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AÉROPORT - Un projet pharaonique envers et contre tous

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 26 mars 2015, mis à jour le 27 mars 2015

 

Enrique Peña Nieto a lancé le grand chantier d'un nouvel aéroport pour la ville de Mexico afin de remplacer l'actuel, saturé. La date de livraison est pour le moment fixée à 2069 et l'addition, qui devrait s'alourdir, s'élève à 169 milliards de pesos. Par ailleurs, le projet sera réalisé sur les terres de l'ancien lac de Texcoco, au grand dam des paysans des municipalités environnantes? 

Le 2 septembre 2014, le président mexicain annonçait officiellement le lancement d'un projet longtemps resté dans les tiroirs : la construction d'un nouvel aéroport international pour la ville de Mexico (Nuevo Aeropuerto Internacional de la Ciudad de Mexico, NAICM), plus grand, plus performant et plus intéressant pour les investisseurs que l'actuel Aeropuerto Internacional (AICM). Ce vaste équipement aérien sera dessiné par l'architecte de renommée internationale Norman Foster, déjà auteur de l'aéroport de Hong Kong, et de son collègue mexicain Fernando Romero - qui, en plus d'être architecte, a la particularité d'être le gendre du multi milliardaire Carlos Slim -.
Projet du nouvel aéroport de Mexico. (Crédit DR)

Le nouvel aéroport international de Mexico est le plus grand projet jamais entrepris au Mexique en terme d'infrastructure. Mais l'idée ne sort pas de nulle part : l'aéroport actuel présente des signes de saturation depuis la fin des années 90. Avec ses deux pistes trop proches l'une de l'autre pour être utilisées simultanément, on y est forcé de faire décoller un avion toutes les 50 secondes, entraînant de gros risques en matière de sécurité. Le projet d'Enrique Peña Nieto, lui, est présenté comme le meilleur possible : un trafic quadruplé - pour atteindre 120 millions de passagers à livraison - grâce à 6 pistes parallèles et capables de fonctionner simultanément. Le tout sur 4430 hectares de terrain, à peine 10 km plus à l'est de l'actuel AICM. Celui-ci est d'ailleurs définitivement saturé, avec son trafic de 34 millions de passagers par an, quand le maximum supposé était de 32 millions.

Pourvoyeur d'emploi, de meilleurs transports et d'investissements ?

Nouvel_aéroport_Mexico
La construction du NAICM devrait donc se dérouler en deux étapes. Au terme de la première, il sera capable de recevoir 50 millions de passagers par an, sur 3 pistes parallèles de 5 km permettant des opérations simultanées. Le site du projet présente tous ses avantages à coup de data visualisations didactiques, souligne l'importance de voir les vols arrières à l'heure, les avantages de compétitivité que cela engendrera, etc. Un grand aéroport, effectivement, permet plus de trafics, plus d'emplois, plus de productivité, plus d'investissement? L'idée est belle.
Projet du nouvel aéroport de Mexico. (Crédit DR)

Lors de l'annonce officielle, le coût de cet immense chantier était fixé à 120 milliards de pesos (plus de 7 milliards d'euros), dont un peu plus de la moitié seront payés par l'Etat, et le reste par des investissements privés. Carlos Slim, deuxième homme le plus riche au monde, participe effectivement au financement d'un chantier qui aura l'avantage de fournir 100 000 emplois, selon les chiffres officiels. Début janvier, on apprenait qu'un consortium comprenant l'entreprise hollandaise Netherlands Airport Consultants - qui a participé à la construction de plus de 500 autres aéroports dans le monde - et les deux mexicaines Sacmag de México et Yacdo Constructora seraient en charge des travaux. De multiples acteurs, donc, pour un projet qui doit s'étendre jusqu'à 2069, avec deux phases de travaux distinctes. ?L'ancien aéroport, quant à lui, sera changé en un espace dédié aux riverains. Des centres hospitaliers, des écoles et de nouveaux bâtiment dédiés aux services municipaux y seront construits, tandis que le NAICM se déploiera un peu plus à l'est. Mais c'est bien là que le bât blesse.

Cris au vol et baisse des ventes de pétrole

Le projet d'aéroport, en gestation depuis le tout début des années 2000, avait déjà été avorté sous l'ancien président Vicente Fox. Celui-ci s'était heurté aux protestations des paysans de Texcoco. Une autre possibilité aurait été de carrément déplacer le chantier à Tizayuca, Hidalgo. Cette option aurait eu le second avantage de réduire considérablement les nuisances sonores liées aux décollages et atterrissages en plein milieu de la capitale mexicaine. Mais de nouveau, elle a été rejetée en 2014, et Peña Nieto a annoncé l'ouverture du projet pharaonique sur les terres de l'ancien lac de Texcoco. Cette fois-ci, le gouvernement avait pris les devants, rachetant les terres concernées avant qu'aucune annonce officielle ne soit faite. Les 4430 hectares, très proches de la municipalité de San Salvador Atenco, sont actuellement sous la responsabilité de la Comisión Nacional del Agua (Conagua).

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Le Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra de San Salvador Atenco, qui avait réussi à faire plier le gouvernement en 2002, n'a pour autant toujours pas baissé les armes. Victime d'une violente répression en 2006, l'association paysanne, soutenue par plusieurs autres, a continué de se battre sans relâche. Elle persiste d'ailleurs dans sa dénonciation d'un gouvernement "qui ne respecte pas les terres", organisant notamment des forums où se réunissent des représentants de villes du Chiapas, de Puebla, de Oaxaca ou du Guerrero, où les populations sont aussi victimes d'expropriations plus ou moins forcées.
Projet du nouvel aéroport de Mexico. (Crédit DR)

Dans le cas de l'aéroport, ils y dénoncent à la fois les dommages causés à l'environnement, la destruction du patrimoine culturel des villages environnants et les méthodes employées pour obtenir les terres. Au cours d'un forum organisé le 15 mars dernier, l'un des dirigeants du Frente de San Salvador Atenco, Adan Espinoza, déclarait ainsi de nouveau que le gouvernement forçait les propriétaires à vendre leurs terres grâce à diverses manoeuvres d'intimidation. En face, on ne parle que de projet durable, aussi bien pour l'environnement que pour les populations déplacées : pour le gouvernement, ce nouvel aéroport est un moyen de développement économique pour tous, avant tout.

Dans le même temps, la baisse des vente de pétrole sur l'année oblige pourtant les dirigeants mexicains à ralentir leurs projets de constructions. Mais ni grogne ni réductions financières ne semblent cette fois capable de ralentir la création du nouvel aéroport, même si analystes et officiels prévoient un dépassement du coût fixé - neuf mois plus tard, le site officiel annonce un coût de 169 milliards de pesos -. Le début des travaux a été signalé au début de ce mois de février.

Consulter le site du projet

Mathilde Saliou (Lepetitjournal.com/mexico) Vendredi 27 mars 2015

lepetitjournal.com Mexico
Publié le 26 mars 2015, mis à jour le 27 mars 2015

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