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TROPHÉE ENSEIGNEMENT - Fabienne Mackay, la passion de la recherche médicale

Écrit par Lepetitjournal Melbourne
Publié le 6 mars 2014, mis à jour le 14 mars 2014

A 47 ans, ce professeur et chef de département de recherche à l'université  Monash à Melbourne est la lauréate du Trophée Enseignement 2014 des Français de l'étranger, parrainé par le CNED. Gravement malade au moment de son bac, elle a choisi la médecine et la recherche pour découvrir "le mystère des maladies", qu'elle traque avec ses étudiants "comme sur une scène de crime"


Pourquoi avez-vous décidé de poser votre candidature aux Trophées des Français à l'étranger??
J'avais lu un article sur les trophées dans le petitjournal.com. En parlant avec des amis chercheurs français ici, ils m'ont dit : "tu as eu un parcours quand même assez exceptionnel, au point de vue de la recherche et de l'éducation, tu as une chance". Je n'y croyais pas parce que c'est au niveau de la planète entière. Mais j'ai écrit et puis j'ai oublié. Quand j'ai reçu un coup de téléphone pour dire que j'étais sélectionnée, ça a été une grosse surprise et un grand plaisir aussi.??

Qu'est ce que ça représente pour vous ??
C'est bien qu'en France on sache que l'on est content de l'éducation qu'on a reçue. On a reçu une éducation de qualité, et on était capable de faire quelque chose de très bien avec à l'étranger, donc on a vraiment été capable de promouvoir un petit peu ce qu'on a acquis pendant nos études, notre scolarité, et d'aboutir à de grandes choses quelque part. En quelque sorte, nous portons le flambeau français à l'étranger. Le pays peut être fier de nous : à l'étranger on contribue justement à transmettre le prestige français. C'est important, parfois on l'oublie. Il y a tellement d'expatriés français et beaucoup d'entre nous font des choses formidables à l'étranger.

?Pensez-vous que si vous aviez fait vos études en Australie vous seriez arrivée au même point dans votre carrière ?
Je pense toujours que la qualité de l'éducation surtout à l'université, a tendance à être meilleure en France. Pourquoi ? Les cursus, notamment en recherche, en science, sont plus longs. Ici il suffit de 4 ans pour commencer l'équivalent d'un DEA et une thèse, alors qu'en France il faut 5 ans, voire 6 ans quelque fois. Et je pense que souvent les cours sont plus rigoureux, plus riches, enfin le niveau est meilleur. C'est pour ça que j'essaie de recruter de jeunes Français pour leur niveau d'éducation, leur détermination et leurs attitudes vis à vis des études Ils sont beaucoup plus académiques, beaucoup plus motivés, pour apprendre, pour lire, pour développer des idées, etc. Ils ont  plus d'esprit critique. Donc de ce coté, je pense qu'il y a vraiment une différence.
?
Est-ce que justement vous pousseriez les jeunes Australiens, à aller faire leurs études en France ??
Ce serait une bonne expérience. On a Erasmus en Europe, et il faudrait l'étendre au reste du monde. Les étudiants australiens pourraient apprendre peut être une autre philosophie d'éducation en France, plus sophistiquée. Tous les jeunes que j'ai rencontré qui ont fait un séjour en France pour une raison ou pour une autre, ont toujours été très contents, et veulent y retourner.??

Quelque chose d'un peu plus personnel, peut on dire que votre décision de commencer vos études de médecine puis d'ingénieur, a été votre façon de tourner une situation difficile en votre faveur, en opportunité ?
C'est absolument ça. Je voulais faire autre chose. J'étais très douée en histoire, je voulais être archéologue ou journaliste. Mais malade, je n'avais fait que 3 mois de terminale sur 9, ce n'était pas génial. J'ai eu mon bac par surprise et ça m'a un petit peu déstabilisée parce que je comptais le repasser. En regardant mes notes au bac et mon dossier médical on a essayé de trouver une université. J'avais 17 ans et demi et ma mère m ?a dit que faire histoire me permettrait d'etre archéologue ou prof. Comme j'etais bonne maths et en science, et que la fac de médicine était juste à coté du centre où j'avais mon traitement. Je n'avais pas pensé à faire médecine, mais en tant que patiente, j'ai vu l'envers du décor. Quand on est à l'hôpital à 17 ans, on est dans un service enfant et là on découvre des choses dures: des jeunes enfants qui ont 3 ou 4 ans avec des tumeurs au cerveau, leurs cris quand on leur met les perfusions, c'est difficile. Ça change forcement la vie, ça change une personne. Les traitements sont lourds. J'ai rencontré des cancérologues à l'époque et leur demandais mais pourquoi j'ai ça, j'essayais de comprendre, j'avais la rage. Ils m'ont parlé de la recherche, et un jour j'ai visité leur labo, et ça m'a bien plu. C'est alors que je me suis dit qu'il fallait faire de la recherche pour trouver d'autres traitements que la chimio. On m'a proposé un poste dans un IUT et j'ai intégré le centre universitaire de science et  technique et passé un diplôme d'ingénieur.

