

Les bus tours, souvent envahis par les touristes pressés et avides de découvertes sans effort, peuvent parfois se révéler de bonnes affaires si l'on écoute ceux qui y participent. La proposition est alléchante : voyez tout ce qu'il y a à voir en peu de temps. Plus les années passent, plus les offres se diversifient. Impossible de faire un pas sur O'Connell Street, à Dublin, sans qu'une personne vêtue d'une veste fluo ne tende un flyer pour venter les mérites de la compagnie de bus tours qui l'emploie pour une bouchée de pain. Dublin comme des vikings, Dublin en 1916, Dublin et ses lieux hantés, une visite guidée de Galway? les bus tours sont multiples, mais valent-ils vraiment le coup ?
En séjour à Galway, une fois le tour de la ville terminé, il ne reste pas grand-chose à faire dans cette pourtant très jolie ville. Heureusement, les alentours offrent des possibilités incroyables puisque la deuxième ville du pays se trouve à deux heures des Cliffs of Moher au sud et des Lacs du Connemara au nord. Reste maintenant à choisir comment se rendre dans ces lieux prisés des touristes. Rapidement, après avoir consulté les différents moyens de s'y rendre, les bus tours apparaissent sur le papier comme le meilleur rapport qualité/prix, le stop et le covoiturage n'étant pas très répandus sur l'île d'émeraude et les bus traditionnels se faisant rares et chers pour ces destinations.


Cliffs of Moher, une expérience tout de même appréciable

Va pour la Galway Tour Company ! Dix heures du matin, départ pour les Falaises de Moher et le parc national de Burren depuis la gare routière de Galway. La visite guidée coûte 20? pour la journée de huit heures avec l'entrée des Cliffs comprise (6?). Le car est propre, spacieux et les passagers cosmopolites, le conducteur jovial : une bonne journée s'annonce. Les informations et anecdotes ne tardent pas à arriver de la bouche du chauffeur qui est aussi le guide, en anglais uniquement. Il faut donc être à l'aise avec la langue de Shakespeare mais aussi avec l'accent irlandais parfois rude à moins qu'on se fiche éperdument des commentaires. Le premier arrêt se fait à l'entrée du petit village de Kinvara. 15 minutes, top chrono, pour contempler la baie et le magnifique château de Dungaire. Si la vue est sublime et qu'il semble difficile de rater une photo, la première impression est mitigée. En effet, l'impression d'être en meute, de suivre la masse, est un peu gênante. Les moutons ne sont donc pas seulement ceux croisés sur le bord de la route. Après quelques « stops» plus ou moins utiles et avoir contemplé l'essentiel du paysage derrière la vitre du bus au rythme des blagues du conducteur, la pause déjeuner de 45 minutes se passe dans le petit village de Doolin (passage obligé quelque soit la compagnie choisie). Deux choix se proposent alors : pique-nique s'il a été prévu ou repas dans le pub O'Connor, où même si la carte est appétissante, les prix sont un peu repoussants pour les bourses modestes.


A peine le temps de déjeuner et de visiter les quelques magasins qui bordent la petit route (dont une géniale boutique de chocolat tenue par une femme adorable), que la troupe remonte dans le bus pour l'attraction principale de la journée : Cliffs of Moher, les gigantesques falaises connues dans le monde entier. S'il y a bien une chose qui n'est pas décevante dans ce bus tour, ce sont bien ces rochers de plus de 250 mètres de haut à couper le souffle, théâtre d'une scène du sixième opus de la saga du plus célèbre des sorciers, Harry Potter et le Prince de sang-mêlé. Le panorama est sans égal malgré les aménagements de l'homme qui se fondent plutôt bien dans le paysage pour garantir la sécurité et permettre à ceux qui ont le vertige de profiter sans peur. On se sent petit face à ce géant de calcaire de 8 kilomètres de long où trône la Tour O'Brien. Encore une fois, impossible de louper une photo : tous les dix mètres on découvre un nouvel angle, quelque chose qui était caché. Bref, c'est absolument sublime et on comprend vite pourquoi les Cliffs sont l'un des endroits les plus visités d'Irlande. Néanmoins, l'heure et demie prévue par la compagnie passe très (trop) vite et la visite est forcément soumise aux aléas d'une météo capricieuse. En l'espace de trente minutes, le paysage majestueux éclairé par un soleil qui révèle chaque aspérité de la pierre peut laisser place à une brume épaisse, accompagnée d'une solide pluie, dans laquelle on ne voit pas à cinq mètres devant. La première chose à faire avant de réserver le bus tour est donc de vérifier la météo aux abords des falaises si on espère les voir. Avant de remettre le cap sur Galway, le conducteur fait un dernière halte, clou du spectacle de cette journée, sur la côte au couché du soleil. L'endroit en deviendrait presque cliché si la beauté du lieu n'était pas aussi grande.


