C’est une période difficile, personne ne peut le nier, nous traversons tous des jours complexes, tâchant de naviguer entre chaos, ennui, humour, peurs, frustrations, lâcher prise, travail impossible, injonctions multiples et grand n’importe quoi… le temps des vignettes béni-oui-oui est derrière nous, il est temps plutôt de regarder les défis en face, quels qu’ils soient, et de chercher un peu de sérénité et de courage là où nous pourrons le récolter. Écoutons Tiffany Busser, une coach scrupuleuse, précise, loin du positivisme à l’eau de rose, mais capable de donner à chacun les clefs de ses propres ressources.
Lepetitjournal.com/dubai : Aujourd’hui ce terme de “coach” s’entend à toutes les sauces, et pour le profane pas toujours évident de s’y retrouver : d’où venez vous, professionnellement et pourquoi avoir choisi cette direction ?
Tiffany Busser : Après une dizaine d’année dans le milieu entrepreneurial, j’ai fait du journalisme, de la communication institutionnelle, écrit deux livres et co-créé un évènement dans l’innovation. Ce sont tous ces rôles qui au fond consistent à comprendre ce que l’autre recherche, qui m’ont amené à faire du coaching sans le faire exprès. L’envie s’affine lorsque je rejoins le réseau YPO à Dubaï (une organisation de leaders et d’entrepreneurs) où les groupes de discussion sont animés avec une éthique très stricte, où la confidentialité est essentielle, les conseils prohibés et les questions doivent être calibrées pour ne pas porter au biais ou à l’orientation. Je me rends compte que ce sont en réalité des pratiques de coaching, et ce rôle commence à me fasciner. Je me forme donc - auprès de MindBridge, un organisme américain accrédité par la Fédération Internationale de Coaching.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier, quel genre de coach aspirez-vous à être?
Ce que j’aime le plus c’est “faciliter”. Le substantif est moins joli (rires), mais c’est ce que j’aspire à créer: un espace où mon interlocuteur comprends mieux son architecture mentale, ses blocages éventuels, les croyances avec lesquelles il a vécu et s’est construit, ses schémas de comportement… Et ce que j’essaie d’apporter c’est un regard extérieur qui va aider à faire le tri, entre ce qui est utile et ce qui ne l’est plus, ou ce qui est même devenu handicapant sans qu’on en ait forcément conscience. Se faire accompagner pour voir dans les angles morts et reprendre le contrôle quand on doit faire évoluer une carrière, une relation ou prendre une décision importante, cela peut être essentiel.
Est-ce que vous avez une clientèle type?
Non absolument pas, tout comme il n’y a pas de réponse ou de conseil type, qui irait à tout le monde, je n’ai pas de client type, et c’est ce qui fait toute la beauté du métier. Je travaille avec des adolescents, des femmes au foyer en quête de sens, des entrepreneurs à un virage clé de leur carrière, des business men / woman qui recherchent la sérénité dans leurs décisions et même des équipes de managers… ma clientèle est très éclectique, chacun m’approche avec son cheminement spécifique et j’ai une approche sur mesure qu’il s’agisse d’individus ou d’entreprises. Je tente d’apporter clarté et passage à l’action là où il en manque. J’aime bien l’image du co-pilote pour mieux comprendre ce métier : je prends le siège du passager, on regarde la carte ensemble, on définit un objectif, mais c’est le client qui choisit sa route et surtout, il conduit ! Et puis il faut surtout sortir de l’idée que le coaching c’est “pour quand on va mal”, absolument pas ! Bien sûr nous intervenons en cas de crise ou de défi important mais dans le monde entrepreneurial par exemple, se voir attribuer un coach c’est un cadeau, la garantie d’un investissement effectué sur soi, avec à la clé un véritable “turbo”… j’aime bien les métaphores mécaniques ! (rires)
Difficile de faire cette interview sans évoquer la situation actuelle. Quel serait votre guide de survie pour faire face aux multiples défis et sources d’inquiétudes, du confinement jusqu’aux incertitudes économiques?
Ma première réaction serait de dire qu’il est impossible de donner un modèle de conseil qui vaille pour tous, c’est vraiment l’opposé de ce que l’on fait en coaching en fait. Pour moi ce qui importe c’est plutôt provoquer la réflexion personnelle chez mon interlocuteur. Donc je dirais que la clef c’est de se poser les bonnes questions, c’est toujours comme ça qu’on peut espérer sortir d’une impasse, qu’elle soit physique, psychologique ou liée à son travail.
