Édition internationale

Le Vietnam peut-il s’imposer dans l’IA ?

A l’occasion du Sommet sur l’IA qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février, on revient sur cet évènement historique, et sur les opportunités de développement des secteurs de l’IA au Vietnam. Le pays veut devenir un acteur moteur de l’expansion de l’IA dans la région Asie du Sud Est d’ici 2050, à travers une stratégie d’innovation et de formation de talents.

Le Vietnam peut-il s’imposer dans l’IA ?Le Vietnam peut-il s’imposer dans l’IA ?
Écrit par Joséphine Chaboche
Publié le 13 février 2025

Les yeux du monde sont tournés vers Paris, capitale mondiale de l’Intelligence Artificielle les 10 et 11 février, où s’est tenu le Sommet pour l’action sur l’IA. Co-présidé par la France et l’Inde, ce Sommet a été l’occasion de rassembler une multitude d’acteurs concernés par les enjeux et l’avenir de l’IA.

 

Un sommet historique rassemblant des acteurs clés

Les discussions ont réuni une centaine de pays représentés par des chefs d’Etat, de nombreux dirigeants d’organisations internationales, des experts scientifiques et universitaires, des chercheurs, les chefs de petites et grandes entreprises, rejoints par des membres de la société civile du monde entier.

Parmi les invités présents, se trouvaient les vice-présidents américain et chinois, la présidente de la Commission Européenne Ursula Von Der Leyen, ainsi que Sam Altman, le patron d’Open AI connu pour son célèbre « Chat GPT » et Young Venfeng, le fondateur de son concurrent chinois « DeepSeek ».  

Ce Sommet a permis de réaffirmer le rôle du multilatéralisme et de la coopération internationale, à travers l’établissement d’un savoir collectif, pour relever des défis communs, à l’heure où certaines grandes puissances tentent de s’en écarter.

 

Sommet sur l'IA en France
Sommet sur l'IA en France - source ministère de l’Europe et des affaires étrangères

 

Entre compétition et collaboration stratégique pour l’IA

Pour Julien Nocetti, chercheur au Centre géopolitique technologique de l’IFRI, l’Institut Français des Relations Internationales, ce Sommet représente avant tout un « enjeu de récit » où « les mots comptent » sur la scène internationale. Les pays tentent d’y définir une feuille de route autour de cinq axes stratégiques de la programmation comme l’avenir du travail, la gouvernance mondiale ou encore l’IA au service de l’intérêt public. L’enjeu est de pouvoir exploiter le potentiel que peut offrir l’IA à travers l’établissement de fondements scientifiques communs et d’orienter le progrès, pour maîtriser cette ressource à l’origine d’une nouvelle Révolution technologique.

Cet événement historique symbolise une acceptation internationale des changements à venir, où il est essentiel de réfléchir aux orientations des investissements massifs dans des domaines stratégiques.

L’IA est pourtant au cœur d’une compétition mondiale pour la puissance technologique. Elle nécessite des ressources très convoitées comme les semi-conducteurs, les données, des talents et puissances de calcul, qui sont souvent regroupées entre les mains de quelques grands. C’est pourquoi, « l’IA est devenue l’épine dorsale de la compétition stratégique » selon le chercheur J. Nocetti, et plus précisément de la compétition sino-américaine.

L’exemple le plus frappant est la compétition naissante entre ChatGPT et DeepSeek, une plateforme chinoise lancée le 20 janvier dernier qui se veut moins coûteuse et moins énergivore que son concurrent américain.

 

Emmanuel Macron et l'intelligence artificielle
Source Le Monde


Pour autant, derrière cette compétition sino-américaine pour la supériorité technologique et la maîtrise de l’IA, d’autres puissances comme l’Inde ou l’Union Européenne veulent rester dans le jeu à travers un volet collaboratif entre divers acteurs pour lancer de nouvelles fabriques à IA à travers des investissements massifs.

