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OLIVIER LAOUCHEZ – Itinéraire d’un entrepreneur à succès

Écrit par Lepetitjournal Johannesbourg
Publié le 28 juin 2017, mis à jour le 9 février 2018

Work In The City Johannesburg en partenariat avec le Club VIE ont reçu Olivier Laouchez, co-fondateur et PDG des chaînes musicales Trace, mardi 20 juin à Capago à Johannesburg. Ce « serial entrepreneur » français a réussi en quelques années à construire une marque globale et lancer un groupe qui a une véritable envergure panafricaine. Rencontre.


Olivier Laouchez, vous avez créé votre première entreprise, la chaîne martiniquaise ATV alors que vous n’aviez pas vingt-cinq ans, comment vous est venue cette idée ?
Très jeune, ayant un père banquier, j’ai baigné dans la culture de l’entreprise et de l’entrepreneuriat. Après ma coopération en Indonésie pour un grand groupe industriel français, je suis rentré en Martinique. J’ai toujours eu peur de m’ennuyer dans mon travail et j’ai du mal à supporter l’autorité. Entreprendre dans le monde des médias était donc un bon moyen de concilier mon souhait d’être mon propre boss et d’avoir une activité en perpétuel renouvellement. Ayant grandi en Martinique, j’étais très exposé à la foisonnante production musicale caribéenne, Bob Marley, Kassav, et bien d’autres qu’on n’entendait pas beaucoup sur les grandes chaînes diffusées à partir de Paris. A l’époque en Martinique, il n’y avait qu’une seule chaîne locale, RFO, appartenant au service public. Avec des partenaires locaux, nous avons eu l’idée de créer une chaîne locale privée de proximité : ATV (Antilles TéléVision). Notre baseline était très claire : « ATV, c’est ma télé ». On faisait du divertissement et de l’info en s’intéressant à la vie locale. Notre idée c’était d’être en étroite relation avec le public, et de produire et diffuser des productions locales. ATV existe encore et est maintenant la chaîne la plus regardée dans la Caraïbe francophone. C’est à ATV qu’ont démarré des talents originaires des Antilles comme Audrey Pulvar par exemple.

Quelles sont les leçons que vous avez retenues de cette première création d’entreprise ?
L’entrepreneuriat en télévision locale permet d’apprendre très vite. Il faut être polyvalent, bien comprendre les différents métiers d’une chaîne de TV, s’adapter. Il faut aussi bien comprendre son marché, son public, trouver des moyens de l’intéresser et de le fidéliser. Cette première entreprise m’a fait comprendre la fragilité des choses, tout peut toujours basculer très vite, il faut donc toujours avoir des options, des alternatives pour tenir sur le long terme.

Il n’y a pas de formule magique pour réussir dans la vie entrepreneuriale, mais il y a un certain nombre d’éléments qui aident. Il faut avoir une vision sur l’avenir, être persévérant, avoir de la patience, de la confiance en soi, savoir bien s’entourer. Il ne faut pas hésiter à demander conseil. Il faut identifier les « chaînons manquants » de votre expertise, il y en a toujours et trouver les personnes qui pourront vous aider sur ces domaines.

Comment a commencé l’aventure de Trace ?
Après six ans d’ATV je suis rentré à Paris en 1999 pour diriger le label musical Secteur Ä qui réunissait à l’époque une grande partie des artistes Hip Hop de Garges Sarcelles. En même temps l’idée d’une chaîne musicale dédiée aux musiques urbaines qui ne trouvaient pas leur place sur les grandes chaînes faisait son chemin. J’avais démarché à Washington la chaîne BET (Black Entertainment TV) pour leur proposer de lancer une version francophone mais ils n’étaient pas intéressés par ma démarche. 

