Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

CULTURE: "Espaces connexes" au Musée Ernst

Écrit par Lepetitjournal Budapest
Publié le 28 septembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

L'?il et la mémoire. Jusqu'au 24 octobre, le Musée Ernst de  Budapest ouvre ses portes à une exposition collective qui porte le titre d'"Espaces connexes"

"Vacaresti" de Mona Vatamanu et Florian Tudor (Photo:Franck Fontaine)

Les réflexions qui entourent tout espace d'expositions ne sont pas nouvelles. On peut ainsi rappeler comment certains artistes, dès la fin des années cinquante, se sont positionnés contre l'idée d'une séparation entre l'espace réel et l'espace "du" réel. Elle pose les questions du statut muséal, du fameux "cube blanc" ou de l'écrin socialement circonscrit qui détermine, par le lieu du regard, la valeur financière et intellectuelle d'un geste esthétique. Mais le fait de faire cohabiter l'histoire d'un lieu comme le Musée Ernst (les audio-guides au centre des ?uvres en témoignent, donnant à entendre les différentes sources ? historiques, émotionnelles, architecturales et urbaines ? du musée en question) et les ?uvres des artistes conviés, est d'une justesse si sobre et discrète que le visiteur aurait tendance à l'ignorer trop facilement. Ainsi, l'histoire d'un lieu (celle du musée) et les histoires de lieux (ceux convoqués dans les ?uvres) s'articulent pour donner chacune à leurs façons ce qui, par le temps qui passe, nous reste de l'?il qui a vu et de la mémoire qui a enregistré.

Mesurer en marchant
S'il faut retenir une ?uvre en particulier et s'y arrêter un long moment, celle de Mona V?t?manu et Florin Tudor est toute désignée. Sur deux murs sont projetés deux vues d'un même lieu où un homme semble prendre des mesures, réfléchir en pied à définir des espaces. Cette vidéo, réalisée près de Bucarest sur les lieux où un monastère orthodoxe fût détruit par le régime Ceausescu, y répond ainsi avec la maladresse inhérente à ce qui tient lieu à la fois de mémoire, de sa toujours caduque mais nécessaire  "reconstruction" et de la place bien palpable d'un présent qui continue d'être. Si l'homme ne semble pas perdu (la bande son montre qu'il agit sous les instructions d'une personne hors cadre qui semble-t-il a les plans du monastère sous les yeux), il reste un corps dans un champ qui redessine à la manière d'un géomètre, sans fouiller pour autant, une réalité perdue qui ne reviendra même pas sous la forme d'une image. Les caméras tournent et enregistrent ce moment simple d'une promenade qui rebondit entre ce qui était et ce qui est. Attise une curiosité qui s'évanouit peu à peu dans l'impossibilité d'oublier ce qui l'est déjà. Rendu à la surface blanche, la neige ou la page, le spectateur hors du drame, de l'attente et de l'image, s'aventurera de lui-même dans cette très modeste et pourtant très forte "révélation".

Coulisses
On pourra également apprécier les photographies de Csoszó Gabriella, qui, délicatement, rejouent le lieu dans le lieu, fleuretant avec une définition mémorielle et décalée de la mise en abîme. La vidéo d'Ursula Mayer, "intérieurs", renoue quant à elle avec une sensibilité peut-être un peu trop surannée, qui confère à l'architecture (la vidéo est tournée dans la maison londonienne de l'architecte d'origine hongroise Ern? Goldfinger) l'inscription et la place du corps féminin, révélant ainsi les interstices qui lient la réalité à la fiction. Plus direct, "Folkemuseum", le documentaire d'Andreas Fogarasi, s'attache, autant dans le montage qui en est fait que le dans le sujet traité, à critiquer la réévaluation constante ? passée et contemporaine ? de la présence historique et culturelle. Cela faisant d'ailleurs écho aux deux installations qui prennent chacune une place particulière dans le musée : celle d'abord du collectif Space Detournement Working Group, qui permet de sortir du musée depuis une fenêtre. Vieille volonté, teintée de politique, d'émettre encore et toujours un paradigme qui ne tient évidemment pas ses promesses : le projet de départ était d'entrer dans le musée et non d'en sortir? L'autre installation, ensuite, celle d'Adrien Tirtiaux, donne à l'ensemble de l'espace d'exposition un décalage assez subtil et qui termine la visite par une montée qui conduit inexorablement le visiteur jusqu'à la sortie ou à la chute, passant un bref instant sous l'installation comme la mémoire au fond de l'?il : le corps tient le lieu comme il voit.

Franck Fontaine (www.lepetitjournal.com/Budapest) mardi 28 septembre 2010

Ernst Múzeum 1065 Nagymez? u. 8. www.mucsarnok.hu

Artistes : Gabriella Csoszó, Dabernig Josef, Andreas Fogarasi, Ursula Mayer, Space Detournement Working Group, Tirtiaux Adrien, V?t?manu Mona & Florin Tudor ? Commissaires : Judit Angel et Eszter Steierhoffer

Publié le 28 septembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

Flash infos