Ils sont plus de sept millions au Mexique et bien plus à travers le monde. Mais qui sont vraiment ceux que les sociologues hispanophones appellent couramment les Ninis ? Et surtout comment la classe politique mexicaine entend-elle favoriser leur intégration ?
Quelques chiffres au Mexique et ailleurs
Les Ninis -ni trabajan ni estudian- regroupent l'ensemble des jeunes et des adolescents qui ont mis un terme à leur scolarité sans pour autant s'adonner à une activité professionnelle. Si ce phénomène est global (les ninis représentent, par exemple, 20% de la population des 14-24 ans au Brésil ou en Argentine et près de 36% en Espagne), la situation au Mexique est particulièrement préoccupante. Selon un récent rapport international intitulé Panorama de l'éducation, le pays aztèque occupe, en effet, la peu convoitée troisième place dans le classement des nations de l'OCDE comptant le plus de jeunes inactifs. Concrètement, ce sont plus de 7,2 millions de Mexicains âgés de 15 à 29 ans qui appartiennent à cette catégorie, soit près de 22%.
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Une population fragile
De nombreuses études sociologiques se sont intéressées à cette frange de la population pour tenter de mieux cerner ses caractéristiques. Premier enseignement: l'oisiveté est loin d'être un choix de vie pour les Ninis. D'après l'Enquête Nationale sur la Jeunesse réalisée en collaboration avec l'Université Nationale Autonome de Mexico, 36% des jeunes inactifs Mexicains préfèreraient poursuivre leur scolarité et 34% occuper une activité professionnelle. Deuxième enseignement: la fragilité matérielle et financière des Ninis. Pour José Luis Pérez Islas, chercheur à l'UNAM, beaucoup des jeunes dés?uvrés mexicains vivent dans une pauvreté extrême et ne doivent leur survie qu'à la solidarité familiale. L'Enquête Nationale sur la Jeunesse a ainsi montré que 60% des Ninis appartiennent à un milieu socio-économique défavorisé voire très défavorisé, contre seulement 10% qui appartiennent à un milieu socio-économique favorisé.
Les solutions politiques
Si, pendant de nombreuses années, le sort des Ninis n'a pas semblé intéresser outre mesure les pouvoirs publics mexicains, la situation est tout autre aujourd'hui. Les autorités locales et fédérales, inquiètes par la vulnérabilité économique des Ninis qui les conduit souvent à rejoindre les rangs des organisations criminelles, multiplient, en effet, les initiatives pour les mettre -ou remettre- sur la voie de l'activité scolaire ou professionnelle. Le gouverneur de Chihuahua a, par exemple, récemment soumis au parlement de son Etat un projet de loi visant à incorporer, pour trois ans, ces jeunes déscolarisés et sans activité professionnelle. Pour César Duarte, cette mesure permettrait de leur offrir une rémunération décente et de leur inculquer le sens de "la valeur travail". Dans le même sens, un partenariat entre l'UNAM, des écoles privées et le gouvernement du Distrito Federal a été mis sur pied, l'an dernier, pour remettre en selle près de 10.000 de ces jeunes sortis trop tôt du système éducatif mexicain: la prestigieuse université et les écoles catholiques se sont engagées à leur attribuer des bourses et le District Fédéral à leur payer 50 pour cent de leurs frais de scolarité. Enfin, la chambre des députés de la république mexicaine a adopté le 13 octobre 2011, une réforme constitutionnelle allongeant la scolarité obligatoire de neuf à douze ans. Concrètement, les jeunes Mexicains auront l'obligation de poursuivre leur scolarité jusqu'au Bachillerato, l'équivalent du lycée en France.
Olivier CHARPENTIER (www.lepetitjournal.com/mexico) jeudi 24 novembre 2011