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FEUILLETON - Il fait chaud...

Écrit par Lepetitjournal Budapest
Publié le 21 septembre 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

L'auteur, éditeur et écrivain parle d'une de ses grandes passions, la peinture hongroise

Adam Biro

Éditeur de livres d'art, je me précipite, à chacun de mes passages à Budapest, à la Galerie nationale. Pour voir ce que je ne vois nulle part ailleurs : de la peinture hongroise.

 

La direction peut y offrir la climatisation aux gardiens joyeux (contrairement au Musée des Beaux-Arts?). Ceux qui gardent les trois peintres les plus originaux de la peinture hongroise du XXe siècle : Csontváry, Gulácsy, Farkas. Et aussi les autres, les « fauves hongrois ». Cette école n'a jamais existé, elle fut inventée par quelques historiens d'art actuels, et elle regroupe, en fait, les peintres qui sont venus pour étudier chez Matisse, pour respirer l'air de Paris, centre artistique de l'Europe d'alors ; voir ce qui s'y faisait en matière d'art contemporain. Et pour y rencontrer les autres "étrangers", les Picasso, les Gertrude Stein, les Man Ray, les Pascin, venus eux aussi, parfois à pied comme Brancusi, attirés par cet aimant. (Heureuse époque ! Aujourd'hui, les mêmes artistes iraient à Berlin, à Londres, à New York? n'importe où, sauf à Paris. Ou alors, en vitesse, pour un saut au Louvre?)

L'exposition "Fauves hongrois 1904-1914" est venue en France en 2008. Au Cateau-Cambrésis, à Céret, à  Dijon. La conservatrice du musée Matisse du Cateau m'avait appelé, à l'époque : faut-il présenter cette exposition en France ? Tous ces peintres inconnus, aux noms imprononçables? Ma réponse fusait, tellement j'étais persuadé de sa justesse : si l'on veut construire l'Europe, c'est de cette façon qu'il faut le faire. Ces peintres hongrois se sont rendus à Paris pour s'imprégner de l'air européen. C'est l'occasion rêvée pour montrer que l'Europe, dans sa diversité, est une unité culturelle. Que le temps des frontières est révolu ; que l'identité nationale, française ou hongroise, est une mauvaise blague racontée par des politiciens nostalgiques, hargneux. Français ou hongrois. La diversité existe, et c'est tant mieux. La différence dans l'unité. Ces "fauves" hongrois, les plus doués entre eux, ne copiaient pas les fauves français ; ils s'inspiraient de leur technique picturale, s'appropriaient leur métier, et quant au contenu, ils y ont apporté leurs spécificités hongroises : l'humour (Matisse n'est pas franchement drôle?), la dérision, la sensualité violente, une sexualité débridée. L'ignorance totale de la mesure française, du chemin du milieu.

Et les touristes joyeux, malgré la chaleur accablante ?peu de Français, beaucoup d'Allemands et d'Italiens- regardent le superbe panorama dont on jouit devant la Galerie nationale, ancien palais royal où aucun roi hongrois n'a habité.

Adam Biro* (www.lepetitjournal.com/Budapest) lundi 20 septembre 2010

* L'auteur, éditeur et écrivain, vit à Paris

Publié le 21 septembre 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

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