Les récentes prises de bec hautement médiatisées entre l'Église mexicaine et le gouvernement du Distrito Federal au sujet des unions entre conjoints du même sexe nous incitent à brosser un bref portrait historique des origines de la laïcité au Mexique et en France.
Clocher et monument au mort (Puy-de-Dôme, France). Romary. Wikipedia
Sandoval contre Marcelo Ebrard
En mars 2010, entrèrent en vigueur dans le Distrito Federal les mariages entre conjoints du même sexe ainsi que l'adoption. L'initiative du gouvernement de Marcelo Ebrard contestée en cour suprême par la présidence de la République fut finalement reconnue comme constitutionnelle par la Suprema Corte de Justicia de la Nación en août 2010, rendant obligatoire la reconnaissance de ces unions par les États de la République. Tout au long du processus de contestation, l'Église s'est activement impliquée politiquement afin de faire reculer les positions étatiques vers son statuquo rétrograde. Cette campagne d'une virulence et d'une vulgarité rarement vue a culminé récemment avec les propos du cardinal de Guadalajara, homme au passé plus que douteux, accusant le maire de la ville de Mexico, Marcelo Ebrard, d'avoir soudoyé les juges de la cour suprême.
Qu'est-ce que la laïcité?
Bien que la laïcité soit une notion pouvant amener à des définitions variées et complexes, sa signification la plus généralement acceptée est celle d'une séparation entre le domaine étatique et religieux. Cette séparation vise à une administration publique fiable et dénuée de dogmes moraux, reléguant la vie religieuse à une activité individuelle privée. La France a été l'un des premiers pays à provoquer cette cassure progressiste suite à la Révolution et s'imposa par conséquent comme modèle laïque pour plusieurs autres pays dont le Mexique. Jetons un bref regard sur l'origine et l'évolution du concept laïque dans ces deux nations.
La révolution française et l'évolution du modèle laïque national
La Révolution Française est sans aucun doute la pierre angulaire de la laïcité en France puisqu'elle met fin symboliquement et pratiquement à la monarchie de droit divin. En 1790, la communauté ecclésiastique, l'un des piliers de l'autorité arbitraire, est dépouillé de certains biens, suite à l'adoption par l'Assemblée Nationale de la Constitution civile du clergé. Ce n'est pourtant que quatre années plus tard en 1794 que l'on retrouve la première référence à la laïcité dans un texte officiel proclamant la séparation de l'État et de l'Église.
La création du registre civil en 1801 ainsi que la loi Jules Ferry de 1882 sur l'instruction publique laïque obligatoire sont deux autres moments cruciaux dans la mise en place de l'égalité républicaine. L'individu est à partir de ce moment reconnu et éduqué comme citoyen au sein d'institutions indépendantes de la religion.
Le Mexique et les lois de la réforme de Benito Juárez
En 1855, durant le gouvernement du président Ignacio Comonfort, Benito Juárez est nommé président de la Cour Suprême de Justice. Durant son mandat, Juárez élabore les premières lois limitant le pouvoir et l'influence du clergé. L'adoption de la constitution de 1857 va plus loin en punissant sévèrement l'Église pour son ingérence et son appui aux factions conservatrices. Ces mesures comprennent notamment une nationalisation des biens ecclésiastiques, une interdiction des communautés religieuses et la création des registres civils.
L'état de la laïcité contemporaine
En France, la constitution de la Ve République affirme aujourd'hui dans son premier article la laïcité républicaine, principe qui par son rayonnement aida dans de nombreux pays à la fondation de nations souveraines et modernes. Au Mexique, après la Révolution Venustiano Carranza rédigea en 1917 une nouvelle constitution réaffirmant la laïcité, constitution toujours en vigueur.
Les conflits récents entre l'Église et le gouvernement du Distrito Federal rappellent à quel point il est crucial de défendre l'État laïque contre l'obscurantisme dogmatique. Dans un pays à forte majorité catholique, il est primordial de clairement définir aux autorités religieuses les limites de leur droit d'expression afin que celui-ci ne se transforme pas en obstacle pour la progression sociale. Malgré ses positions de droite conservatrice le gouvernement en place doit se porter garant du respect de la constitution mexicaine. De plus, on peut sans aucun doute se demander si cette Église discrédité moralement par les scandales sexuels ne devrait pas s'occuper d'un ménage interne avant d'organiser si activement ces attaques contre la laïcité.
Adam CHARLEBOIS (www.lepetitjournal.com/Mexico) Lundi 20 septembre 2010
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