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JÉRÔME DHULST - Antiquaire écoresponsable à Dubaï

Jerome dhulst Jerome dhulst
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 5 octobre 2019

Aujourd’hui un portrait d’expat comme on les aime, quelqu’un qui a vu Dubaï grandir, changer, se relever, quelqu’un avec un parcours multiple, plein d’idées, et de convictions, et surtout l’envie de partager ses passions : venez bavarder avec Jérôme Dhulst, le « Monsieur Antika » à qui l’on doit un des seuls - et certainement un des tout premiers - magasins où dénicher de vrais meubles anciens, restaurés avec amour et respect de l’artisanat, pleins d’âme et d’histoire(s). Des pièces absolument uniques qui feront de votre petit nid d’expatrié autre chose qu’un compromis souvent bancal entre Ikea - parce que c’est bien pratique - et les meubles de votre container - parce qu’on les avait déjà…  même s’ils avaient plus de gueule en Touraine ou à Londres que sous le soleil des Émirats !

 

 

Lepetitjournal.com/dubai : Est-ce que vous arrivez à Dubaï - il y a quelques années maintenant - avec le projet d’Antika dans vos bagages ?

 

Jerome Dhulst : Non pas du tout : je viens d’un parcours professionnel tout a fait différent :  15 ans dans l’industrie du parfum. En particulier un partenariat avec un franco Yéménite, un projet de grande envergure : nous fabriquions nos propres parfums à Chartres, avec à la fabrication autant des produits de licences pour des marques (comme par exemple Bugatti ou Ventilo) que des produits de mass market. Nous fabriquions tout, de A à Z, même nos propres flacons, ce qui est extrêmement rare comme modèle, et nécessite de gros investissements… mais c’était une belle affaire qui fonctionnait bien. Si bien qu’à un moment donné se pose la question de la délocalisation, et donc la question du Moyen-Orient (qui correspondait à 90% de notre chiffre d’affaire). Nous décidons d’y faire construire une usine incroyable qui sur 14’000 m2 traite toute la chaîne de fabrication du parfum, depuis la macération jusqu’au travail du verre… Alors ce que je peux vous en dire aujourd’hui c’est que l’on sous-estime les coûts (tant financiers qu’humains) de la délocalisation (rires)… Donc cet outil incroyable, cette usine de dingue construite en 2 ans - on oublie que la parfumerie c’est de l’industrie lourde: plasturgie, verrerie, pompes, mécanismes etc. …. -  c’est impossible de la gérer à distance, finalement elle sera vendue à d’autres propriétaires pour lesquels je vais travailler un peu moins d’un an, mais l’envie n’est plus là, je voudrais passer à autre chose,  tourner la page.

 

C’est là que…

 

Le virage vers Antika - en tout cas vers ce qu’est Antika aujourd’hui - va prendre un certain temps. D’abord je rencontre un type - Vincent - qui fait du trading (commerce) de matériel général, vraiment un peu de tout, du buggy pour le désert, des portes, du matériel de construction, des livres (par palettes entières)… On sympathise, on s’associe, et à cette activité j’aimerais greffer un truc qui me plaît à moi, personnellement : je collectionne et chine les objets anciens depuis longtemps... Puis arrive le troisième larron, le troisième singe comme on s’appelait à l’époque (rires), Christian dit Robi, un ami de promo, qui lui, faisait du commerce de meubles avec l’Inde, un grossiste importateur.

antika

 

Qu’est-ce qui vous pousse à sauter le pas et à vous lancer sur ce marché ?

 

Le constat de ce que propose le marché justement : soit ce sont des meubles hors de prix, signés, des grandes marques européennes ou américaines importées etc. soit des meubles vraiment de très basse qualité, très cheap, produits en masse. Entre les deux : rien. Autrement dit, pour une jolie table de salle à manger par exemple soit c’est un budget de 50’000 soit de 500 dirhams. Franchement ça ne laisse pas beaucoup de choix… Attention : on parle d’une époque ou l’Ikea venait à peine d’ouvrir, Marina Home n’existait pas, etc… Et bien entendu absolument aucun marché pour ce qui pouvait être ancien, authentique, vintage, original…

antika

 

Comment démarrez-vous ?

 

Je démarre avec un modeste sourcing (achat en gros à la source, ndlr) d’environ 10m2 que je glisse dans un petit container, je suis parti tout seul  pour Jodhpur, je n’y connais pas grand chose mais j’y vais à l’instinct, au feeling, je chine une petite collection de tables fabriquées par des artisans locaux, puis je prépare un mailing à mes 200 contacts, et j’organise une vente dans un entrepôt. Tout est vendu en moins de deux semaines !

 

Gros succès donc, et avec ce dernier j’imagine la mise en place d’une structure plus formelle, des clients plus réguliers ?

