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BENNY CHAN – "Mon goût pour la justice vient probablement de ce que j’ai connu durant mon enfance."

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 18 septembre 2016, mis à jour le 15 septembre 2016

 

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Depuis plus de 20 ans, Benny Chan s'est imposé comme un des réalisateurs incontournables du cinéma hongkongais et chinois en matière d'action. Plus connu pour ses fusillades et autres cascades motorisées à l'américaine, son dernier film, Call of Heroes, fait la part belle aux arts martiaux. Il revient avec nous sur l'ensemble du processus créatif du film.

 

D'où vous est venue l'inspiration pour Call of Heroes ?

BC : Des films d'arts martiaux de la Shaw Brothers. Depuis que je suis tout petit, j'adore ces films, tout spécialement ceux réalisés par Lau Kar Leung. Chaque jour, j'allais au cinéma avec l'espoir qu'il y en aurait un nouveau à l'affiche.

J'ai également eu l'impression que vous faisiez référence aux westerns de John Ford et aux films de samouraïs d'Akira Kurosawa.

BC : C'est vrai. Tout spécialement les films de samouraïs d'Akira Kurosawa. J'adore ses films ! Le personnage de Ma Feng est d'ailleurs très inspiré de Toshiro Mifune. Call of Heroes est un hommage à son ?uvre. 

Pourquoi avoir choisi de situer l'histoire en 1914 ?

BC : Parce que c'est la période la plus chaotique de l'histoire chinoise. De nombreux pays se battaient entre eux à travers le monde et, même en Chine, il y avait une situation de quasi guerre civile. C'était vraiment un changement d'époque pour la nation. Et c'est dans ce type d'environnement très chaotique que des héros sont à même d'apparaitre.

Le personnage de Louis Koo est extrêmement cruel. Pourquoi l'avoir décrit ainsi ?

BC : En tant qu'artiste, il m'arrive de sentir des choses, de suivre mon instinct. Et dans ce cas, j'ai eu le sentiment que Louis Koo avait le potentiel pour interpréter un bon méchant. Je pense qu'il a quelque chose d'assez cruel en lui (rires). Et il était prêt à relever le défi. C'était un gros challenge pour lui parce qu'il a une image très positive auprès du public. Peut-être qu'il en a fait un peu trop? Les réactions du public ont été mitigées. Certains ont aimé son jeu, d'autres ont trouvé qu'il surjouait. Mais je pense que, quand vous jouez des méchants, c'est acceptable que vous en fassiez un peu trop.

Son personnage fait penser à ces jeunes fils d'officiels qui se croient tout permis de par la position de leurs parents.

BC : Oui, c'est de là que vient mon inspiration. Il y a quelques années, ils étaient nombreux à conduire des voitures de luxe et à faire des courses illégales la nuit aux alentours de Pékin. Et quand ils étaient arrêtés par la police, ils répondaient « vous savez qui est mon père ? ». C'est quelque chose que j'ai repris dans Call of Heroes. Je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui. En tout cas, cela n'a pas posé de problème avec la censure parce que le film se situe dans le passé. J'ai utilisé cela comme une inspiration pour le personnage mais cela ne veut pas dire que je cherchais à critiquer la situation actuelle.

Vos films traitent souvent des idées de justice et d'amitié entre hommes.

BC : Toute ma carrière est basée sur l'action. Et il n'y a pas vraiment de femmes à même de se battre en Chine. La dernière d'entre elles a été Michelle Yeoh. Je n'ai donc pas d'autres choix que de me concentrer sur les hommes. Et quand vous devez traiter de relations entre hommes, c'est logique de manier les concepts d'amitié et de fraternité. Mon gout pour la justice vient probablement de ce que j'ai connu durant mon enfance. J'ai grandi dans une famille pauvre. Nous vivions dans des habitations publiques et il y avait beaucoup de crime autour de nous. Cela a éveillé en moi un intérêt certain pour l'idée de justice. Et c'est probablement pour cela que, d'un point de vue cinématographique, j'aime autant les films de John Woo et de Danny Lee.

Quatre autres scénaristes sont crédités à vos côtés. Qu'ont-ils apporté à l'histoire ?

