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DUBLIN/SOCIETE – La prostitution sur le net

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 7 décembre 2009, mis à jour le 13 novembre 2012

Plus d'un millier de femmes se prostituent aux quatre coins de l'Irlande. Ce business de l'ombre connaît aujourd'hui son apogée avec l'ère internet. Stephen Rogers, journaliste pour l'Irish Examiner, vient de publier un livre Onthegame.ie expliquant la situation actuelle de la prostitution en Irlande. Interview.

(Stephen Rogers est journaliste à l'Irish Examiner depuis plus de 10 ans - Photo Manon Loubet)

Lepetitjournal.com : Quelle est la situation de la prostitution en Irlande aujourd'hui ?
Stephen Rogers : La prostitution existe depuis toujours mais elle a explosé particulièrement en Irlande dans les années 1990, durant les conflits avec la Grande-Bretagne. A Belfast, les soldats étaient loin de leurs femmes et avaient recours à la prostitution. C'est là que le trafic des femmes a vraiment commencé. Depuis les années 2000, la prostitution a changé de visage. Avec Internet, les femmes ne sont plus dans la rue, elles travaillent désormais à l'intérieur. Le site Escort Ireland propose les services de plus de 700 prostituées irlandaises. Le client peut choisir avec précision quelle femme il préfère : yeux verts ou bleus, blonde ou brune, grande ou petite?C'est incroyable ! Il prend rendez-vous avec la femme de son choix dans une chambre d'hôtel ou dans un appartement. Ces femmes payent environ 300 euros par mois pour avoir leurs annonces sur le site web.

Quelles sont les principales nationalités de ces femmes ?
Dans la rue, les femmes sont pour la plupart originaires des pays d'Europe de l'Est et d'Afrique. Les prostituées de la rue sont très souvent sous l'emprise de drogue et vendent leur corps pour subvenir à leurs besoins. Les prostituées du web sont elles plutôt européennes, surtout anglaises. Il y a également pas mal de femmes venant d'Amérique Latine. Beaucoup sont victimes du commerce du sexe, achetées à leur famille et emmenées de force par des proxénètes. D'autres sont venues en Irlande pour redémarrer une vie et ont échoué. Leur dernier recours semble être la prostitution.

Qui sont les hommes qui profitent des services des prostituées ?
Je n'en ai personnellement jamais rencontré. Mais selon mes sources, la plupart des hommes allant voir des prostituées seraient mariés ou engagés dans une relation sérieuse. Attirés par des rapports sexuels différents, on estime qu'environ 12.000 hommes profitent des services des prostituées en Irlande. Ce qui est dangereux, c'est que la plupart des rapports sexuels sont non-protégés et propagent de nombreuses maladies comme le Sida.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
J'ai écrit un grand dossier sur la prostitution en Irlande pour l'Irish Examiner. Ce dossier m'a donné envie d'aller voir plus loin, de creuser encore le sujet. Alors, j'ai décidé d'en écrire un livre. Certaines rencontres ont été décisives et m'ont énormément touché. J'avais envie de faire quelque chose pour ces femmes.

(La prostitution dans la rue est de moins en moins courante - Photo http://www.illegaleconomy.com/)

Le milieu de la prostitution est très fermé. Comment avez-vous fait pour rentrer en contact avec les femmes ?
En 2007, cinq prostituées ont été assassinées à Londres. J'ai alors saisi ce prétexte pour aller parler aux prostituées de Cork, leur demander si elles avaient peur de descendre dans la rue depuis ces assassinats, etc. A ma grande surprise, elles ont été plutôt bavardes. La première que j'ai rencontrée était une droguée et vendait son corps pour se fournir en héroïne. La deuxième avait des enfants et vivait seule avec eux. Elle se prostituait pour les nourrir. C'est elles qui m'ont expliqué qu'aujourd'hui, la prostitution n'était plus dans la rue mais sur le web. Pour preuve, il y a deux ans, le site Escort Ireland recensait 400 femmes et aujourd'hui, il y en a 700. Ensuite, j'ai essayé d'entrer en contact avec des femmes travaillant en intérieur via le site web, mais cela s'est avéré plus difficile. J'en ai rencontré une mais elle refusait que je l'enregistre et que je sache son prénom, elle avait très peur que je la dénonce à la police. Au fur et à mesure de nos rencontres, elle s'est détendue et s'est énormément confiée. Mais c'était un travail difficile et parfois dérangeant.

Quelles sont les solutions pour arrêter le commerce du sexe ?
Fermer le site web est difficile car c'est une entreprise enregistrée et reconnue en Angleterre. Au niveau juridique, le gouvernement ne peut pas l'attaquer. Et puis, les prostituées et leurs souteneurs trouveraient toujours une solution pour en ouvrir un autre ou se débrouilleraient d'une autre façon pour continuer leur commerce. Pour aider ces femmes, il faudrait développer plus d'associations humanitaires comme Ruhama pour les accueillir et leur fournir un moyen de changer de vie. Il y a également des travailleurs sociaux qui tentent de les aider mais ce commerce est tellement caché que c'est très difficile. Les femmes louent une chambre d'hôtel pour seulement une nuit, ou un appartement pour un très court terme. Dès que les voisins ou la police ont des doutes, elles déménagent.

Que pensez-vous de légaliser la prostitution comme en Hollande ?
A partir du moment où la prostitution est légalisée, cela signifie que l'on accepte la vente du corps d'autrui. Pour moi, c'est inadmissible. Je n'ai rencontré aucune femme prostituée qui faisait ce travail par envie, c'est toujours par obligation, soit financière, soit sous la pression de leurs maquereaux qui s'en mettent plein les poches. Pour moi, la prostitution doit rester quelque chose d'illégal et nous devons tout faire pour réduire ce commerce au maximum.

Propos recueillis par Manon Loubet (www.lepetitjournal.com/dublin) lundi 7 décembre 2009

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Publié le 7 décembre 2009, mis à jour le 13 novembre 2012

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