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Caroline-Mary Franssen, "l'Allemagne est devenue ma patrie d'élection"

Caroline Marie Franssen - CopieCaroline Marie Franssen - Copie
(© CG, lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim)
Écrit par Lepetitjournal Heidelberg Mannheim
Publié le 19 août 2017, mis à jour le 2 janvier 2020

Elle s'était fait la promesse d'habiter un jour à Heidelberg. Installée depuis maintenant presque trente ans en Allemagne, Caroline-Mary Franssen partage désormais quotidiennement son amour pour son pays d'origine. 

Un sourire omniprésent, un dynamisme contagieux et une soif de transmettre la culture française en Allemagne, telle est Caroline. Professeur de français à l'université de Mannheim, elle a aujourd'hui passé plus de temps en Allemagne qu'en France. À travers son métier, elle s'attache à faire partager les différents aspects de la culture française auprès de ses étudiants. Entre souvenirs estudiantins et anecdotes de la vie quotidienne, rencontre avec Caroline à la terrasse d'un café de Mannheim, à deux pas de la gare. 


Lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim : pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amenée en Allemagne ? 

Caroline-Mary Franssen : à l'âge de 17 ans j'avais un cousin qui étudiait à Heidelberg et qui m'avait invitée à passer le week-end avec lui et ses amis. Comme je viens d'un village d'Alsace, c'était juste à côté. On a fait la fête, j'ai passé un super moment et dans le train du retour c'était évident que je voulais revenir en Allemagne. Et tout de suite après le bac, j'ai eu l'occasion de partir à Heidelberg pour faire mes études en vue d'obtenir une maîtrise d'allemand et de sciences du langage. Après, j'ai eu l'occasion de passer un an en Nouvelle Ecosse au Canada, j'ai hésité à y rester mais au final je suis rentrée faire mon doctorat en Allemagne sous forme de cotutelle entre l'université d'Heidelberg et Paris 4, la Sorbonne, en France. 


Quelles sont vos activités aujourd'hui ?

Dès la fin de mon doctorat, un poste de chargée de cours s'est libéré à l'université de Mannheim. Cela a duré un an, puis je suis passée professeur de français en CDI. J'ai toujours eu beaucoup de chance dans mon parcours, et là, pouvoir enseigner dans un château c'était superbe. Pour la petite histoire, le château de Mannheim a une fenêtre de plus que Versailles. 

Je suis aussi professeur de yoga à Heidelberg, avec des cours pour tous niveaux que j'anime depuis près de neuf ans. Je suis également formée dans le domaine de l'interculturel et cet été je termine ma formation de coach interculturel. Par ailleurs, j'aime m´engager dans la vie associative et j'organise beaucoup de manifestations culturelles (lectures, concert-ciné, conférences...) pour le cercle franco-allemand Rhin-Neckar, dont je suis la vice-présidente.


Vous organisez des événements pour vos étudiants pour les sensibiliser à la culture française ? 

Oui j'essaye d'inviter des personnalités diverses. Que ce soit des hommes politiques, comme l'ex député français de notre circonscription, un réalisateur de films, un élu de banlieue parisienne, un pâtissier français, une traductrice, un journaliste ivoirien... Le but est d'avoir un échange et de découvrir différentes expériences. 

J'organise également depuis presque quinze ans des voyages d'études sur le thème d'échanges franco-allemands. Par exemple en 2016, nous étions à Verdun pour les cent ans de la bataille. Il me semblait très important de commémorer ce souvenir, de bâtir un pont entre cette génération détruite des poilus et mes étudiants, ces jeunes d'aujourd'hui. Aussi pour ne pas oublier et prendre conscience que nous avons une mémoire collective franco-allemande. En plus d'une trentaine d'étudiants, une délégation de la ville de Mannheim nous avait accompagnés. Nous en sommes tous revenus transformés. Et enfin, nous allons chaque année à Paris, à Strasbourg, en Provence et avions été à Marseille en 2013, alors capitale européenne de la culture.


Et beaucoup de vos étudiants partent ensuite en France pour un échange universitaire ou autres ?

Oui, beaucoup. Une bonne partie va à Toulon car c'est la ville jumelée avec Mannheim, mais aussi à Nice ou à Paris. Certains vont également au Canada et je ne les freine pas car c'est un espace francophone et qu'il n'y a évidemment pas que la France comme perspective.