 

Le Vietnam : une destination clé pour le développement de l’IA en 2025

Dans ce contexte de transformation et de discussions internationales, le Vietnam avance peu à peu dans sa stratégie de développement des secteurs liés à l’IA.  

Bien qu’il ne soit pas encore leader dans la région Asie du Sud-Est, largement dominée par des pays comme la Malaisie ou Singapour qui investissent massivement, le pays a la capacité et le potentiel de peser dans la région de l’ASEAN.

Avec ses trois pôles centraux de l’IA que sont Hanoi, Ho Chi Minh-Ville et DaNang, des ressources et une situation stratégique dans la région, le Vietnam se présente à la fois comme un partenaire clé des chaînes d’approvisionnement de l’IA et comme un pôle d’innovation en plein essor. L’expansion récente du groupe NVIDIA est un bon exemple.  

 

Tout miser sur les semi-conducteurs ?

Le Vietnam tente d’occuper une place centrale dans le développement des semi-conducteurs, une ressource stratégique très convoitée pour le développement de l’IA. Sa première stratégie pour développer l’industrie des semi-conducteurs d’ici 2050 a été lancée en 2024, prévoyant de maîtriser la R&D et d’attirer une centaine d’entreprises spécialisées dans ce domaine. L’objectif pour le pays est de jouer un rôle crucial dans le système de chaîne d’approvisionnement de l’IA.


 

Futur du Vietnam : semi conducteurs et intelligence artificielle

 

Pour autant, même si le Vietnam reste actif en soutenant l’innovation et en mettant en place institutions et cadre juridique, sa stratégie de développement fait face à quelques défis. Le pays est en retard dans l’élaboration d’infrastructures et de soutiens financiers, et son industrie locale reste dominée par des investissements étrangers.

 

Former des « talents »

Pour ce faire, le Vietnam mise sur une coopération renforcée entre Etat, universités et entreprises, permettant de former de nouveaux « talents », les travailleurs hautement qualifiés, dont les secteurs de l’IA et des semi-conducteurs ont besoin.
Selon les chiffres du Ministère de l’éducation et de la formation, le pays forme chaque année 50 000 diplômés en informatique et en ingénierie, un domaine dans lequel les Vietnamiens excellent selon Jensen Huang, PDG du groupe NVIDIA. Le Vietnam est le « deuxième plus grand fournisseur d’ingénieurs en logiciel au monde – un fait que peu de gens connaissent. Avec ce potentiel, […] le Vietnam est un endroit idéal pour que NVIDIA développe des centres de R&D et construise un écosystème d’IA solide ici. » a rapporté le PDG.

A travers cette production de talent, le gouvernement vietnamien fortifie sa stratégie de développement de l’IA et ambitionne en 2025 de passer d’une économie basée sur une production à faible valeur ajoutée à une production à forte valeur ajoutée, grâce à l’innovation.

 

Quels secteurs pionniers ?

Avec une économie largement axée sur l’agriculture, l’IA représente une opportunité importante pour le Vietnam dans le développement de systèmes agroalimentaires et durables. La revue Science Direct, dans une enquête publiée le 20 janvier 2024, écrivait que le Vietnam « doit concentrer ses investissements sur les technologies émergentes pour la décarbonisation, […] les objectifs de zéro émission nette et la production […] ». Le Vietnam dispose en effet d’un avantage comparatif dans ces domaines puisque environ 40% de sa superficie est utilisée pour la production agricole.

Autre secteur d’avenir, le Vietnam attire de nombreuses entreprises technologiques axées sur l’informatique et l’IA, les télécommunications et l’information comme le géant américain NVIDIA, Samsung, ou plus localement Viettel Group et FPT Corporation. Ces entreprises sont pionnières dans l’intégration de l’IA dans leurs services.

A plus long terme, l’objectif sera d’étendre l’IA à des secteurs publics comme la santé ou la sécurité, à travers le développement d’applications.

Sujets du moment

Flash infos