L'eau potable contaminée par des produits chimiques potentiellement cancérigènes toucherait 400 000 personnes sur l'île d'émeraude, d'après les informations de la presse irlandaise. Les pouvoirs publics tardent à réagir.
400 000 personnes en Irlande auraient accès à une eau potable contaminée avec des produits chimiques pouvant aggraver les risques de cancer, d'après l'Irish Examiner, quotidien irlandais édité à Cork. Des sources d'eau contaminée ont été identifiées dans plusieurs secteurs du pays, dont les villes de Kerry, Cork, Kilkenny, Waterford, Wicklow, Meath, Mayo, Roscommon, Donegal et Galway. Les produits chimiques en question ne pénètrent pas le corps qu'en buvant de l'eau, mais aussi par le biais de la vapeur dans l'air ou le contact de la peau avec l'eau contaminée.
Des produits chimiques dangereux pour la santé
En effet, l'excès de trihalogénométhanes (THM), composés chimiques contenus dans le chlore utilisé pour purifier l'eau potable, peut au terme d'une longue exposition augmenter les risques de certains cancers, notamment celui de la vessie et celui du colon. Le produit peut aussi impacter la reproduction, en provoquant des fausses couches, des malformations congénitales ou en affaiblissant la fertilité. Enfin, il peut également endommager le c?ur, les poumons, le foie, le rein et le système nerveux central.
Quelle réaction des pouvoirs publics ?
La plupart des autorités locales se sont engagées depuis quelques années à réduire le taux de THM contenu dans l'eau potable, mais ces engagements ne se sont pour l'heure pas traduits dans des actes. L'association environnementale Friends of the Irish Environment s'est alors tournée vers la Commission européenne, qui a finalement ouvert en décembre 2015 le dialogue avec les autorités irlandaises pour fixer des échéances pour nettoyer de ces substances chimiques les 79 zones d'approvisionnement en eau contaminées dans le pays. L'exécutif européen a demandé aux autorités un rapport au mois de mars. Dans un droit de réponse commun adressé à la Commission, l'Agence de protection environnementale et les Autorités de santé et de sécurité soulignent que, si la recherche internationale montre « qu'il peut y avoir des liens avec le cancer humain », il n'y a pas de risque immédiat dans l'excès de THM qui mérite d'avertir directement les usagers. Une assertion dont l'Irish Water, l'agence de distribution d'eau potable dans le pays, s'accommode bien, ayant décidé plutôt que d'informer directement les usagers concernés de se limiter à une campagne nationale renvoyant au site de l'Agence de protection environnementale pour s'informer des précautions à prendre pour se protéger de l'eau contaminée. Notamment, les THM peuvent être éliminés en utilisant des filtres. Une approche qui est loin de satisfaire la société civile. Tony Lowes, président de Friends of the Irish Environmental, s'en indigne : « Nous sommes ahuris par le fait que les usagers ne soient pas directement informés sur leurs factures que l'eau pour laquelle ils déboursent dépasse les niveaux sanitaires recommandés pour tous les produits chimiques toxiques. On ne peut pas raisonnablement attendre des usagers qu'ils s'en sortent avec deux sites internet pour savoir si leur eau contient des trihalogénométhanes ».
Ces chiffres inquiétants - 400 000 personnes sur une population d'à peine de 4 millions et demi - tombent très mal pour le gouvernement, à près d'une semaine des élections, dans un contexte où la santé et le logement font partie des préoccupations majeures des Irlandais, dont le vote se détourne toujours plus des partis de la coalition au pouvoir pour notamment les partis de la gauche anti-austérité, qui ont largement bénéficié du vaste de mouvement social de protestation contre la facturation de l'eau.
Timothée de Rauglaudre (www.lepetitjournal.com/dublin) jeudi 18 février
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