Et pour tout cela, on prépare nos étudiants à pouvoir discuter avec leurs homologues français. Une grande partie de nos supports en cours sont donc des journaux généralistes français afin qu'ils s'habituent à débattre et échanger en français, et sur l'actualité française. On fait des revues de presse, je leur demande de donner leur avis sur certains sujets, je ne travaille pas avec des manuels car j'ai envie que ce soit le plus authentique possible. Par ailleurs, les étudiants ont en général un bon niveau et sont ravis d'apprendre autant sur la France et la francophonie.


Quelles sont les débouchés envisagés par vos étudiants ?

La plupart se destinent à être professeurs de français. D'autres font français des affaires, donc ils visent des entreprises francophones notamment. 

Pour en revenir à votre histoire personnelle en Allemagne, est-ce que vous vous imaginez vivre dans une autre ville qu'Heidelberg, ou cette région est la meilleure selon vous ? 

Oui je pense que je pourrais vivre ailleurs. Au cours de mes études j'ai beaucoup voyagé aux quatre coins de l'Allemagne, j'étais notamment à Berlin juste après la chute du Mur. Et je garde aussi contact avec mes anciens étudiants qui sont professeurs de français un peu partout en Allemagne. Une ville comme Hambourg, je pourrais y vivre, ou même Munich ou Düsseldorf me plaisent beaucoup.

Après, il y a un lien très fort avec Heidelberg, c'est aussi dans cette belle petite ville romantique que j'ai rencontré mon mari Jürgen, il y a presque vingt ans. Et j'apprécie la proximité avec Strasbourg et même Paris. 


Après toutes ces années en Allemagne, est-ce qu'il y a encore des choses qui vous surprennent dans la culture allemande ? 

Le côté culinaire surtout. Par exemple quand on reçoit des invités, un repas va être organisé de manière différente. En France, si on prend un apéritif avant de passer à table, on va également grignoter un peu. Ici, on échange juste un verre de bière ou de crémant, et ensuite on passe à table, on ne veut pas manger avant d'attaquer le plat principal. Ou même pour le dessert, on va plus prendre un petit café vers 15-16 h avec une part de gâteau plutôt qu'au cours du déjeuner.

Au niveau des rapports humains aussi, il y a peut-être moins de proximité et plus de distance qu'en France. Parfois quand je fais mon footing, je dis bonjour de manière spontanée et ça peut surprendre les gens. Mais c'est aussi particulier à la région. Par exemple, quand on va à Hambourg, les personnes vont très vite vous tutoyer et s'arrêter facilement pour vous indiquer votre chemin. Ici, dans le sud de l'Allemagne les rapports sont peut-être plus distants au premier abord, toutefois ils deviendront très chaleureux par la suite. Enfin, c'est un ressenti personnel. 


Et la ponctualité allemande, vous qui avez plus vécu en Allemagne qu'en France, vous confirmez que ce n'est pas un cliché ? 

Non pas du tout. J'en ai discuté notamment avec mes étudiants en leur demandant qu'elle était leur tolérance en matière d'horaires. Beaucoup m'ont dit que c'était dix minutes de retard, ils prennent ça très à cœur et se vexent très vite. Ils y voient souvent un manque de respect. Un peu comme quand vous leur coupez la parole. Souvent en France, on interrompt facilement les gens, pas par impolitesse mais parce qu'on anticipe et on s'intéresse tellement à la conversation qu'on devine presque ce que l'autre va dire. C'est en Allemagne que j'ai appris à mieux écouter l'autre. C'est d'ailleurs en allemand qu'il y a deux termes pour exprimer le fait qu'on est à l'écoute de l'autre "zuhören" et "hinhören". Mais à l'inverse, quand les étudiants vont en Espagne ou en France, où l'on est plus flexibles sur les horaires, même si cela leur fait bizarre, ils ne diront rien, ils vont le respecter car c'est à l'étranger. 


La France vous manque-t-elle, est-ce qu'à l'avenir vous pensez y retourner ?

Je me sens européenne. J'adore l'Espagne et la Grèce également, en fait la plupart des pays européens et aussi le Sri Lanka où je séjourne régulièrement, surtout pour le yoga et l'ayurveda. Mais grâce à mon travail, à mon engagement, la France ne me manque pas car je la vis au quotidien. Après, quand je suis en France pour les vacances notamment, je m'y sens très bien et j'aime retrouver ce côté chaleureux l'espace de plusieurs jours. Et puis, la proximité géographique avec la France facilite aussi beaucoup les choses. L'Allemagne est devenue « ma patrie d'élection » - petit clin d'œil à Goethe.


C.G (www.lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim), lundi 21 août 2017

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Publié le 19 août 2017, mis à jour le 2 janvier 2020

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