BC : C'étaient des scénaristes débutants, certains étaient tout juste sortis de l'université. L'histoire proprement dite et la structure viennent de moi. Mais j'aime avoir le point de vue de gens plus jeunes. La nouvelle génération n'est pas forcément habituée à ce type de films alors c'était bien pour moi d'avoir leur opinion pour adapter le scénario aux gouts du jeune public.

Pourquoi avez-vous choisi Sammo Hung comme chorégraphe ?

BC : Je suis un grand fan de Sammo. Cela faisait longtemps que je voulais travailler avec lui. Quand j'ai fait le film Shaolin il y a quelques années, j'avais voulu l'engager mais il était trop occupé pour le faire. J'ai eu la chance qu'il soit disponible pour celui-là. C'est le meilleur ! Tout particulièrement quand il s'agit de kung-fu. Samo et Yuen Woo Ping sont les meilleurs en activité. Je ne pouvais pas trouver de chorégraphe avec plus d'expérience qu'eux dans ce domaine. Et Sammo a une passion énorme pour les films. C'est sa vie.

Comment avez-vous collaboré avec lui ?

BC : Nous nous sommes divisés en deux équipes. Il s'occupait de l'action et moi des séquences dramatique. Nous discutions ensemble des aspects dramatiques de la séquence et, après, il avait le contrôle complet de la scène. C'est un des rares chorégraphes qui se préoccupe de cela. Les autres ne pensent qu'en termes d'action. Mais lui, une fois qu'il a compris les tenants et les aboutissants dramatiques de la scène, il peut tout gérer lui-même. Après tout, il a encore plus d'expérience que moi ! J'ai travaillé avec Jackie Chan auparavant et ils ont un peu le même style. C'est juste que Jackie est plus comique alors que Sammo met davantage l'accent sur la puissance. Ils ont tous les deux la même passion pour le genre en tout cas.

Certaines séquences d'action sont particulièrement élaborées. Les avez-vous conçues au moment de l'écriture du scénario ou sur place ?

BC : L'idée du combat sur le pont est venue sur place. C'est une sorte de lieu emblématique de la région. Nous sommes donc allés voir sur place avec Sammo et il a commencé à réfléchir à ce qu'il pouvait y faire. Ca a d'ailleurs été la première scène que nous avons tournée. Mais, après une journée de travail, il s'est dit que ça n'allait pas parce que les personnages pouvaient tout simplement se jeter à l'eau et s'enfuir. Alors, il a eu l'idée de ces grilles autour du pont pour les obliger à combattre. Elles étaient si lourdes qu'absolument toute l'équipe a du participer pour tirer les câbles destinés à les faire sortir de l'eau !

Vous êtes célèbre pour vos films d'action modernes et urbains. Est-ce que faire des films d'arts martiaux situés dans le passé représente un plus grand challenge pour vous ?

BC : Non, pas vraiment. Depuis mes débuts à la télévision, j'ai appris comment tourner des scènes de kung-fu. La difficulté tient essentiellement à la compétition avec Hollywood. Et la seule chose qui nous permet de tenir la dragée haute face à eux, c'est l'argent. Si vous avez un gros budget à votre disposition alors vous pouvez en proposer plus au public. Et c'est grâce à la taille du marché chinois que nous pouvons le faire. Il y a plus de 20 ans, Tsui Hark avait produit un film pour moi [NDLR : The Magic Crane]. Et il voulait que j'utilise plein d'effets spéciaux. Mais, à cette époque, nous ne pouvions pas. Nous n'avions pas l'argent ni le savoir-faire. Aujourd'hui, on peut le faire.

Mais vous devez forcément faire des films d'époque. Cela n'est pas possible de faire des films d'action contemporains comme vous en faisiez auparavant.

BC : Oui, c'est quasiment impossible parce que vous ne pouvez pas montrer la police sous un jour défavorable. Mais je ne peux rien faire à ce niveau. Les choses évoluent en Chine mais à un rythme extrêmement lent. Tout ce que je peux faire, c'est attendre que la porte s'entrouvre suffisamment pour m'y engouffrer.

Arnaud Lanuque (www.lepetitjournal.com/hong-kong) lundi 19 septembre 2016

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