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LAURENT BINET - Entre réalité et fiction

Écrit par Lepetitjournal Melbourne
Publié le 19 août 2013, mis à jour le 6 janvier 2014



L'écrivain français à succès Laurent Binet sera à Melbourne du 23 au 25 août à l'occasion du Writers Festival, un festival littéraire qui se tient chaque année dans toute la ville. En 2010, cet ancien professeur de français publie son premier roman, HHhH, après 10 ans de recherches et d'écriture. Ce roman historique obtient le Prix Goncourt du Premier Roman la même année et devient vite un énorme succès à travers le monde. Véritable touche-à-tout, l'auteur prépare aujourd'hui son 5ème livre, dans un registre très différent. 

cc Flickr

Revenons sur votre parcours. Agrégé de lettres modernes, vous devenez professeur dans le secondaire en région parisienne. Vous n'enseignez plus aujourd'hui ?

Non, j'ai arrêté il y a deux ans. Vous savez j'ai exercé 10 ans en banlieue parisienne, et plus précisément en ZEP (Zone d'éducation prioritaire NDLR) et je crois que c'était suffisant. C'était beaucoup de boulot et très fatiguant, alors je suis passé à autre chose. Mais je retourne dans les écoles parfois en tant qu'invité, je préfère cette formule.

A quel moment avez-vous commencé à écrire ?

Aussitôt que j'ai appris à lire je me suis intéressé à l'écriture. Je crois que j'ai écrit mes premiers poèmes vers l'âge de 8-9 ans, puis il y a eu une grande pause et vers 17 ans je me suis amusé à créer une revue surréaliste avec mes amis. C'est bien plus tard, entre 24 et 28 ans que j'ai écrit mon premier livre, surréaliste également.

Vos 4 livres sont très différents les uns des autres, le premier (Forces et Faiblesses de nos muqueuses) est un récit surréaliste, le second (La Vie professionnelle de Laurent B.) plutôt autobiographique, le 3ème (HHhH) un roman historique et, le dernier, un livre politique (Rien ne se passe comme prévu). Est-ce que tous les genres littéraires vous attirent ? Qu'est-ce qui guide vos envies ?

Oui je crois que j'aime beaucoup de genres littéraires différents. A vrai dire j'ai beaucoup de respect pour ceux qui creusent le même sillon pendant toute leur carrière, mais j'aime aussi ceux qui changent et dont je fais partie. Même si mes livres sont tous différents je pense qu'ils ont des points communs et que l'on retrouve une certaine continuité quand même. Par exemple, j'interroge souvent le rapport entre la fiction et la réalité, c'est un thème qui m'intéresse beaucoup et que j'ai exploré dans HHhH. J'ai beaucoup été influencé par les surréalistes et je me souviens notamment d'une phrase de Breton qui disait « Je ne pourrai jamais écrire la marquise sortit à cinq heures ». Cette notion a guidé tous mes écrits. Je me méfie beaucoup du roman pur.

HHhH (Acronyme signifiant "le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich") fut un grand succès, en France mais aussi dans le monde. Vous attendiez-vous à un tel engouement ?

Non, je ne m'y attendais pas vraiment, mais je l'espérais vraiment. Je rêvais du succès, du prix Goncourt... D'ailleurs, au moment de l'écriture je parlais de HHhH comme de « mon prix Goncourt » ! Ce qui m'a le plus étonné c'est le nombre de traductions et le succès de versions étrangères comme l'anglaise par exemple. Le livre a bien fonctionné en Europe et a eu un beau succès critique aux Etats-Unis.

Pourquoi avoir voulu vous plonger dans cette période de l'Allemagne nazie ?

C'est arrivé un peu par hasard. Le point de départ de mon livre ce n'est pas l'Allemagne nazie mais la Tchécoslovaquie. J'ai été envoyé là-bas pour mon service militaire et je me suis intéressé à l'attentat des parachutistes tchèques dans le cadre de l'Opération Anthropoid, une opération menée par les Anglais en mai 1942 afin d'assassiner le dirigeant nazi Reinhard Heydrich. J'en ai beaucoup discuté avec mon père, professeur d'histoire, et plus j'étudiais le sujet plus je réalisais l'ampleur de ce personnage, figure importante dans toute l'histoire du 3ème Reich. Ce sujet m'a passionné et j'ai mis 10 ans à finir mon livre.

