Édition internationale

SLOW FASHION MALGRÉ MOI – Comment le Vietnam permet de changer nos mauvaises habitudes

Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 mai 2016

Même après la fin de la semaine Fashion Revolution, lepetitjournal.com Ho Chi Minh Ville revient sur le phénomène de fast et slow fashion avec le témoignage d'Alice qui nous raconte comment le Vietnam lui a permis de changer ses habitudes dans sa garde-robe.

J'ai toujours aimé faire les magasins. Déjà toute petite, je parcourais avec plaisir les allées des boutiques. J'adorais toucher les vêtements, essayer de nouvelles tenues, changer tous les jours d'accessoires. J'ai même décidé d'y consacrer mes études !

Après mon école, je suis partie travailler dans la grande capitale de la mode : Paris. A moi les ventes privées, les soldes et les belles enseignes dans les grands magasins ! Faire 3h de queue pour des fins de séries des marques (tendances) parisiennes, ça ne me faisait pas peur. Mon armoire était pleine à craquer de pièces de chez Sandro, Kooples, Bash, Zara, et j'adorais ça ! Je n'en portais peut-être que 30% régulièrement, et j'en donnais/revendais sûrement la moitié chaque année pour faire de la place dans mon dressing, mais quelle collection ! J'étais dingue de mode, je me sentais à la pointe, je connaissais toutes les tendances. J'avais trouvé mon style, bien accessoirisé, qui faisait de moi une fashionista assumée et parée à toute sortie même la plus branchée.

Et puis, un jour, j'ai eu envie de partir à l'aventure. Avec un background dans l'industrie textile, je suis me suis naturellement dirigée vers le Vietnam où la production textile est très présente. Mais une fois atterrie à Saigon, le boulot commencé et les valises défaites, la question s'est posée : où sont donc les magasins ? Comment ça, pas de Zara ? Même pas de H&M ? Saigon Square ? Pour acheter de la copie de mauvaise qualité, non merci ! Et puis les tailles vietnamiennes ne correspondent pas à mon 38 bien européen. Pourquoi ne pas faire appel à un tailleur ? Il y en a de très bons et abordables à Saigon. Mais c'est long, et je crains de ne pas être capable de lui expliquer ce que je veux?

Bref, après 3 ans à Saigon, je n'avais toujours pas trouvé où assouvir ma passion du shopping. Passés les premiers mois de frustration à baver avec envie devant mes blogs préférés, je me suis rendu compte que j'avais progressivement arrêté d'acheter des vêtements et que, finalement, je ne m'en portais pas plus mal.

J'avais plus de place, plus de temps pour mes amis et je m'étais même trouvé d'autres occupations bien plus productives. J'ai aussi compris que je n'étais pas la seule à avoir délaissé les magasins. Le mouvement était même en train de prendre de l'ampleur sous le nom de slow-fashion.

Slow-fashion, quezako ? « Le slow ware ou slow fashion désigne des collections de vêtements conçus pour allier mode, qualité et possibilité de conservation par l'acheteur, au minimum d'une saison sur l'autre ». Comme le fast-food, la fast-fashion se vend sur la rapidité et la quantité, mais aussi la mauvaise qualité : acheter souvent et beaucoup, des vêtements qui ne résisteront pas dans le temps, mais qui seront vite remplacés.

Aujourd'hui, de plus en plus de start-up misent sur la «?slow fashion?». Elles mettent en avant des concepts de consommation durable, et de transparence pour attirer de jeunes consommateurs soucieux de l'impact social et environnemental de leurs achats. Beaucoup de ces start-up inspirent déjà les grands groupes en créant des vêtements qui encouragent à réfléchir avant d'acheter : investir dans des pièces classiques, vérifier l'origine des produits, lire les étiquettes. Ce qu'ils ont compris, c'est que nous avons tous envie d'une garde-robe de vêtements intemporels, que nous adorons et que nous pourrons porter le plus longtemps possible.

Adieu le « je n'ai rien à me mettre » ! Aujourd'hui, moi aussi je réfléchis à ce que je porte, à ce que j'achète et comment mes habits ont été faits. Mon travail m'a placée à la source de production. J'ai vu tout ce par quoi est passé votre tee-shirt et je peux vous dire que c'est loin d'être toujours respectueux du consommateur, du fabriquant, et de l'environnement...

Je me suis également rendu compte à quel point nous sommes manipulé par les stratégies marketing des grands groupes, qui nous poussent à toujours consommer plus. Des collections flash, des éditions limitées, des soldes ponctuelles... tout est permis pour inciter les modeuses à ouvrir leur porte-monnaie. Le résultat ? Une mode rapide, accessible, mais vidée de son sens et coupée de ses origines.

Aujourd'hui, ma garde-robe a changé et c'est grâce au Vietnam. J'ai gardé de bons basiques. Je me fais parfois faire des vêtements par mes tailleurs préférés avec des tissus de qualité choisis par mes soins et vous savez quoi ? Je me sens beaucoup mieux, plus légère, sans parler de mon compte en banque. Evidemment le goût de la chasse à la pièce exceptionnelle ne m'a pas quittée, mais je réserve ces achats « coup de c?ur » à des produits sûrs. Un pantalon chino de couleur navy, un TS blanc, une chemise blanche, bon short en jean, un jean, une petite robe noire en jersey, le tout bien coupé, et le tour est joué sans renier mon style.

C'est vrai que lors de mes retours en France, je passe toujours par les magasins de fast-fashion. J'en fais tout le tour, inspectant les finitions, les tissus, les coupes et les étiquettes. Cela m'arrive même parfois d'acheter une pièce ou deux. C'est devenu très rare.

Ma nouvelle façon d'acheter et porter mes vêtements, je dois avouer que je ne l'ai pas fait exprès. C'est un concours de circonstances, d'expériences. Mais c'est aussi une redécouverte : en découvrant d'où ils venaient, j'ai retrouvé le coté fonctionnel de mes habits et le vrai plaisir d'un bon achat.

 

 

Pour rappel, le 14 mai sera diffusé le documentaire « The True Cost » suivi d'une conférence avec Florence Bacin co-fondatrice de Linda Mai Phung et Alice Lehoux de la marque Léo Part à Hoa Sen, campus principal district 1. Venez leur poser toutes vos questions !

 

Alice & Pauline Lehoux (lepetitjournal.com/Hochiminhville) 3 Mai 2016

Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 2 mai 2016, mis à jour le 8 mai 2016
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Sujets du moment

Flash infos