Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

L’ALLEMAGNE EN FRANCE – Oliver Augst a trouvé l’inspiration à Paris

Écrit par Lepetitjournal Heidelberg Mannheim
Publié le 5 septembre 2017, mis à jour le 6 septembre 2017

Oliver Augst est un compositeur, chanteur, metteur en scène et producteur allemand. Il a travaillé pendant deux ans à Paris avant de revenir habiter en Allemagne à Ludwigshafen. Là-bas, il dit avoir trouvé l'inspiration. Le 7 septembre, il présente Kurt Weill chasse Fantômas à l'Institut Goethe de Paris, un spectacle musical qui sera ensuite joué à Francfort en février.

(Photo A. Sorexhe)

Oliver Augst, Allemand originaire de la région de Bonn, s'est installé à Paris en 2015. Après avoir travaillé à Francfort dans le milieu artistique, il a travaillé au Théâtre National de Mannheim de 2011 à 2014. Marié à une Française, il est revenu dans la région Rhin-Neckar mi-août 2017 mais envisage déjà de repartir à Paris un jour. Lepetitjournal/heidelberg-mannheim a pu le rencontrer pour parler avec lui de son expérience et de son travail en France et plus particulièrement de sa pièce "Kurt Weill chasse Fantômas", qui sera jouée à Paris puis à Francfort.

Lepetitjournal/heidelberg-mannheim : vous êtes un artiste polyvalent, qu'est-ce qui vous a mené à cela ?

Oliver Augst : j'ai toujours évolué à la fois dans la musique et dans les arts visuels. C'est ce genre de combinaisons qui m'intéressent. Et il n'y a pas que cela. Il y a la littérature, les films?
J'ai apporté quelques citations, je pense que celle-ci convient bien. Elle est de Hanns Eisler, un compositeur autrichien que j'aime beaucoup. Il n'a pas seulement écrit l'hymne national de la République démocratique allemande, il a aussi collaboré avec Bertolt Brecht. Il a dit : « La personne qui ne comprend que la musique ne comprend rien. »*

Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler sur les pas de Kurt Weill ?

Kurt Weill n'est pas nouveau sur ma liste. Hanns Eisler et Kurt Weill ont composé pour Brecht, je suis très attiré par cette période de l'Allemagne. Quand Weill a dû quitter l'Allemagne en 1933, il est allé à Paris où il est resté 2 ans puis il s'est rendu aux États-Unis pour devenir ce fameux compositeur pour Broadway. Aujourd'hui tout le monde le connaît comme tel. Mais il a joué un rôle plus politique. Que s'est il passé entre temps ? Il était à Paris, et bien sûr beaucoup de choses se sont passées pendant cette période. Il n'est pas possible de raconter toute l'histoire en une pièce musicale, mais c'est ce sur quoi j'ai voulu me focaliser, j'évoque les chansons qu'il a écrites à Paris, les échanges qu'il a eues avec des poètes français... Sa musique a changé avec la langue aussi.
Kurt Weill était dans un entre-deux : entre une attitude politique et de divertissement. Cet entre-deux, c'est quelque chose que je ressens très souvent.

(Photo VK lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim)

Que s'est-il passé à Paris alors ?

C'est simple, Kurt Weill a vendu son âme à Fantômas. Ce que peu de personnes savent, c'est que lorsqu'il est arrivé en France, Kurt Weill a écrit La Grande Complainte de Fantômas pour Radio France. Cette musique a été jouée, retransmise, mais il n'y en a plus aucune trace. Il y a seulement un remake des années 60 par Léo Ferré. Il n'y a même plus les partitions. Donc j'ai dû complètement réécrire La Complainte de Fantômas. C'est très long, elle comprend 80 vers.

Comment fonctionne votre spectacle radiophonique Kurt Weill chasse Fantômas ?

Il y a trois musiciens sur scène qui jouent en direct, c'est une pièce musicale. Pas de costumes, pas de lumières.
En parallèle du live, nous faisons des enregistrements pendant deux jours à la maison de la Radio, puis je les mixerai pour qu'ils soient diffusés à la radio au début de l'année 2018. Je travaille avec France Culture et Radio RBB à Berlin. Ce sera différent de la pièce que vous pourrez voir sur scène à Paris ou à Francfort car ce sont deux médias différents.

Vous avez vécu en France pendant 2 ans, est-ce que votre vision du monde de l'art a changé depuis ?

Je dirais que oui, mais ce n'est pas particulièrement lié à une région ou à la France. C'est ce qui arrive tout le temps lorsque l'on déménage. Mais cela a été très fort à Paris.

Qu'est-ce qui vous a fait revenir ici ?

C'est une question de survie. La vie à Paris était très belle mais aussi très chère. Ma femme travaillait dans le commerce de l'art à Paris, dans le privé. C'était tellement affreux qu'elle a démissionné parce que tout tournait seulement autour de l'argent, pas autour de l'art. Elle a eu une opportunité de travail pour occuper le poste de commissaire d'exposition au musée Wilhelm-Hack de Ludwigshafen, donc nous sommes revenus en Allemagne.

Est-ce que le travail dans le monde artistique à Paris était différent ?