 

Antika voit le jour formellement en 2009 et j’enchaîne les partenariats, les pop-up, les expos temporaires… et surtout je repars en Inde, cette fois un mois entier avec mon associé au Rajasthan et au Gujarat. Deux états qui historiquement ont un poids économique et artistique important : les palais des Maharajahs, les Haveli, il fallait bien les meubler! Donc on trouve sur place des producteurs, des artisans, beaucoup de pièces anciennes, authentiques, il y a une vraie culture du travail du bois, des ateliers encore très actifs etc… Nous voilà à moto sans cesse en ballade, à sillonner les villages, à toquer aux portes des petits ateliers au bord de la route. Et on est reçus avec curiosité je dirai, bienveillance. Tant et si bien que l’on rencontre Jean-Michel, un français qui gérait un atelier de transformation et recyclage de meubles

 

C’est là qu’Antika va trouver sa vraie nature ?

 

C’est-à-dire qu’on va à la chasse aux matériaux : maisons en démolition, meubles, chantiers abandonnés, vieux bateaux en recyclage, camions au rebut, barrières en bois tourné, portes sculptées etc… il rachète brut et on fabrique. Pour 100 kilos de matériau brut environ 80 sont exploitables. C’est du vrai recyclage : c’est une opération coûteuse, en temps, en énergie, en travail, mais tout ce que nous récupérons nous le remettons en état, nous le retravaillons. Nos pièces chromatiques ne sont pas repeintes pour faire faussement vintage en ponçant la peinture par dessus pour imiter des traces d’usure (ce que beaucoup font aujourd’hui). Nos règles sont strictes : on ne repeint pas, on ne transforme pas le matériau, si besoin on traite le bois mais c’est tout. À cela s’ajoutent des gammes dessinées par nos soins de petits objets de déco : luminaires, miroirs etc.…

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Comment définiriez-vous votre style, l’esprit d’Antika ?

 

L’imitation constante donne une sensation de fausseté, on voit bien que c’est du fake, et surtout d’uniformité. Nous nous situons à l’opposé : nous, ce que l’on cherche, c’est le supplément d’âme, la pièce unique, l’authentique. Et si l’on parle d’un mode de vie moderne, pour moi la modernité ce n’est pas le neuf à tout prix, bien au contraire ! La modernité c’est vivre plus responsable, et c’est aussi ce que nous pratiquons, avec sincérité, et sans compromis, malgré les coûts. On redonne vie à ce qui deviendrait des déchets, et on participe au nettoyage de la planète en recyclant les vieux matériaux vers quelque chose de beau, et ça c’est moderne !

 

L’avenir d’Antika, vos projets, vos envies ?

 

Ce que j’aime le plus c’est la chasse, la chine… je pars au mois de mai, il n’y a personne car la météo indienne en cette saison est vraiment pénible, et malgré les acheteurs qui ont écumé la région il y a encore un vrai potentiel. Mon succès prouve que j’ai encore de la place pour grandir : “il n’y a pas de succès sans copie et sans imitation!” et ça on peut dire que le concept a été copié ! Certes, sans aucune des valeurs ou de la substance qui fait Atika, mais aujourd’hui vous trouvez partout des marques de meubles soit disant anciens qui sont fabriqués à la chaîne, qui tiennent ensemble bourrés de colles et de solvants, avec du bois absolument pas éco-responsable, et recouverts de peintures faussement “usées”… C’est juste dommage que certains s’y laissent prendre (rires). Antika a gardé son éthique et est  devenu plus sédentaire, on est passé des pop-ups itinérants à un magasin « en dur », tout en continuant certaines collaborations, mais je continue à tout faire moi même, je porte toutes les casquettes, et j’ai toujours autant de plaisir à placer un de mes “bébés” chez quelqu’un qui va l’apprécier, lui, sa patine, son unicité, son histoire…

antika dubai

 

Votre Dubaï, ce qui fait que vous vous sentez chez vous ici, après toutes ces années?

 

Moi j’ai toujours vécu un Dubaï dans les marges, loin du trip de surconsommation qui est souvent la seule chose que les spectateurs extérieurs perçoivent de cette ville… Même si c’est un peu plus difficile qu’il y a 15 ans on peut encore jouer au foot ou au cricket sur les terrains vagues, circuler à vélo, profiter de plages gratuites, grignoter à Satwa sur le pouce, vivre une vie simple, authentique… et se meubler chez Antika ! (rires)

 

 

Contacts:

Jerome Dhulst

Antika Furniture @ Times Square Center

(underground parking level)

Tel: 0504851583

www.antikadubai.com

Jd@antikadubai.com

FB: Antika Dubai

Instagram: Antika Dubai

Temporary Pop-up mini expo: Oasis Center, Seconds Shop

 

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Publié le 5 octobre 2019, mis à jour le 5 octobre 2019

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