Dans la perspective des prochaines élections législatives (à partir du 27 mai en ligne, 5 et 19 juin 2022 dans les urnes), lepetitjournal.com est allé à la rencontre des candidats dans chaque circonscription des Français de l’étranger.
Chantal Moussa, candidate à la 10ème circonscription pour la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), a répondu à nos questions.
Pourquoi avez-vous souhaité vous présenter aux prochaines élections législatives ?
Je me suis toujours intéressée à la politique et mobilisée dans les luttes pour la défense des services publics, des droits sociaux, de la liberté et la démocratie, et de la recherche publique.
Depuis 3 ans, je suis engagée dans la France Insoumise depuis le Liban et suis devenue responsable de la coordination pour la région. Cela m'a donné une expérience et un vécu qui font que je suis aujourd'hui en capacité de remplir la tâche exigeante de représenter mes concitoyens de la circonscription.
Cette candidature est le prolongement de mon engagement, dans une nouvelle dimension, qui me permettra de participer à l'amélioration concrète de la vie de mes concitoyens, où qu'ils vivent.
Cette candidature, elle a pour moi d'autant plus de sens que nous vivons un moment où les enjeux sont très importants, et la gauche en prend la mesure. Nous ne resterons pas spectateurs des crises politiques, sociales, démocratiques et environnementales, mais nous saurons montrer que notre famille politique a beaucoup à proposer, pour le quotidien des gens comme sur le long terme. Nous avons une grande responsabilité, et j'ai confiance dans ma capacité à l'assumer.
Quel est votre rapport avec cette circonscription ?
Je suis Franco Libanaise et vis au Liban depuis bientôt 3 ans.
Pour moi la question des conditions de vie et d'accès aux services pour les Français de l'étranger est donc loin d'être théorique, je la vis au quotidien. En plus de mon expérience directe, je connais cette circonscription à travers notre groupe de plusieurs dizaines de militants ou simples sympathisants qui soutiennent la NUPES et ses idées - et ce ne sont pas les idées qui manquent !
Ils et elles viennent de partout : de Madagascar aux Emirats arabes unis, du Gabon à Djibouti. Ensemble nous discutons des sujets auxquels font face les Français.es de la circonscription, et c'est ensemble que nous constatons la destruction du système des écoles françaises, les suppressions de postes dans les consulats, ou encore la précarité partagée de nombreux.ses Français.es qui vivent et qui travaillent dans les 49 pays de la zone, et qui voient leurs liens avec la France s'affaiblir chaque année.
En quoi votre parcours est-il marqué par les préoccupations des Français de l'étranger ?
Mon parcours est justement celui d'une binationale, Française de l'étranger, Libanaise de France, situation de passerelle entre des pays différents, que vivent beaucoup de nos concitoyens de l'étranger. À ce titre, je tiens aux relations économiques, culturelles, politiques et sociales entre la France et l'étranger, qui sont une richesse pour les pays de la zone, mais surtout pour la France.
C'est aussi un parcours de chercheuse en sciences, qui a vu les moyens de la recherche s'amenuiser, à un moment aussi critique pour la planète, c'est la mauvaise direction à prendre ! Nous le constatons toutes et tous dans la circonscription : les sécheresses sont de plus en plus dures et menacent notre accès à l'eau potable, la mer est toujours plus polluée, ce qui menace notre santé et la biodiversité de nos côtes, les saisons sont de plus en plus imprévisibles et cette situation menace notre sécurité alimentaire à tou.te.s ! Cela, je le vois et le vis au Liban, mais ces problèmes se retrouvent partout dans le monde, comme les problèmes de corruption et d'ingérences étrangères, qui pèsent sur les conditions de vie des tous les résidents, y compris les Français.es.
J'aime répéter que pour moi, il y a deux façons de changer le monde : la politique et la science ! C'est pour cela que j'ai tenu à avoir ces deux engagements, via ma thèse de doctorat en chimie, et mon implication continue pour la société.
Comment voyez-vous le mandat de députée ?
Je vois cela comme un mandat de proximité et de représentation. Je serai tenue d'écouter les préoccupations des citoyens de la circonscription, et je compte pour cela entre autres sur le réseau important qui existe déjà dans cette campagne, constitué par la base et couvrant très bien la circonscription. Je veux permettre de traduire ces préoccupations en propositions de lois et d'amendements, mais aussi permettre à mes collègues député.e.s et au gouvernement de comprendre la situation spécifique des Français.es de l'étranger.
Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français de votre circonscription ?
Les Français.es de l'étranger subissent au quotidien les dégâts de la politique d'abandon menée par le gouvernement. Les réductions d'investissements dans les services publics, la politique de privatisation de l'éducation, le manque d'accès à la sécurité sociale et le coût élevé d'une couverture de santé, l'insuffisance des aides sociales, le manque d'accompagnement des petites entreprises ou pour la recherche d'emploi, l'indifférence face aux enjeux écologiques, le positionnement de la France à l'international, et j'en passe.
Ces problèmes sont très concrets, nos concitoyen.ne.s y sont confronté.e.s tous les jours, et les exemples ne manquent pas. Il y a eu des licenciements abusifs de nombreux.ses agent.e.s de nos ambassades et consulats, par exemple au Togo et à l'Île Maurice mais pas seulement. Confrontés à une hausse de la population française depuis la réouverture des relations diplomatiques, les services consulaires du Rwanda sont débordés, le Gouvernement n'ayant pas augmenté leurs moyens. Nous ferons une priorité du renforcement des services consulaires.
