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RENCONTRE – Madame la proviseure

Écrit par Lepetitjournal Buenos Aires
Publié le 15 décembre 2010, mis à jour le 8 février 2018

Depuis fin juillet, Sabine Dubernard est la nouvelle proviseure du lycée Mermoz de Buenos Aires. Elle évoque ici les défis de l'enseignement binational, la hausse du coût de la scolarité, son intérêt pour l'écriture ? et la réécriture ? de l'histoire, et son goût pour le tango

Un des dadas de Sabine Dubernard, la nouvelle proviseure du lycée franco-argentin Mermoz, ce sont les thématiques interculturelles. Guère un hasard: elle est petite-fille d'Espagnols installés en France, mais qui n'ont jamais appris la langue de Molière. Sa grand-mère disait, se rappelle-t-elle : "Yo entré en Francia pero Francia nunca entró en mi". Quant à ses deux filles, elles sont franco-mexicaines. Sabine Dubernard a en effet passé dix ans dans le pays de Zapata : elle a poursuivi à Guadalajara une thèse, débutée en France, sur le discours officiel en histoire, et y est demeurée plusieurs années comme prof de philo à la fac.
Elle n'a jamais achevé sa thèse, mais est demeurée attentive à l'écriture ? et la réécriture ? de l'histoire. Elle explique : "On a toujours une histoire officielle, même si on n'en est pas conscient". Le sujet est épineux. Invitée à prendre la parole durant un colloque organisé à Guadalajara, au début des années 90, Sabine Dubernard déclare: "Tout historien se situe dans l'histoire officielle, celle de l'Etat, celle de la société". Un universitaire de renom prend la mouche: "Ce n'est pas une étrangère ? une femme de surcroît ! ? qui va dire cela !". Sabine Dubernarnd en rigole encore: "C'était un marxiste intransigeant? il avait, lui, une autre histoire officielle!"

Maintenir le contact
Sabine Dubernard arrive à Buenos Aires du Chili. Elle a en effet été proviseure du lycée de Concepción durant cinq ans, après avoir passé trois ans dans l'hexagone: "C'est bien d'avoir passé du temps en France. Au bout d'un moment, on perd le contact avec la réalité nationale, le contexte des réformes, les grands débats de la société française. Dix ans d'expatriation ininterrompue, c'est trop long. En tant que proviseur, on représente aussi l'Etat français. Il faut donc maintenir le contact".
Elle évoque avec une évidente gourmandise les défis intellectuels qui l'attendent en Argentine, notamment "l'harmonisation" des programmes: "Le lycée a une double tutelle, française et étrangère, et doit donc respecter les programmes scolaires des deux pays afin de délivrer à la fois le bachillerato et le  baccalauréat. Bien sûr, un gros effort a déjà été fourni pour éviter la juxtaposition des programmes dans les deux langues. Mais on peut aller plus loin, par exemple en étudiant simultanément la fonction grammaticale des déterminants dans les langues française et espagnole".

Innover dans la pédagogie
A cet égard, Sabine Dubernard se félicite du "nouvel esprit d'ouverture" qui règne à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), "sa bienveillance à l'égard de l'innovation pédagogique": cela permet de mieux prendre en compte les réalités locales, ce qui n'était guère le cas dans les années 80. De fait, le lycée appartient bel et bien au paysage scolaire argentin: "Quelque 40% des élèves sont français, ou plus exactement franco-argentins ; chez eux, ils pratiquent donc l'espagnol. Au total, je suppose que seulement 10% des élèves parlent français chez eux !".

La gratuité pour les élèves français de la terminale à la seconde ? "Au lycée franco-chilien de Concepción, je n'ai pas constaté d'afflux d'élèves provoqué par cette mesure: en général, les élèves français (nés en France) étaient de toute manière déjà inscrits. En revanche, certaines familles ont peut-être été incitées à récupérer leur nationalité française. Quant au reste, si on reçoit plus d'élèves, je ne m'en plains pas !" Le risque de réduction de l'enveloppe des bourses ? "En fait, alors que le budget général de la fonction publique française diminue, l'enveloppe de l'AEFE devrait se maintenir: c'est déjà une bonne chose". Mais en Argentine, le lycée, confronté à la hausse générale du niveau de vie, a dû augmenter ses frais de scolarité (+17% en 2011). En outre, les demandes de bourses émanant d'élèves en difficulté sont de plus en plus nombreuses. Du coup, la part des frais de chaque famille couverte par la prise en charge se trouve mécaniquement réduite: "Cela créé une impression de baisse générale", reconnaît-elle.

Apprendre le tango
Depuis son arrivée, en juillet dernier, la nouvelle proviseure de Mermoz s'est tout entière consacrée à son travail. A l'exception de quelques sorties de choix, par exemple pour écouter Tata Cedrón à la Casa del Bicentenario, fin septembre. Elle assiste à ses concerts depuis la fin des années 70, à l'époque où il jouait avec Paco Ibáñez: "A l'époque, les profs étaient très engagés politiquement ; avec les enseignants d'espagnol, nous lisions Pablo Neruda, le répertoire de Tata et même des textes de Fidel Castro ou du Che Guevara! C'était une autre époque? Aujourd'hui, on est beaucoup plus vigilants sur la politique à l'école!" se souvient-elle. Dans quelques jours, les examens de fin d'année seront terminés. Programme de vacances ? Un voyage en France, disfrutar de Buenos Aires et peut-être, peut-être, commencer à apprendre le tango?

Texte et photos de Barbara VIGNAUX (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) - mercredi 15 décembre 2010

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Publié le 15 décembre 2010, mis à jour le 8 février 2018

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