Ce n'était pas différent ni difficile parce qu'avant d'arriver à Paris, tous mes collègues m'avaient prévenu « Ne t'attends à rien, ils ne te donneront rien. Ne t'attends pas à ce qu'on t'ouvre les portes. » Donc je suis allé là-bas, j'étais dans mon studio, je faisais mon travail. Je ne m'attendais à rien, et parfois, c'est bien connu, c'est la meilleure attitude à adopter. C'est quand on n'attend rien que parfois tellement de choses merveilleuses nous arrivent. Je suis vraiment content et fier d'avoir accompli pas mal de choses à Paris en si peu de temps.

De ces deux années en France, de quoi êtes-vous le plus fier ?

De Chante France. Plus particulièrement parce que je chante des chansons françaises. Quand je suis arrivé en France j'ai fondé un groupe, appelé Chante France, avec trois musiciens. Je chante, Alexandre Bellenger est au tourne-disques et Sven-Åke Johansson à la batterie. Nous travaillons des « Schlager françaises », des chansons populaires. C'est de la musique expérimentale basée sur des titres très connus comme Voyage-Voyage par exemple.

(Photo Tobi Müller)

Est-ce que c'est dur pour vous de chanter des chansons françaises ?

Pas musicalement. Mais au niveau de la langue, de l'attitude, oui. Et puis j'essayais de jouer avec cela. Il fallait que je me comporte comme si j'étais capable de parler français.

Est-ce que cela vous donne une attitude différente sur scène ?

Complètement. Pour moi c'était marrant aussi. Je suis sûr que les gens comprenaient qu'il y avait cet Allemand en train de jouer avec ses chansons* françaises. Pour moi c'est toujours un mélange entre être sincèrement touché par la musique et en rire.
Nous avons participé à Sonic Protest en mars 2017, un festival de musique expérimentale un peu underground à Paris. Les concerts avaient lieu dans l'église de Saint-Merry, près du centre Pompidou.

L'acoustique devait être très intéressante.

Elle l'était. Ou horrible. (rire) Mais c'était une première fantastique pour ce projet.
Pour moi, la France ce n'est pas terminé. C'est juste que je ne vis plus là-bas. Quand les gens me demandent « Pourquoi Ludwishafen ? », je leur réponds que c'est une gare. C'est seulement à environ 3 h de Paris et c'est proche de la campagne.

Est-ce que vous comptez retourner en France ?

J'en suis sûr. J'ai trouvé quelque chose là-bas, d'un peu vieillot. L'inspiration. C'est vraiment quelque chose que je ne pouvais pas imaginer exister, qui rend les choses plus grandes. Et là on se dit « Ok, c'est une réalité pure et complète, vis avec. »
Je retourne à Paris aussi pour les répétitions générales du spectacle "Kurt Weill chasse Fantômas" et une semaine après le spectacle j'ai un autre concert à Paris aussi, qui est un vernissage très spécial pour moi car c'est ma femme qui l'organise. Ce sont des artistes allemands et parisiens qui exposent et m'ont demandé de chanter des chansons de Voyage d'hiver de Schubert. Il y a aussi d'autres choses qui continuent en France, comme mes projets avec Chante France par exemple.

Pourquoi avoir décidé d'aller à Paris en premier lieu ?

Il y a plusieurs raisons. Premièrement, et c'est sûrement le plus important, je me vois, dans le concept de qui je suis, aller quelque part. Peut-être que dans quelques années je vivrais à Pékin, ou à Moscou.
Aussi, j'ai une fille qui vivait avec sa mère, mon ex-épouse. Nous avions décidé qu'elle vivrait dorénavant avec moi, j'ai donc d'abord déménagé à Francfort et vécu un certain temps là-bas avec ma fille. Après cette période, je me suis dit que c'était maintenant où jamais. Ma nouvelle épouse est Française et a eu une offre de poste à Paris. Mais ce n'est pas parce qu'elle a eu ce travail que nous sommes partis. Nous étions sur le point de partir et puis l'opportunité s'est présentée.

Qu'est-ce que vous avez aimé ou moins aimé dans la manière de vivre française ?

Je fais du vélo et j'ai un chien. À Paris, les Français acceptaient ou admiraient presque quelqu'un qui fait du vélo avec son chien. C'est l'inverse en Allemagne, les gens me demandent ce que je fais avec mon chien, me disent que ce n'est pas bon pour lui de me suivre. À Paris, les gens me souriaient, me saluaient de la main.
Mais en tant que cycliste à Paris, j'ai aussi découvert de nombreux travers chez les Parisiens. Je les trouve très égoïstes. La façon dont ils nous dépassent, c'est parfois très dangereux. C'est souvent comme ça, il y a du positif et du négatif dans chaque culture, les deux forment un équilibre. Mais je veux retourner à Paris. J'aime vraiment les Français.

*en français dans la conversation

Interview réalisée par Maëva Gros (www.lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim), mercredi 6 septembre 2017

Spectacle Kurt Weill chasse Fantômas

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter
Suivez-nous sur facebook
Suivez-nous sur twitter 



lepetitjournal.com Heidelberg Mannheim
Publié le 5 septembre 2017, mis à jour le 6 septembre 2017

Flash infos