Je veux découvrir le mystère des maladies. Je dis toujours à mes étudiants qu'une maladie, c'est comme une scène de crime, il y a des indices partout, il faut les tester et ça amène au coupable. Et ça, ça les excite. On est comme des inspecteurs. Le coté ingénieur m'a beaucoup aidée à comprendre pourquoi les choses vont mal. En couplant la partie très académique de compréhension du système immunitaire et le coté technique, on développe des protéines, on utilise la biologie moléculaire pour développer un médicament qui va être injecté dans les patients qui a une fonction très précise. Là on se dit que l'on a un petit peu de pouvoir. Et quelque part j'avais toujours cet esprit, pas de revanche, mais ça m'a fait suer cette maladie-là pendant plus de trois ans, donc je vais m'y atteler et produire quelque chose qui va empêcher ou améliorer les traitements dans le futur. On est plus positive quand on sait qu'on peut apporter quelque chose. Grâce à la recherche, je peux vraiment améliorer les choses et être généraliste pour la planète entière.

Parlons de votre parcours en Australie, vous êtes en Australie depuis 15 ans, vous êtes australienne, parlez moi de la dualité franco-australienne. Comment pourriez-vous la définir?
J'ai souvent une image d'un arbre qui n'a plus de racines. Quand je retourne en France il y a tout un côté de la culture populaire que je ne connais plus. Et en Australie, je connais la culture récente mais des que les gens parlent d'affaires qui se sont passées avant que je n'arrive, je suis perdue. Je suis donc comme un arbre sans racine. Comme j'ai toujours aimé l'histoire, je lis beaucoup sur le sujet et essaye de comprendre comment ce pays a été créé.

J'ai vécu aux Etats-Unis et donc je peux comparer personnellement et professionnellement. J'étais à Boston et j'ai adoré travaille à Boston. A Boston, on ne peut jeter une pierre sans assommer un prix Nobel, c'est un milieu intellectuel tellement riche... C'était formidable du point de vue professionnel mais c'est aussi un rythme super soutenu, stimulant quand on est jeune mais dès qu'on a une famille on commence à stresser de voir son fils élevé par une nounou. Donc j'ai fait un choix de vie. Comme j'étais mariée à un Australien que jai eu des possibilités de carrière dans le milieu académique, on est venu à Sydney puis à Melbourne et cela m'a facilité la vie. Au niveau professionnel, on attendait que je montre la voie et ça a été un autre challenge. J'ai commencé à enseigner et à apprendre une qualité de travail. On revient toujours à la même chose, cet élément de sophistication qui manque toujours un peu ici, qui reste un peu basique.
J'ai commencé à être leader dans la recherche, être reconnue dans la communauté scientifique et être bien intégrée. Le milieu scientifique en Australie est très sympathique surtout dans mon domaine : l'immunologie. En Australie, l'immunologie est une filière scientifique très forte, reconnue mondialement. Cela a commencé avec Frank Macfarlane Burnet qui a reçu le prix Nobel en 1960. Je crois qu' il y a 12 prix nobel australiens et trois ou quatre sont immunologues. C'est une filière historique et scientifiquement très forte.
Pour faire de la bonne recherche il faut de la bonne collaboration et il y a ici des talents qui travaillent ensemble dans le même institut et qui collaborent. Ce qui m'a fait rester, c'est le soutien des collègues, le peer support.

Vous aimez les défis?
Oui, c'est ce qui me fait me réveiller le matin et ne pas dormir le soir j'aime bien les challenges.  Je m'y atèle et ça me fait travailler.

Reportage réalisé par France 24

Propos recueillis par Sophie Short (www.lepetitjournal.com/Melbourne) vendredi 7 mars 2014

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lepetitjournal.com Melbourne
Publié le 6 mars 2014, mis à jour le 14 mars 2014

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