

Le Palacio de Bellas Artes, magnifique édifice du centre historique de la ville de Mexico est inscrit depuis 1987 sur la liste du patrimoine de l'Humanité de l'UNESCO. Au lieu de susciter l'admiration et la fierté nationale, la longue et coûteuse restauration des dernières années a profondément défiguré ce haut lieu des arts et a ouvert la porte à une plainte devant l'UNESCO qui pourrait peut-être obliger le gouvernement mexicain à éliminer les modifications
Palacio de Bellas Artes (Photo: Adam Charlebois)
n monument grandiose inscrit au patrimoine de l'Humanité
En 1902, Porfirio Diaz commande à l'architecte italien Adam Boari, la construction d'un nouveau théâtre national cadrant avec son ambitieux plan d'urbanisme au style décidément européen. Boari conçoit les plans d'un grandiose édifice au style art nouveau dont les lignes principales rappellent fortement le sublime Palais Garnier de Paris. Le sol instable et autres problèmes techniques empêcheront la conclusion de l'?uvre avant 1910, début de la révolution, soit 6 ans après les débuts de la construction. Les évènements politiques troubles et le manque de liquidité marqueront une longue pause de construction et le palais reste donc inachevé. Les travaux reprennent seulement en 1928, sous l'impulsion du nouveau gouvernement populaire et sous la direction du visionnaire Alberto J. Pani. Cette séquence chaotique de construction permet toutefois le mariage de deux styles architecturaux différents soit un extérieur art nouveau et un intérieur de style art déco. En 1987, le Palais est inscrit au patrimoine de l'humanité sous la mention "Centre historique de la ville de Mexico et Xochimilco". En 2008, le gouvernement du Mexique entreprend une longue restauration qui s'est terminée de manière catastrophique.
Une restauration détruisant l'intégrité du monument
En 2008, la chambre des députés de la nation approuve un budget initial de 300 millions de pesos ayant pour but la restauration de la salle principale de Bellas Artes, afin que celle-ci retrouve selon les termes utilisés sa splendeur originale. Les travaux débutent donc cette même année, sous la direction de fonctionnaires de l'INBA, n'ayant aucune formation en restauration ni de connaissances développées sur l'esthétique des premières décennies du XXe siècle. Ces modifications sont mises en ?uvre sans avoir averti et détaillé les plans au préalable à l'UNESCO. L'ICOMOS Mexico, soit la branche nationale du Conseil International des Monuments et des Sites de l'Unesco, commence dès 2009 à s'inquiéter des travaux importants s'effectuant dans un climat peu transparent. Une demande d'inspection leur est refusée et les travaux continuent dans le plus grand secret. Ce n'est qu'à la fin de 2010, après la conclusion des travaux, que l'ICOMOS et la presse découvrent l'ampleur du remodelage destructeur. Modification de l'acoustique, utilisation de matériaux à faible coût et modifiant le style art déco, retrait de la mécanique de scène originale, installation de haut-parleurs et de projecteurs directement sur le marbre, modifications des mesures de scènes et des espaces du public. Cette supposée restauration n'est qu'un vulgaire remodelage transformant ce bijou du patrimoine en salle moderne de haute technologie, multi-usages.
Symbole d'une crise nationale
Loin d'être un cas isolé, cette terrible situation démontre une fois de plus le manque de transparence et de concertation, défauts arrogants du gouvernement en place depuis 2006. Selon le document de plainte envoyé à l'UNESCO par ICOMOS, le remodelage de Bellas Artes viole plusieurs lois nationales et accords internationaux. Le Mexique a failli à sa responsabilité de conservation du patrimoine pour le peuple mexicain et pour le monde entier en voulant transformer une salle unique dans son genre en petit auditorio nacional, se moquant des artistes, du public et de tout ceux ayant travaillé durant près d'un siècle à la conservation de ce joyau du centre historique. Heureusement, l'UNESCO viendra probablement analyser directement l'ampleur du gâchis, afin d'ordonner très probablement au gouvernement la restauration de l'immeuble à sa condition de 2008. Ce type de restauration sans fondements ni analyse est malheureusement une tendance de plus en plus marquée au Mexique, comme en témoignent l'installation d'un ascenseur au centre du monument à la révolution ou le terrible remodelage du couvent de Santo Domingo à San Cristobal de Las Casas au Chiapas.
Adam CHARLEBOIS (www.lepetitjournal.com/Mexico) Jeudi 14 avril 2011
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