Ensuite, cela a été un parcours du combattant pendant quatre ans. Et grâce à un ami, j’ai rencontré à Paris un banquier de Goldman Sachs qui dirigeait un fonds dédié aux projets qui n’étaient pas « mainstream » : le Urban Investment Group. Goldman a accepté de nous financer à condition que nous nous associons à la chaîne MCM Africa qui appartenait à l’époque au groupe Lagardère et qui vivotait. En 2003, nous avons racheté en parallèle la marque et le magazine Trace qui avait une bonne notoriété grâce à ses couvertures avec des grands artistes noirs américains. Nous avons ensuite transformé MCM Africa en Trace TV et avons relancé la chaîne avec notre format urbain. Après un an, nous avons arrêté la production du magazine qui perdait de l’argent, et nous sommes séparés de Lagardère. C’est donc en 2004 que nous avons vraiment trouvé la formule de notre développement.

Pourquoi l’Afrique ?
Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des marchés avec peu d’offre de chaînes musicales et notamment les pays d’Afrique où pourtant la musique est la passion #1 de toutes les populations.

Nous nous sommes d’abord lancés en Afrique francophone et avons depuis développé onze chaînes de télévision sur l’Afrique et l’Océan Indien. Rencontrant un gros succès en Afrique francophone, nous nous sommes ensuite attaqués à l’Afrique anglophone, et notamment au premier marché africain : l’Afrique du Sud.

Je connaissais bien un agent qui était en contact avec DSTV. On a monté un pilote de chaîne, on l’a testé auprès des abonnés de DSTV et on a remporté le contrat. Cela été le début d’une relation forte avec l’Afrique du Sud et DSTV. A partir de là on a pu rencontrer les grands annonceurs présents en Afrique du Sud comme MTN et qui dirigent leurs opérations africaines à partir de Johannesburg. Ils sont devenus nos clients. La France ne représente plus que 20% de notre chiffre d’affaires. Johannesburg est un « hub » pratique pour nos opérations africaines et nous avons décidé de nous y installer en famille avec mon épouse Christel et nos enfants.

Quelle est la prochaine étape ?
Nous avons plusieurs défis à relever. 
Nous devons être plus présents sur le premier marché mondial du divertissement : les USA. Nous implantons un bureau aux Etats-Unis. Dans trois semaines, nous lançons une nouvelle chaîne là-bas, TRACE Prime, pour répondre à un appel d’offres de Comcast, le premier câblo opérateur US. Nous avons aussi un projet de chaîne au Brésil.

L’autre défi est celui de la mutation digitale de notre industrie. Le modèle de la télévision payante est en train de décliner après avoir connu un essor remarquable, on le voit avec les mésaventures de Canal +, et la diffusion de programmes audiovisuels sur tous les écrans et sur toutes les plateformes connectées va devenir prédominante. Comment répond-on à cette modification de distribution ? Comment recrée-t-on de la valeur pour que les gens acceptent de payer pour votre offre ? Ce sont nos grandes questions du moment. On innove, on teste, on improvise pour absorber la révolution digitale. Il faut trouver les nouvelles expertises qui nous aideront à franchir ce cap. On ne peut jamais être sûr avant d’avoir la bonne solution mais cela n’empêche pas d’avancer.

Propos recueillis par Bénédicte Champenois Rousseau 

(www.lepetitjournal.com/johannesbourg) Jeudi 29 juin 2017

A propos de Work In The City (WITC)

WITC JHB propose de réfléchir autour de ces années d’expatriation d’une manière positive au niveau professionnel. Chaque mois, une vingtaine de participantes se retrouvent à l’heure du déjeuner et en soirée. Les réunions animées par des intervenants s’articulent autour de trois axes : mieux comprendre le contexte économique et politique sud-africain, s’intégrer dans le milieu professionnel du pays et réfléchir sur son parcours sous forme de tables-rondes ou d’ateliers autour de professionnels bien intégrés dans le monde économique sud-africain. Rejoignez le groupe facebook ou écrivez à witcjhb@gmail.com

A propos de Bénédicte Champenois Rousseau

Installée en Afrique du Sud depuis octobre 2015, Bénédicte est sociologue et a enseigné la sociologie en France notamment à Sciences Po Paris tout en effectuant des missions de recherche pour des organismes de recherché publics ou des organisations non gouvernementales. Ses sujets de predilection: la santé publique, l’éducation et le “women empowerment”. Elle a créé à Johannesburg le réseau professionnel de femmes francophones Work In The City JHB et met en oeuvre son goût pour l’écriture sur son blog Ngisafunda et le blog d’Enko Education 

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