A Guadalajara, l'association FM4 Paso Libre vient en aide aux migrants qui arrivent tous les jours du sud du pays par les voies ferroviaires. Depuis plus de six ans, l'association propose services de première nécessité et conseils à ces voyageurs encore cibles de multiples agressions.
La route du Pacifique, qui passe par Guadalajara, est la moins dangereuse pour les migrants en quête du rêve américain. (Photo Arthur Jones)
C'est en 2007 qu'est né à Guadalajara le collectif FM4 Paso Libre qui s'est donné pour objectif d'impulser un changement de regard et de comportement face à la récente migration en transit à Guadalajara. Il y a trois ans, l'association a acquis un local en face de la voie ferrée qui traverse la ville. Tous les après-midis, du lundi au samedi, des groupes de bénévoles s'y relaient pour distribuer nourriture, vêtements et conseils juridiques aux migrants. Ceux-ci ont également accès à des douches et des sanitaires et ont la possibilité de passer des coups de téléphone gratuits.
"Peu importe la ville, peu importe le travail"
FM4 Paso Libre considère qu'entre 60% et 70% des migrants de passage à Guadalajara se rendent au local de l'avenida Inglaterra. La majorité sont des hommes, d'abord des Honduriens puis des Mexicains originaires du Chiapas et de Oaxaca. On compte aussi quelques ressortissants du Salvador, du Nicaragua et du Guatemala. Si les âges et nationalités sont divers, c'est la même précarité qui les pousse à tenter leur chance vers le Nord. Leur destination privilégiée reste les Etats-Unis même si beaucoup ne savent pas exactement où ils vont atterrir : "Peu importe la ville, peu importe le travail pourvu qu'on en trouve un", confient Steeve et Ronel, de 18 et 20 ans. Pour ces deux jeunes honduriens, il s'agit du premier voyage vers les Etats-Unis. D'autres, plus âgés, en sont déjà à leur troisième voire quatrième tentative. En effet, ils sont nombreux à se faire arrêter à la frontière par les patrouilles américaines puis déporter.
Steeve et Ronel, deux jeunes honduriens dont c'est le premier voyage. (Photo Arthur Jones)
La route du Pacifique
Quand on leur demande combien de temps ils comptent rester à Guadalajara avant de reprendre la route, la plupart déclarent ne pas vouloir s'éterniser. "On repart ce soir", affirment Aquilino, Sadyg et Juan Francisco, tous trois honduriens et arrivés le matin même. Le temps de prendre une douche et un repas et ils s'en vont. Le but est de longer la côte Pacifique et d'arriver jusqu'à Tijuana, Mexicali ou Nogales, points d'entrée vers les Etats-Unis.
Cette route de l'ouest est la plus longue et c'est aussi pour cela qu'elle reste la moins empruntée. Les routes du Centre, passant par les Etats de Durango et de Chihuahua, ou du Golf, longeant la côte Est, sont beaucoup plus rapides. Les migrants peuvent atteindre leur destination en deux semaines contre un à deux mois sur la route du Pacifique. Une route plus longue mais préférée par certains pour des raisons de sécurité. En effet, on y compte moins d'agressions contre les migrants dans tous les domaines : vols, séquestrations, extorsions, viols? Un peu plus de la moitié des visiteurs interrogés par les bénévoles de FM4 Paso Libre déclarent avoir choisi cette route par précaution.
Dignité et justice sur le chemin
L'association vient directement en aide aux migrants avec son centre d'attention mais travaille aussi à changer la perception de la société à leur égard par le biais de ses services de communication et d'investigation. "Il faut conscientiser la société pour que cessent le racisme et le mépris", explique Jorge, un des responsables bénévoles du centre d'attention. "On associe trop souvent migrants et délinquants alors que la migration sans papiers n'est plus un délit depuis 2008 au Mexique", précise Diego, responsable en communication de l'association. Dans la pratique, cette modification de la Ley General de Población (LGP) est cependant interprétée de diverses manières par les autorités comme le souligne son collègue Santiago. Ne pas avoir de papiers reste de plus une faute administrative et, en cas de contrôle par l'Instituto nacional de migración, un migrant sera arrêté et déporté dans son pays d'origine.
L'entrée du centre d'attention aux migrants de FM4 Paso Libre, avenida Inglaterra, à Guadalajara. (Photo Arthur Jones)
FM4 Paso Libre, qui se bat pour que les droits de l'Homme soient respectés, souhaite que "le vide administratif" qui a suivi la dépénalisation de la migration des sans-papiers soit bientôt remplacé par des nouvelles lois qui garantissent davantage leurs droits et leur protection. Même si la route du Pacifique est la plus sûre, elle n'en reste pas dénuée de danger. Les migrants sont encore fréquemment les cibles de groupes armés ou d'agents de la fonction publique corrompus qui usent de leur pouvoir pour les abuser.
Pour en savoir plus sur l'association FM4 Paso Libre : http://www.fm4pasolibre.org/fm4.html
Camille François (Lepetitjournal.com/mexico) Jeudi 1er mai 2014