine Migdalia Hechavarría, bouleversée d'apprendre que le boléro a été inscrit ce mardi au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco.
"C'est une musique qui te fait vivre" lance la chanteuse cubaine Migdalia Hechavarría, bouleversée d'apprendre que le boléro a été inscrit ce mardi au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco.
Dans sa maison de La Havane, la chanteuse de 82 ans -dont 60 consacrés aux romances emblématiques de Cuba et du Mexique- célèbre la bonne nouvelle en interprétant "Me faltabas tú" ("L'amour me manquait, la paix me manquait, toi tu me manquais..."), l'un de ses favoris.
Avec une voix qui touche le coeur, Migdalia a chanté des boléros "partout", Colombie, Mexique, Espagne...et partagé la scène avec des vedettes du genre, comme Omara Portuondo ou Celia Cruz.
"Le bolero est un sentiment, c'est une chose douce, pour que les gens le savourent, pour que celui qui veut tomber amoureux puisse laisser libre cours à son amour, pour que celui qui veut donner une baiser puisse embrasser", poursuit Hechavarría, habituée du Gato Tuerto, un bastion du bolero dans la capitale cubaine.
Sur l'île du "son" et de la rumba, le bolero n'est pas en reste. Classique du genre, "Dos gardenias" a connu une renommée internationale depuis le succès du Buena Vista Social Club.
Le percussionniste Pedro Luis Carrillo, 52 ans, chante depuis 30 ans des boléros sur le Malecon, et s'étonne toujours des "sentiments" et des "émotions" qu'éveille "cette musique merveilleuse" chez les touristes qui visitent Cuba.
Cuba organise depuis 1987 le Festival des Boléros d'or. En 2001, quelque 600 interprètes cubains et étrangers ont chanté des classiques type "Dos gardenias" ou "Solamente una vez" pendant 76 heures d'affilée, un record.
- Cubain et mexicain -
Le bolero est né à Santiago de Cuba dans le sud-est de l'île à la fin du XIXe siècle avec "Tristeza" de Pepe Sánchez, avant de gagner le Mexique voisin.
En 1932, c'est une Mexicaine, Consuelo Velázquez, connue sous son diminutif de Consuelito, qui a écrit "Bésame mucho", le boléro le plus connu au monde repris par Nat King Cole, Frank Sinatra et les Beatles.
L'âge d'or du cinéma mexicain (1940-60) a popularisé le genre en Amérique latine, avec l'acteur Pedro Infante ou l'auteur-compositeur-interprète Agustín Lara.
Des "boleristas" cubains comme Benny Moré ou Rita Montaner ont fait carrière au Mexique, où la renommée de trios comme Los Panchos ont dépassé les frontières.
La demande d'inscription du bolero au patrimoine immatériel de l'humanité a d'ailleurs été présentée conjointement par les deux pays.
Mexico et La Havane ont défini le boléro comme "identité, émotion et poésie faite chanson", et comme "un élément indispensable de la chanson sentimentale en Amérique latine".
Dans un bar populaire de Mexico, José Antonio Ferrari, 72 ans, entonne "Sabor a mí".
"Le boléro est la bande sonore qui remue les sensations et les fibres les plus intimes de l'être humain", déclare à l'AFP ce jouer de "requinto" (sorte de guitare).
- "Tant que l'amour existera" -
Pour le chanteur de bolero cubain Leo Vera, 57 ans, la reconnaissance de l'Unesco arrive à point nommé pour que ce genre musical, qui est la "magie" et "amour" "redevienne à la mode".
A Mexico, Ferrari observe que comme à Cuba, la plupart des musiciens qui chantent des boléros dépassent les 60 ans. "Tant que l'amour et le désamour existent, il existera de belles choses comme le boléro", veut-il croire.