Les Lacs du Connemara, entre déception et émerveillement

Le lendemain rebelote, plutôt enthousiasmés par la visite de la vieille : départ 10 heures du matin, direction les Lacs du Connemara pour 20?, plus célèbres en France pour la chanson éponyme de Michel Sardou (4ème chanson préférée des Français) que pour la beauté de ses paysages. Les lacs du Connemara, par les bus tours, permettent un grand écart émotionnel incroyable : de la frustration (parfois de la colère) à l'ébahissement le plus total. Le bus est plein à craquer, bon nombre de Français sont de la partie et le chauffeur répète le même texte depuis des années avec un semblant d'authenticité remarquable. Après deux longues mais sublimes heures de route, collés aux fenêtres du car, le premier arrêt à la Kylemore Abbey vient déjà gâcher la journée qui commence à peine. Si le lieu est absolument vertigineux, les ardeurs des voyageurs sont quelques peu refroidies. Et c'est là où les moutons laissent parfois la place aux pigeons. S'il est certes indiqué dans le descriptif proposé par la compagnie sur internet que l'entrée de l'abbaye n'est pas comprise dans les 20? du trajet, il n'est pas fait mention du fait que si on n'y rentre pas, il n'y a rien a faire aux alentours pendant deux heures. Le site est sublime mais isolé, uniquement longé par une route à 100 km/h sans trottoir où mêmes les plus aventureux pourraient se faire de belles frayeurs. Le choix est donc un peu fait sous la contrainte, même avec une réduction de 5? sur le prix de l'entrée (8? au lieu de 13?). Cela ressemblerait presque à de l'achat forcé tant le conducteur est insistant envers ceux qui ne souhaitent pas rentrer dans Kylemore Abbey et s'acquitter des 8?. Certes l'endroit est très joli, extrêmement bien mis en valeur par le paysage environnant, mais sent un peu parfois l'arnaque tant la visite du château est courte. Il faut tout de même avouer qu'il n'est pas désagréable de déambuler dans le lieu construit par Mitchell Henry pour sa femme, Margaret. Mais l'intérêt d'une visite dans les Lacs du Connemara avant tout est d'observer les montagnes et les étendues d'eau, et non des jardins victoriens plantés au pied de la colline, aussi belle soit-elle.


Une fois la colère passée, et ressentie par bon nombre de voyageurs, le bus se remet en chemin. Il slalome entre les montagnes aux grés des anecdotes du chauffeur, entre deux arrêts de cinq minutes pour prendre des photos. Le paysage est époustouflant de grandeur et de beauté, quelque soit la luminosité. Des vallées vertes à perte de vue, des moutons perchés à plusieurs mètres de hauts et dont on se demande comment ils font pour ne pas tomber, une sublime cascade, des immensités d'eau et même une équipe de télévision en plein reportage chez une maître pour chiens de troupeaux : le public est conquis. Ce serait presque une insulte de ne lui consacré qu'une journée. Il est déjà 15h30 lorsque le car dépose pour 45 minutes les visiteurs du jour dans le très mignon petit village de Cong, célèbre pour être le lieu de tournage du film The Quiet Man avec John Wayne. Le dernier arrêt a lieu dans un monastère parfaitement mis en valeur par le soleil couchant avant de renter sur les coups de 18h à Galway.

Finalement, si les bus tours sont d'une évidente praticité et présentent un rapport qualité/prix à toute épreuve, ils ne sont pas faits pour tout le monde. Certes, on en a pour notre argent mais le carcan dans lequel on peut facilement se sentir piégé peut vite devenir étouffant. On est un touriste parmi d'autres : même parcours, même photos, mêmes informations. Soit on se laisse porter, soit c'est un calvaire. Pour résumer ces bus tours, un mot semble se détacher : « temps ». Ces journées ne sont finalement que des courses contre-la-montre. Elles ont certes l'avantage de permettre de voir beaucoup de choses - dont certaines que l'on aurait jamais vues- en peu de temps mais elles sont aussi des moments où l'on se presse en permanence. Enfin, il ne faut pas se fier au descriptif fourni par les agences qui évidemment survendent un peu leur marchandise. Vous verrez tous les lieux indiqués mais la plupart de ces endroits ne vous seront visibles que vissés sur votre siège et le regard derrière une vitre. Et en plus, souvent du mauvais côté?
Emilio Meslet (lepetitjournal.com/dublin) Lundi 28 novembre 2016
Crédit photo : Emilio Meslet et Geograph.ie







