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JUSTICE - Isabel Perón rattrapée par son passé

Écrit par Lepetitjournal Buenos Aires
Publié le 15 janvier 2007, mis à jour le 9 janvier 2018

Un juge fédéral de Mendoza a demandé et obtenu l'arrestation de l'ancienne présidente argentine en Espagne, où elle vit en exil. La veuve Perón est suspectée d'avoir favorisé la disparition d'un jeune étudiant et la torture d'un mineur en autorisant les forces armées à lutter contre "les éléments subversifs", juste avant le coup d'Etat de 1976

Isabel Perón a été vice-présidente puis présidente de 1974 à 1976 (photo DR).

La veuve de Perón, présidente de l'Argentine de 1974 à 1976, vivait depuis 1981 une retraite discrète en Espagne. Un magistrat de Mendoza y a mis un terme la semaine dernière. Le juge fédéral Raúl Acosta a demandé à Interpol l'arrestation de María Estela Martínez de Perón (plus connue sous son nom artistique d'Isabel), dans le cadre de son enquête sur la disparition d'un étudiant et l'arrestation d'un mineur, pendant les derniers jours de sa présidence avant le coup d'Etat de 1976. Isabel Perón, 75 ans, a été arrêtée le 11 janvier à Madrid, où elle vit, et remise en liberté conditionnelle en attendant la demande d'extradition. En octobre 1975, elle avait signé des décrets autorisant les forces armées à mener des opérations pour "anéantir la capacité d'action des éléments subversifs", ouvrant ainsi la voie au terrorisme d'Etat. Le juge a mis également en cause l'ancien président du Sénat par intérim Italo Luder, l'ancien ministre de l'économie Antonio Cafiero et l'ancien ministre du travail Carlos Ruckauf, actuellement député. Ils sont poursuivis pour l'enlèvement et la disparition de l'étudiant Héctor Fagetti, arrêté à l'âge de 24 ans par la police de San Rafael en février 1976. L'un des principaux témoins dans l'enquête est un mineur de 17 ans au moment des faits, arrêté et torturé en prison également quelques jours avant le coup d'Etat contre Isabel Perón.
Raúl Acosta a expliqué qu'il avait demandé son arrestation car María Estela Martínez de Perón vit à l'étranger et qu'elle pourrait s'enfuir pour échapper à un procès. "Nous cherchons la vérité, pas la condamnation", a précisé le magistrat dans une interview au quotidien La Nación samedi. Face au juge espagnol, la veuve Perón a refusé de se rendre à la justice argentine, qui devra donc lancer une procédure d'extradition dans les quarante jours. En dernière instance d'une procédure qui promet de durer des mois, la demande d'extradition devra être approuvée par le Conseil des ministres. Le président Néstor Kirchner a déclaré au quotidien Clarín qu'il "ne saurait y avoir d'impunité pour personne".

Une autre affaire : la Triple A

La décision du juge de Mendoza a surpris car c'est plutôt du côté de l'enquête sur la Triple A que l'on attendait une mise en cause formelle de la veuve Perón. Le juge fédéral Norberto Oyarbide, chargé de l'enquête sur les agissements de cette organisation paramilitaire d'extrême droite, l'Alliance anticommuniste argentine, a demandé l'arrestation, le 7 janvier, de Juan Ramón Morales, ex-commissaire de la police fédérale, proche de José López Rega, homme fort du gouvernement d'Isabel Perón. L'ancien commissaire Eduardo Almirón a été arrêté en Espagne et attend son extradition. L
'ancien policier Miguel Angel Rovira s'est rendu vendredi. Une autre personne est encore recherchée par Interpol : Felipe Romeo, responsable de l'organe de presse de la Triple A. Le juge a déclaré qu'il pourrait citer à comparaître l'ancienne présidente.
Jusqu'à présent, Isabel Perón n'avait eu affaire qu'à la justice espagnole : le juge Baltazar Garzón l'avait interrogée comme témoin en février 1997 dans une enquête sur la disparition de plus de 300 Espagnols. Elle avait nié être au courant des crimes de la Triple A, qui auraient fait un millier de victimes.

La danseuse devenue présidente

María Estela Martínez est née le 4 février 1931 à La Rioja dans une famille de la classe moyenne. Elle a étudié au conservatoire du théâtre Cervantes à Buenos Aires. A 23 ans, celle qui se fait appeler désormais Isabel devient danseuse dans une compagnie théâtrale. En tournée au Panama, elle rencontre en décembre 1955 le général Juan Domingo Perón, ancien président argentin en exil. Elle devient sa troisième épouse en 1961 à Madrid. Le couple rentre d'exil en 1973. Perón est élu président le 12 octobre 1973 et elle devient sa vice-présidente. Elle assume le pouvoir le 29 juin 1974, deux jours avant la mort de son mari. Elle doit faire face à l'opposition violente des Montoneros (gauche péroniste) et de l'Armée révolutionnaire du peuple (trotskyste). Son homme de confiance et ministre du Bien-être social, José López Rega, fait la chasse aux opposants avec sa Triple A, créée en 1973. Face à la dégradation de la situation, elle autorise les forces armées à mener des opérations pour "anéantir la capacité d'action des éléments subversifs". La jugeant trop faible, les chefs militaires la chassent du pouvoir le 24 mars 1976. Accusée de malversation de fonds, elle est emprisonnée jusqu'en 1981, date de son départ en exil en Espagne. Bien malgré elle, l'ancienne danseuse est de retour sur le devant de la scène.
Laurence RIZET (www.lepetitjournal.com) Buenos Aires - lundi 15 janvier 2007

lepetitjournal.com Buenos Aires
Publié le 15 janvier 2007, mis à jour le 9 janvier 2018

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