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GUILLAUME POUSAZ - Le self made man du paiement en ligne

guillaume pousaz checkout.comguillaume pousaz checkout.com
Écrit par Tiffany BUSSER
Publié le 9 août 2018, mis à jour le 9 août 2018

Guillaume Pousaz est fondateur et CEO de Checkout.com. Lancé sans investisseurs en 2012 et basé sur une technologie exclusive, le service B to B est aujourd'hui l'un des principaux fournisseurs internationaux de solutions de paiement en ligne avec 8 bureaux et plus de 200 employés. Outre son humilité (et sa gratitude souvent exprimée pour ceux qui ont fait avancer l’entreprise) c’est l’audace qui marque chez ce trentenaire basé à Dubai : elle semble lui avoir valu quelques coups de maître. Peu enclin au matérialisme, le workaholic est en revanche intarissable lorsqu’il parle de son secteur, de projets et de culture d’entreprise. Le Petit Journal a vu l’étincelle dans ses yeux et saisi au vol son débit passionné.

 

Lepetitjournal.com/dubaï : La genèse de Checkout.com ?

 

GUILLAUME POUSAZ : Parti pour travailler dans la banque d’investissement, je me suis retrouvé en Californie dans une entreprise de paiement en ligne, en grande partie parce qu’elle était proche d’une vague de surf ! C’est un modèle qui m’a plu tout de suite car extensible presque à l’infini dans un segment du commerce qui continue à grandir avec des croissances à 2 chiffres. Le revenu est essentiellement généré par un pourcentage sur le montant et quelques centimes de commission à chaque transaction. A 27 ans, je me suis basé à Londres pour développer le modèle en Europe. Je signais des contrats avec les marchands du Net mais n’étais alors pas propriétaire de la technologie de « passerelle de paiement en ligne ».

 

J’ai pris un nouveau départ en 2009, toujours autour de la même idée mais cette fois en direction de l’Asie. L’île Maurice était un backoffice pour de grosses sociétés (Accenture, Orange), elle regorgeait de talents. J’y ai racheté une entreprise de Payment Gateway (passerelle de paiement en ligne entre un marchand et la banque) pour ses codes et une certification PCI (capacité à stocker des infos de cartes de crédit) en m’engageant à payer 3 ans de salaires. Une fois la technologie en main, il faut la vendre, j’ai donc étè chercher un bon vendeur à Singapour et j’y ai ouvert les bureaux de vente d’Opus Payement en 2010 – la technologie et le back office restant à Maurice. En 2011 nous signions avec un gros marchand de Hong Kong qui nous a propulsés dans la rentabilité, jamais quittée depuis. Le nom de domaine Checkout.com m’appartenait déjà (négocié au bon moment), mais j’ai attendu d’avoir la bonne structure et la bonne équipe pour le sortir de ma manche.

 

Une étape particulièrement importante pour les débuts de l’entreprise ?

 

Oui, en 2013 avec l’obtention des licences nous permettant d’interagir directement avec Visa et MasterCard sans intermédiaires. Accessible seulement en Europe (ailleurs, c’est la chasse gardée des banques), cette étape du processus de paiement, était cruciale. Elle nous a permis d’en franchir une autre : devenir une plateforme d’autorisation (TPP) vers le mode de paiement. Une technologie quasi inaccessible car particulièrement complexe à reproduire ou chère à implémenter. Face à des devis en million de dollars, nous avons trouvé les ressources pour la produire nous-même ! Cela a pris deux ans mais en valait la peine. Aujourd’hui, notre maîtrise de tout un segment du processus et nos connexions à tous les modes de paiements internationaux sont parmi nos atouts majeurs sur le marché Européen.

 

C’est un domaine où tout change vite - R&D, fraude, législation – comment faites-vous pour suivre ?

 

La Recherche et développement se font de manière organique en élaborant les solutions aux besoins de nos clients. Les développeurs jouent un rôle primordial. Pour ce qui est de combattre la fraude, le secteur est particulièrement sensible. Checkout.com a attribué une équipe d’une quinzaine de personnes pour établir des filtres et analyser les transactions. Enfin l’évolution de la législation peut créer des opportunités. En Europe, les directives sur les services de paiement (PSD 2) ouvrent beaucoup de nouvelles opportunités et compliquent la tâche de certain type de marchands, notamment les marketplaces comme Amazon, AirBnB, etc… avec des licences, donc ils externalisent le service à des sociétés comme la nôtre.

 

Qu’est-ce qui vous différencie de Paypal ou WorldPay par exemple ?

 

Notre agilité et notre adaptabilité pour commencer. La réactivité est le socle de la confiance. Beaucoup de gros groupes sont des empilements de technologies rachetées les unes après les autres. Nous avons-nous même construit la nôtre, nous sommes des « enfants de l’internet » : nous comprenons ce que nous vendons. Chez nous, la vente est basée sur le conseil. Tout est négociable, sur mesure, nous ne venons pas avec un modèle rigide comme le font les géants du secteur. Nous développons parfois une technologie spécialement pour un client (ex. TransferWise) mais dans ce cas nous gardons le contrôle de l’écosystème et rendons cette technologie accessible à nos autres clients.

De manière générale, notre technologie exclusive fait une grosse différence, avec le fait que nous avons intégré tous les moyens de paiement.

 

Enfin, nous n’avons pas d’investisseurs, donc pas besoin d’être des requins. Je peux réinvestir beaucoup dans mon entreprise et ne faire aucun compromis sur les gens bien. La compétence oui, mais l’arrogance : pas chez nous. Notre culture d’entreprise me tient à cœur.

 

Comment dirige-t-on un navire de 200 employés ?

 

Il faut être perceptif, savoir s’entourer et prendre des décisions, beaucoup de décisions. Pour ce faire, je simplifie mon quotidien personnel : moins j’ai de décisions à prendre (vêtements, maison etc..) plus j’ai l’esprit clair pour analyser l’écosystème professionnel. Ma capacité de discernement m’est essentielle : je dois pouvoir lire à la fois les statistiques et mon environnement, connecter les points, trouver la logique et agir.

Il faut parfois faire des choix difficiles – les licenciements ne sont jamais un plaisir – car la compagnie évolue et un bon manager pour 50 personnes ne le sera peut-être pas pour 600. Je travaille six jours par semaine, à raison de 14 heures par jour minimum, et encore, il y a toujours à faire ! Je dois mener par l’exemple.

 

Aussi, lorsque chaque dollar est à vous, vous faites plus attention à la dépense: vous voyagez en classe éco et faites des choix réfléchis pour aller plus loin, seuls. Chez Checkout.com, tout est décidé à la lumière des statistiques (Data Driven Decisions) ce qui facilite quand meme un peu la vie d’un CEO ! À ce stade, même les ressources humaines devraient fonctionner selon ce principe d’analyse. Nous offrons beaucoup d’«incentives» (éléments pour motiver) et devons être en mesure d’évaluer leur efficacité.

 

Un mot préféré – un principe ?

 

Yield (rendement / efficience) - C’est un mot qui revient souvent à tous niveaux, qu’il s’agisse de dépenser de l’énergie ou de l’argent. Il amène à prioriser, séquencer les décisions, optimiser. Cela conditionne chacun de mes mouvements, chaque mouvement de l’entreprise.

 

Quels sont vos challenges ?

 

Notre modèle d’affaire est extensible à l’infini mais il faut que les talents suivent. Même si nous sommes dans la FinTech, les ressources humaines représentent 65% des couts. Alors il faut savoir recruter et s’assurer que les gens sont motivés !

La culture d’entreprise est fondamentale chez Checkout.com. La part d’humanité est partout que ce soit dans notre façon de collaborer à l’interne (partage d’informations, humilité etc.) ou à l’externe (accessibilité et flexibilité avec les clients). Mon ambition est de ne pas la diluer avec la croissance de la boîte : on parle de 600 employés début 2020. L’omniprésence de cette culture chez Amazon ou Netflix montre que cela est possible. J’adore passer du temps avec les équipes, je connais chaque prénom. Mais je dois aussi être capable de structurer la vision et de la transmettre.

Un autre des challenges dans notre secteur est de grandir plus vite que la compression des marges.

 

Qu’est-ce qui vous a amené au Moyen Orient ?

 

Un ami bien établi ici (fondateur d’un site immobilier en ligne) m’a conseillé de venir. Il était enthousiaste, voyait Dubai comme une réelle opportunité. J’ai donc ouvert un bureau ici et engagé Sebastian Reis, qui a entièrement construit notre présence au Moyen Orient à la sueur de son front. Aujourd’hui, nous sommes leader à Dubai avec environ 65% du marché. Les clients viennent naturellement, nous avons une dizaine de demandes par jour pour la région. Récemment nous avons lancé Apple Pay avec plus d’une dizaine d’entreprises leader ici...

 

Quel est votre plus gros marché ?

 

L’ensemble de l’entreprise reste tiré par l’Europe où nous intégrons davantage d’étapes du procédé de paiement et où nous avons l’essentiel de notre main d’œuvre, ainsi que notre maison mère.

 

Nos clients ne sont ni les plus gros poissons ni les plus petits. Notre « sweet spot » est entre les deux, entre 20 et 200 millions de dollars de chiffre d’affaire par année.  Nous travaillons aussi avec les startups fortes d’une première levée de fonds qui prennent une décision raisonnée quant à leur fournisseur de service. Ce type de décision – contrairement aux décisions parfois émotionnelles des plus petites sociétés – génère des relations durables.

L’année dernière, nous nous sommes étendus aux Etats-Unis. C’est un marché ultra compétitif car les banques sont douées mais nous aimons le challenge!

 

Vous avez commencé seul et vous voilà à la tête d’une entreprise en orbite. Comment vous sentez vous ? Comment voyez-vous l’avenir ?

 

Au début, on n’a que des problèmes ! De technologie, d’argent, de croissance… Donc maintenant je suis un plus zen. Je n’envisage pas du tout d’arrêter. Je ne fais pas cela pour l’argent, rien ne m’intéresse plus que ce que je fais et il y a encore tant à faire. Ma vision pour Checkout.com est celle d’une banque du futur au service du commerce digital. Le produit me passionne, j’ai mille idées. Dur de déléguer dans ce domaine ! Je voulais être architecte, pas étonnant que j’aime autant bâtir des projets.

Le hic est de voyager sans arrêts : l’an dernier j’ai passé 600 heures dans l’avion, 60 nuits dans ma maison. Imaginez-vous que c’est sans doute mon plus grand luxe : dormir dans mon lit !

Je ferai le bilan pour mes 40 ans. Le tour du monde en bateau ? J’ai encore les carnets que je remplissais de mes rêves d’années sabbatiques quand j’étais à l’école, je vais bien finir par les rouvrir!

 

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Tiffany Busser
Publié le 9 août 2018, mis à jour le 9 août 2018

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