Et l’épidémie c’est effectivement le défi d’une impasse physique - celle du confinement, parfois psychologique - on a l’impression de tourner en rond, on ne sait pas où l’on va - et parfois une impasse dans son travail avec des licenciements et des restructurations à la pelle…
Absolument. Je voudrais insister en préambule: que surtout vos lecteurs n’imaginent pas que je suis en train de leur dire “y’a qu’à”, c’est tout le contraire. Je suis bien consciente comme tout un chacun que certains vont traverser de très grandes détresses, et qu’il ne s’agit pas de faire du positivisme naïf. Ceci dit, il y a certaines démarches qui peuvent aider, comme de se poser certaines questions, et la première d’entre elles serait : “Que faire de ce nouvel espace? De ce nouveau temps qui nous est imparti?” Essayer d’observer nos circonstances non comme des obstacles ou des impossibilités mais comme des défis et des ouvertures. Puis se poser la question des ressources: “quelles sont mes ressources, de quoi j’ai besoin pour traverser ce défi?” et surtout “quelles sont mes valeurs essentielles? Qui suis-je si je renonce à ce qui est pour moi superflu? Qui suis-je une fois que je renonce à mes rôles d’apparence, mes attributs sociaux? Qu’est-ce que je veux vraiment? Qu’est ce que je veux transmettre à mes enfants de cette épreuve?” Cet exercice mental permet de trouver en soi non seulement les ressources et les capacités pour affronter ce qui nous semblait insurmontable, mais aussi de relativiser: lorsqu’on se pose la question de ce qui est vraiment vital, essentiel, de ce qu’il faut absolument préserver, je peux vous garantir que la réponse sera rarement la voiture ou le canapé! Mais bien plutôt la sérénité, l’épanouissement de ses enfants, une famille unie… Certains parmi nous vont perdre beaucoup c’est évident, mais beaucoup s’ils ont l’impression de tout perdre vont au contraire y gagner… Attention, une fois encore : « retourner à l’essentiel » ça ne met pas le dîner sur la table, je le sais bien, mais ça donne du courage, et la force d’avancer. Ne serait-ce que pour montrer qu’il y a d’autres chemins dans la vie que celui qui nous semblait tout tracé, et qu’on peut s’en sortir.
Vous êtes mère de famille, confinée avec votre mari et deux enfants : quels conseils pratiques, quelles astuces partager - qui ont fonctionné pour vous?
J’ai deux jeunes enfants donc la première chose a été de structurer la journée en plages horaires pour tout le monde, et de communiquer le plus clairement possible cette structure à tous les membres de la famille, même aux plus jeunes. Ne pas hésiter à faire usage de récompenses et de motivations pour inciter à respecter les dites plages horaires qui vous seront nécessaires (rires) ! Et puis la seconde chose, c’est une fois que tout est bien structuré… lâcher prise, et vous demander chaque matin, “qu’est-ce qui est important pour moi dans cette journée?” Si ce jour-là vous avez une conférence de travail cruciale, lâchez sur le reste. Le même conseil vaut pour l’école à la maison : qu’est-ce qui est vraiment important? Que votre fille maîtrise les fractions décimales? Bien, alors si vous avez de la pizza ce soir, ce peut aussi être une occasion de lui faire pratiquer! Vous n’êtes pas obligé de cocher toutes les cases tous les jours. Cela vaut aussi pour vous, pas seulement pour votre progéniture : “de quoi ai-je besoin aujourd’hui?” Plus de sérénité? Plus de calme? Alors il faut vous écouter et agir en conséquence.
On est son propre coach en quelque sorte?
N’oubliez pas que les trois clefs les plus décisives du succès sont en premier lieu son réseau d’aide, sa capacité à concevoir les sources de stress comme des défis et non des obstacles, et enfin son niveau de positivité*. Avec des pensées nocives, négatives, agressives, méprisantes on peut s’intoxiquer au sens premier du terme, on peut se rendre physiquement malade : insomnies, maladies de peau, certains cancers… Toutefois l’inverse est vrai, on l’oublie trop souvent: penser positif ne vas pas faire disparaître une maladie grave par magie, mais cela va définitivement vous nourrir et vous donner l’énergie et le courage d’aller de l’avant. Et surtout, si d’affronter ces défis seul cela semble insurmontable, ne jamais hésiter à demander de l’aide : notre travail de coach peut sincèrement apporter des changements drastiques, c’est un investissement sur soi, et les retombées sont vraiment profondes et riches, dans un moment de crise comme celui-ci, c’est important d’y penser sans fausse honte ou gêne : prenez soin de vous.
*Harvard study – Shawn Achor
Pour plus d'informations : www.tiffanybusser.com
LinkedIn : Tiffany Busser
Instagram : @tiffany.busser_coaching
Facebook : Tiffany Busser Coaching