Avec deux journalistes tués et un troisième disparu l'année dernière, le Mexique est devenu, en 2005, le pays d'Amérique le plus dangereux pour l'exercice du métier de journaliste. Un phénomène dû au climat d'extrême violence instaurépar les cartels de la drogue, d'un bout àl'autre du pays
Avec deux journalistes tués et un troisième disparu l'année dernière, le Mexique est devenu, en 2005, le pays d'Amérique le plus dangereux pour l'exercice du métier de journaliste. Un phénomène dû au climat d'extrême violence instaurépar les cartels de la drogue, d'un bout àl'autre du pays
La journaliste Lydia Cacho s'est retrouvée harcelée et illégalement emprisonnée au début de cette année, pour avoir dénoncéun réseau pédophile. (Photo : AFP)
Un pays classé"rouge"en 2005, au même titre que? l'Afghanistan, l'Ethiopie ou la République démocratique du Congo ! Le constat dressépar Reporters sans frontières, dans son rapport annuel sur la situation de la libertéde la presse dans le monde, n'est pas tendre avec le Mexique. Pourtant, les chiffres sont là: l'année dernière, deux journalistes ont trouvéla mort dans le pays et un autre a disparu, tous trois en exerçant leur métier.
"Le Mexique est devenu en 2005 le pays le plus dangereux du continent américain pour les journalistes, devant la Colombie", assure Benoît Hervieu, responsable du bureau Amériques au sein de l'association. "Il y a ici une culture de la violence très forte, principalement dans les Etats frontaliers avec les Etats-Unis. Et malheureusement, cela ne va pas en s'améliorant".
Le narcotrafic en cause
Principale explication avancée par l'ONG ? La hausse du narcotrafic dans l'ensemble du pays. "Globalement, il y a moins de pressions de la part de l'Etat et des hommes politiques, même si cette règle peut souffrir d'exceptions, comme on l'a vu récemment dans l'affaire Lydia Cacho. Mais les violences liées au trafic de drogue, elles, ont considérablement augmenté", explique Benoît Hervieu.
Du fait de l'explosion des activités mafieuses àl?intérieur du pays ces dernières années, beaucoup de journalistes se sont retrouvés sous le feu de la guerre des gangs ? alimentée principalement par les cartels de Tijuana, du Golfe ou du Millénaire. Et aujourd'hui, la presse constituent une cible de choix pour les narcos qui n'hésitent pas, dès qu'un journal est jugétrop curieux, àmener des "attaques de représailles", comme ce fut le cas le 6 février dernier, avec le quotidien El Mañana, àNuevo Laredo.
Le danger de l'autocensure
Conséquence : depuis l'arrivée de Vicente Fox au pouvoir en 2000, 16 journalistes ont trouvéla mort. Et en dépit de la bonne volontéaffichée par le gouvernement ("La libertéde la presse doit être absolue", déclarait Vicente Fox en 2001), les conditions qui permettraient aux journalistes d'exercer sereinement leur métier ne sont pas remplies.
"Le drame, c'est que beaucoup de journaux, notamment régionaux, décident de ne plus traiter de faits divers, pour se protéger", analyse Benoît Hervieu. "Du coup, on se retrouve dans une situation àla colombienne : on peut parler de tout, sauf de l'essentiel. Cela n'aide pas àaméliorer l'image des journalistes dans le pays, qui est globalement mauvaise".
Quelques raisons de ne pas perdre espoir néanmoins : un parquet spécial a étécréé, récemment, pour traiter les cas d'attaques contre journalistes. Une structure sans réels pouvoirs selon ses détracteurs? mais une petite pierre qui, ajoutée àd'autres, pourrait avoir son importance.
Valentin BONTEMPS (www.lepetitjournal.com/mexico) 31 mai 2006