Nous voyons par ailleurs un durcissement de l'accès à l'éducation. L'Ecole Française de Nairobi augmente ses frais chaque année, en raison d'un difficile redressement fiscal. Une situation qui aurait pu être évitée si le MEAE et l'AEFE lui avaient apporté un véritable soutien en matière de connaissance fiscale. De nombreux établissements scolaires homologués et conventionnés augmentent leurs frais chaque année, sans que le niveau des enveloppes de bourses scolaires ne s'y adapte. Nous avons tout intérêt à faire comprendre au gouvernement que l'éducation est un investissement et non une dépense si nous voulons pouvoir garantir le droit à l'éducation dans notre circonscription.
Pour les habitant.e.s des États insulaires, la question écologique est une urgence vitale. Ils et elles voient leurs îles rognées par l'érosion, leur biodiversité décimée par les marées noires et les déchets plastiques, et ne voient pas la France agir, ou trop peu. De leur côté, les habitant.e.s du Golfe et de la Corne de l'Afrique connaissent des invasions de criquets sans précédent et des sécheresses dévastatrices qui tuent les récoltes et créent de la famine. C'est pourquoi, la question écologique est au centre de notre programme.
Je pourrais continuer la liste longtemps. Vous le voyez, les défis sont nombreux, certains sont globaux, quand d'autres sont la conséquence directe de mauvais choix politiques. Nous faisons le choix de regarder ces problèmes en face, avec confiance en notre programme, qui est complet et cohérent, pensé dans l'intérêt collectif.
Comment est organisée votre campagne et qui sont vos soutiens ?
Notre campagne est portée par la dynamique de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (ou NUPES) ! Nous travaillons en équipe avec la France Insoumise, Europe Ecologie Les Verts, le Parti Socialiste, le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche, ENSEMBLE!, la Confédération Internationale Solidaire et Écologique, Génération·s et Nouvelle Donne.
Cette diversité enrichit nos échanges et nos actions. Nous sommes des femmes, hommes, bi-nationaux, de tous milieux sociaux, résidents dans de nombreux pays de la circonscription, mais aussi en dehors. Face à la diversité et la richesse des 49 pays de notre circonscription, nous avons défini une campagne qui s'articule autour de 4 axes qui intéressent les Français.es de notre circonscription, les services publics, l'écologie, la diplomatie et l'égalité.
Quels sont les axes de travail que vous souhaitez mener à bien si vous êtes élu ?
En plus de mon apport à la politique générale de la NUPES, et de ses 650 propositions pour répondre, enfin aux défis actuels, je souhaite pousser le gouvernement à développer les services publics des Francais.es de l'étranger, car je pense que ceux-ci, loin de représenter un poids pour notre pays, sont une chance de faire rayonner la France.
Concrètement, je souhaite siéger en particulier à la commission des Affaires étrangères, car cette circonscription sera à l'avant-garde de nos efforts pour une diplomatie pour la paix et pour établir des coopérations internationales équilibrées et enrichissantes. Je souhaite aussi siéger à la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation, la culture étant une dimension privilégiée de notre rapport au monde en tant que Français, et pour défendre l'éducation qui devient de plus en plus élitiste et onéreuse, surtout à l'étranger.
Quel bilan dressez-vous du mandat du député sortant ?
Nous constatons beaucoup d'autosatisfaction de sa part, mais honnêtement, de notre côté, on hésite entre aveuglement et incompétence pure et simple.
Premièrement, on a vu la dégradation générale du service public, pas seulement dans notre circonscription, mais partout dans le monde. Cela pose un grave problème d'inégalité d'accès.
Je viens de vous faire un état des lieux assez peu resplendissant des services français à l'étranger, les institutions culturelles ne sont pas mieux loties, alors que le gouvernement prétend depuis 5 ans faire rayonner la francophonie et l'influence française dans le monde.
Cela se situe dans la droite ligne libérale qui considère la diplomatie et la culture au mieux comme des variables d'ajustement, au pire comme un frein aux relations commerciales et économiques. On ne trouve pas trace d'une protestation de la députée sortante concernant ces diminutions de moyens. Est-ce ainsi qu'elle prétend représenter les Français.es de l'étranger ?
Deuxièmement, la mandature qui se termine est marquée par une tendance au remplacement de la diplomatie par les affaires, au dépens de la défense des intérêts des peuples et des citoyens, et par le peu de discernement et de scrupules du gouvernement dès lors qu'on parle de ventes d'armes.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, la députée sortante n'a pas fait son travail de proposition d'une diplomatie cohérente. Nos concitoyens sont directement concernés par la dégradation de l'image de la France dans beaucoup de pays, surtout en Afrique, à cause des compromissions des gouvernements Français successifs.
Cela pose un véritable problème de sécurité qui ne peut se résoudre à long terme que par une diplomatie pour la paix, basée sur des relations équilibrées et équitables entre les peuples.
S'agissant de son travail d'influence des politiques publiques, nous pensons donc qu'elle n'a pas mené les bonnes batailles et n'a pas su comprendre les véritables problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens. Ces considérations sont aggravées par l'indigence de son action législative. Après cinq ans de mandat sans proposition, la voici qui essaye de créer des attentes autour de sa réélection en nous promettant de soumettre une proposition de loi. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux.