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Oradour-sur-Glane, 75 ans après… « La vie est plus forte que la mort »

Massacre Oradour sur Glane SS nazis Allemagne HébrasMassacre Oradour sur Glane SS nazis Allemagne Hébras
Capture d'écran 2019-06-10 YouTube Oradour Kenneth Emanuelsson
Écrit par Valérie Keyser
Publié le 10 juin 2019, mis à jour le 11 juin 2019

Il y a 75 ans, le 10 juin 1944 exactement, 642 villageois ont été massacrés par les nazis à Oradour-sur-Glane en Haute-Vienne, région truffée par le maquis. Les hommes ont été mitraillés, 450 femmes et enfants ont été brûlés vifs dans l’église. Robert Hébras, dernier survivant du massacre, est un habitué de la ville de Francfort où il entretient une solide amitié et où il nous avait fait l'honneur de nous accorder une interview que nous vous invitons à relire.

Le village martyr d'Oradour-sur-Glane classé aux Monuments historiques qui accueille des centaines de milliers de touristes chaque année, est resté en l’état avec ses carcasses de voitures calcinées, ses vélos rouillés et défoncés, ses bâtiments en ruine laissant apparaitre, comme si c’était hier, les stigmates de l’atrocité perpétrée le 10 juin 1944 par la Panzer-Division SS « Das Reich ». L’usure du temps et les intempéries menacent aujourd’hui les ruines dont celles de la chapelle qui fera l’objet de rénovations dans quelques mois évaluées à 400 000 euros.


Geneviève Darrieussecq préside la cérémonie du 10 juin 2019

Comme chaque année, une cérémonie commémorative a eu lieu en présence d’élus dès 14 h ce lundi 10 juin 2019 pour s’achever à 18 h. Cette année, le maire du village, Philippe Lacroix, recevait Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, qui a présidé une cérémonie qui invite à ne jamais oublier et dont le message fort « La vie est plus forte que la mort » semble ne plus vouloir laisser de place à la barbarie. Robert Hébras, mémoire vivante de la tragédie, était également présent.

Guide à Oradour-sur-Glane depuis des années, Robert Hébras est aujourd’hui le dernier survivant d’un massacre sans nom, Jean-Marcel Darthout étant décédé le 4 octobre 2016. Lepetitjournal.com/francfort a eu le privilège de l’interviewer en 2015 à Francfort. Retrouvez le témoignage émouvant d’un homme qui dit ne plus en vouloir aux bourreaux aujourd’hui et prône l’amitié franco-allemande.


Lepetitjournal.com/francfort : vous aviez 19 ans lors du massacre d'Oradour par la division SS das Reich. Vous avez perdu votre mère, deux sœurs, des amis. Comment avez-vous échappé aux nazis ?

Robert Hébras : tout s'est passé très vite et sans que personne ne comprenne vraiment ce qui se tramait. Les SS ont débarqué en criant "Platz !" Les femmes et les enfants ont été conduits à l'église du village puis abattus à la mitraillette alors que les hommes eux ont été réunis dans les granges que les soldats ont alors incendiées. Mon père qui travaillait ce jour-là dans un village voisin a pu être épargné. De mon côté, j'ai fait le mort dans la grange, c'est ce qui m'a sauvé, même si la chaleur des corps enchevêtrés qui brûlaient et le sang qui dégoulinait étaient insoutenables.


Vous étiez 6 rescapés de ce massacre, c'est bien ça ?

Oui, cinq hommes et une femme mais aujourd'hui nous ne sommes plus que deux à être encore en vie, Jean-Marcel Darthout qui est très affaibli et moi-même.


Vous êtes-vous parfois dit au cours des années qui ont suivi, pourquoi moi ?

Bien sûr ! Et je me pose encore cette question : pourquoi suis-je encore vivant alors que des membres de ma famille et mon meilleur ami ont péri ?


Avez-vous revu les autres survivants ?

Oui au début seulement car chacun a fait sa vie et poursuivi son chemin de son côté.


Et les Allemands à l'origine du massacre, avez-vous essayé de les rencontrer comme par exemple Heinz Barth avant sa mort en 2007 ?

J'ai essayé en effet d'entrer en contact avec eux mais ils ont toujours refusé de me rencontrer. J'aurais aimé cependant rencontrer un de ces hommes et qu'il ait le courage de me dire "J'y étais" et je l'aurais excusé. A sa place, qu'est-ce que j'aurais fait ? J'ai aussi très mal vécu le procès de Bordeaux en 1953 où les criminels de guerre devaient être jugés car c'était un procès militaire et je n'ai pu assister qu'à la fin en tant que témoin. J'ai vu le sous-lieutenant Heinz Barth lors de son procès à Berlin en 1983 où j'ai comparu comme témoin mais nous ne nous sommes pas adressé la parole.


Heinz Barth avait été condamné à perpétuité en 1983 puis remis en liberté quelques années plus tard pour des raisons de santé. Quel a été votre ressenti après sa libération ?

Cette décision de justice a fait du bruit mais en ce qui me concerne je n'ai rien ressenti de particulier.


Cela signifie-t-il que vous avez pardonné aux bourreaux ?

Ma rancœur s'est atténuée en quelque sorte. Disons que c'est surtout la conférence sur la paix où j'ai été invité par Willy Brandt en 1985 qui m'a ouvert les yeux. Aussi dans toutes les boutiques, il est question d'Oradour-sur-Glane. Cet événement a été le déclencheur pour moi d'un besoin de réconciliation.


Vous avez été condamné par la Cour d'appel de Colmar en 2012 pour avoir émis des doutes sur l'enrôlement forcé des Alsaciens dans la division SS das Reich. Qu'en est-il aujourd'hui ?

J'ai rédigé un ouvrage dans lequel il était écrit les Alsaciens "soi disant" enrôlés de force. Le soi disant m'a causé beaucoup de soucis et empêché de dormir. Finalement la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel et j'ai été condamné à verser un euro de dommages et intérêts et 10.000 euros de frais de justice aux associations de "Malgré-nous alsaciens". L'ouvrage a été retouché entre temps.


En septembre 2013, vous avez reçu les présidents François Hollande et Joachim Gauck à Oradour dans le cadre des 50 ans du Traité de l'Elysée. C'était la première fois qu'un président allemand se rendait dans le village martyr. N'auriez-vous pas aimé qu'une telle rencontre ait lieu plus tôt ?

Avant c'était trop tôt, il a fallu du temps pour accepter car les descendants des victimes ont longtemps gardé une certaine rancœur contre les Allemands.

Lire l’interview complète ici…

Valérie Keyser
Publié le 10 juin 2019, mis à jour le 11 juin 2019

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