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BILD - 60 ans de scandales et de controverses

Écrit par Lepetitjournal Hambourg
Publié le 11 juillet 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

 



Le quotidien le plus populaire et le plus lu d'Allemagne fête cette année ses 60 ans d'existence. Retour sur le parcours d'un journal irrévérencieux qui ne cesse de défrayer la chronique

Populaire et populiste, BILD n'a pas fini de faire parler de lui. A l'occasion de son soixantième anniversaire, le 25 juin dernier, le quotidien s'est payé le luxe de s'inviter dans presque toutes les boîtes aux lettres. Il a été envoyé gratuitement à près de 41 millions de foyers allemands. Un formidable coup de pub fidèle à l'image tapageuse du quotidien.

Le cadeau n'a pourtant pas été du goût de tout le monde. Car si bon nombre de citoyens ont sans doute été ravis de découvrir BILD en allant chercher leur courrier le matin du 25 juin, d'autres avaient pris leurs dispositions afin d'éviter cela. On pouvait ainsi lire sur quelques boîtes aux lettres: "Keine BILD-Zeitung in meinem Briefkasten" (pas de BILD dans ma boîte aux lettres). Un collectif appelé "Tous contre BILD" s'est également constitué pour protester contre l'initiative du quotidien.

Tous contre BILD ? Pas si sûr. Car bien que farouchement décrié par ses confrères de la presse écrite, le journal se porte bien. Avec un tirage quotidien d'environ trois millions d'exemplaires, le fleuron du puissant groupe de presse Axel Springer se classe premier d'Allemagne et d'Europe. Il emploie un millier de journalistes et se décline en 33 éditions régionales et locales. Chaque matin, au réveil, dans le métro ou au bureau, près de 12 millions d'Allemands le lisent. Le quotidien, vendu presque exclusivement en kiosque, est aussi l'un des moins chers. A 0,70 cts l'exemplaire, difficile de trouver mieux.

Un journal de masse né sous la Guerre froide
BILD est né le 25 juin 1952 sous l'impulsion de l'éditeur Axel Springer. A l'origine, il s'agissait de faire de lui une alternative écrite à la télévision : beaucoup d'images et peu de textes. En misant sur l'aspect sensationnel, BILD a rapidement su trouver son public. La première édition, inspirée des tabloïds anglais qu'Axel Springer avait connus à Hambourg lors de l'occupation anglaise, est  gratuite et imprimée à 455.000 exemplaires et comporte seulement 4 pages de gros titres et de photos. Le quotidien, qui se destine aux petites gens, est vendu 10 pfennigs et connaît un succès fulgurant. Il n'hésite pas à prendre position en mobilisant par ses titres choc l'opinion publique. Résolument anti-communiste sous la Guerre froide, BILD est un fervent partisan de la réunification allemande.

Avec des articles courts, des photos accrocheuses et un contenu léger, BILD se veut accessible à tous. Connu pour ses cabales menées contre certaines stars ou personnalités politiques, ses coups d'éclat et ses photos de stars dénudées en première page, le tabloïd entend pourtant bien rivaliser avec les grands quotidiens nationaux allemands. En mai dernier, deux journalistes du BILD se sont vus décernés le prix Henri Nannen. Une distinction qui n'a pas manqué de faire des remous au sein du paysage médiatique allemand. Contestant la décision, trois journalistes de la Süddeutsche Zeitung ont refusé de partager le prix estimant que des rédacteurs du BILD ne pouvaient en aucun cas être récompensés pour leur travail journalistique.

Cabales et coups d'éclats
En cause : des méthodes d'investigation jugées immorales. BILD fait et défait les carrières a-t-on coutume de dire. Un constat confirmé récemment par l'affaire Wulff. Après plusieurs mois de cabale et d'acharnement médiatique menés par le quotidien, le président Christian Wulff s'est vu contraint de démissionner attestant ainsi de la puissance et de l'influence de BILD sur la scène politique allemande. "Pour gouverner, on n'a besoin que de BILD et de la télé", aurait un jour déclaré l'ancien chancelier Gerhard Schröder.

Avec son slogan "Bild dir deine Meinung", le tabloïd se veut tout à la fois faiseur d'opinion et représentant du peuple. Il s'adresse aux masses et non intellectuels. Une attitude qui lui a souvent valu les inimitiés du mouvement étudiant, notamment à la fin des années 1960 où BILD s'oppose avec acharnement aux manifestations de 1968.

La croisade des intellectuels contre BILD
Dans les années 1970, plusieurs intellectuels ont trouvé le courage d'affronter BILD et de dénoncer ses méthodes d'investigation souvent accusées de porter atteinte à la dignité humaine. En 1974, Heinrich Böll publie "L'honneur perdu de Katharina Blum". Un best-seller saisissant qui s'attaque ouvertement à BILD, relatant la descente aux enfers d'une jeune femme victime de l'acharnement de la presse à scandale. Souhaitant toutefois se protéger d'éventuelles attaques en justice du quotidien, l'écrivain écrit en avant-propos de son roman : "L'action et les personnages de ce récit sont imaginaires. Si certaines pratiques journalistiques décrites dans ces pages offrent des ressemblances avec celles du journal BILD, ces ressemblances ne sont ni intentionnelles ni fortuites mais tout bonnement inévitables".

Quelques années plus tard, en 1977, c'est au tour de Günter Walraff de partir en croisade contre le tabloïd. L'écrivain infiltre la rédaction et révèle au grand public les méthodes douteuses des journalistes.  

Bien que toujours en tête des quotidiens allemands, BILD voit depuis quelques temps le nombre de ses lecteurs baisser. Une tendance qui l'a contraint à renouveler quelque peu sa ligne éditoriale pour devenir plus conventionnel. Depuis le mois de mars, les rédacteurs ont ainsi relégué en page intérieure la bimbo dénudée qui ornait sa une depuis 1984.

Laurie Tierce (www.lepetitjournal.com/cologne) Lundi 9 juillet 2012

A relire :  CRISE DE LA PRESSE- Comment s'en sort l'Allemagne ?

lepetitjournal.com hambourg
Publié le 11 juillet 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

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