Ensuite, vous êtes passé à la politique en suivant la campagne électorale de François Hollande. Pourquoi ? Avec le recul, y a t-il des choses que vous aimeriez réécrire ?

Non, je ne pense pas. Vous savez j'ai reporté tout ce à quoi j'ai assisté pendant un an, et le plus drôle avec le recul est de voir ce qui est arrivé à certains protagonistes par la suite, comme Jérôme Cahuzac ou Aurélie Filipetti, entre autres. La politique me passionne, j'ai été particulièrement intéressé par les discours, leur construction et leur dimension rhétorique. J'ai aimé être un observateur, mais je ne le referai pas, je suis passé à autre chose vous savez.

Quel bilan faites-vous de sa présidence jusqu'à aujourd'hui, était-ce ce à quoi vous vous attendiez ?

C'était à peu de choses près ce à quoi je m'attendais oui, même si je reste un peu déçu. Durant la campagne, François Hollande affichait des contradictions très visibles. Il pouvait faire un discours très volontaire de gauche une semaine et la semaine suivante adopter un discours plus bayrouiste. Je regrette simplement que ce soit cette face qui l'ait emporté durant sa présidence. Pour réaliser mon livre j'avais deux critères : que le candidat soit de gauche, et qu'il ait des chances de gagner, afin que ce soit plus excitant, voilà pourquoi mon choix s'est porté sur le candidat du Parti Socialiste. J'aurai pu suivre Jean-Luc Mélenchon également, mais personne ne s'attendait à une telle campagne de sa part.

Vous venez en Australie la semaine prochaine pour le Melbourne Writers Festival, est-ce votre première visite en Australie ? Et quel est le but de votre intervention ?

C'est ma première fois en Australie en effet, car j'ai dû annuler ma venue l'année dernière. Parfois, nous avons un thème précis pour une conférence, et parfois non. A Melbourne, il y aura des discussions générales et d'autres à propos de l'Europe. Je vais également me rendre à Sydney puis à Auckland pour d'autres festivals.

Aimez-vous vous rendre à des festivals littéraires ?

Oui j'aime beaucoup, cela me permet de rencontrer beaucoup d'écrivains, et parfois je fais de belles découvertes. Le mois dernier, au Brésil, j'ai rencontré un fantastique écrivain américain d'origine bosniaque, Aleksandar Hemon, mais aussi Jérôme Ferrari, le dernier prix Goncourt.

D'ailleurs, quels sont vos écrivains contemporains fétiches ?

Mon auteur favori est sans hésitation l'écrivain Américain Bret Easton Ellis, à propos duquel je viens d'écrire un papier pour Vanity Fair. J'aime aussi Chuck Palahniuk qui est l'auteur de Fight Club, pour son côté slave. J'apprécie beaucoup le roman américain en général. Côté français, je suis plus réservé. On ne peut pas dire que je sois un adorateur de la littérature française. J'aime surtout les femmes, comme Chloé Delaume, une amie, Virginie Despentes pour ses essais, ou encore Maylis de Kerangal pour son roman Naissance d'un pont.

Des projets pour la suite ?

Je suis en train d'écrire un nouveau livre, qui sera cette fois une fiction avec des personnages inventés. Mais le thème de réalité/fiction y aura également sa place. C'est un ouvrage qui me demande beaucoup de recherches, et je crois que je me laisse parfois emporter par la lecture pour ne pas avoir à écrire... C'est un véritable piège. J'espère quand même qu'il sortira dans deux ans.

Adèle Bouet (www.lepetitjournal.com/melbourne) mardi 20 août 2013

Laurent Binet sera présent aux festivals suivants : 
- Le Melbourne Writers Festival, le vendredi 23 août à 10h et 14h30, le samedi 24 août à 17h30 et le dimanche 25 à 14h30.
- Le Sydney Jewish Writers Festival, le 29 août à 20h. 
- Le 
Taranaki Arts Festival Trust, à Auckland, le 31 août à 11h.

lepetitjournal.com Melbourne
Publié le 19 août 2013, mis à jour le 6 janvier 2014

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