Comment décrire avec précision ce véritable bijou de la pâtisserie française? Mélange de textures, explosion de goût, subtilité, équilibre; on le croirait erratique alors qu'il est juste imperceptible. Il a la forme d'un rubis mais sa valeur ne dépend que de la maîtrise du pâtissier, l'assemblage et le respect des saveurs.
Le macaron, une tradition française
Pourtant, si on ne se fie qu'aux principaux ingrédients, blancs d'?ufs, sucre, poudre d'amande, difficile de croire à une réelle complexité. Lorsque l'on s'attarde sur les jeux et balances de saveurs en place dans la pâtisserie, tout ce qui n'est pas millimétré frise le chaos. Les pâtissiers sont des magiciens qui savent tourner une recette simple en nirvana alimentaire et, en industrie prospère. Le macaron peut à lui seul forger un empire, à l'image de la maison "La Durée", fondée en 1862 et présente aujourd'hui dans de nombreux pays. Malgré une évolution au fil des années, trouvant son origine au Moyen-Age, le macaron reste le joyau le plus convoité, même si les techniques de fabrication se sont mécanisées. Ainsi, en 1904, dans le Dictionnaire encyclopédique de l'épicerie et des industries annexes, Albert Seigneurie parle de "piler les amandes", "légèrement torréfiées" avec du sucre. Il est peu probable que les pâtissiers utilisent encore ses conseils.
Le macaron a muté, selon la demande des clients. D'abord réservé aux rois, il est un "objet" de luxe; prestige et gloire qu'il tentera de préserver. L'image du macaron, et de l'industrie qui en découle, en dépend. De Catherine de Medicis à Louis XVI, les papilles des monarques ont gouté à leur humanité. Le macaron est, plus que tout, un dessert élégant qui fait l'unanimité en France. Celle-ci a donc un héritage non négligeable et des palais sensibles au "nombril du moine." Toutefois, à l'étranger, le dessert français est controversé.
Une volonté, une détermination, une passion
Il faut du courage mais surtout de la détermination pour se lancer à son compte et entamer une aventure pouvant devenir incertaine et risquée. Un français, Guillaume Nicoli, sort du lot à Auckland, et fait découvrir un des desserts les plus connus de la pâtisserie
Lors de notre entretien avec le chef pâtissier Guillaume Nicoli, fondateur de Ma chérie, entreprise créée il y a maintenant trois ans, cette incertitude reste constante et alimentée par les difficultés du quotidien. Du stage d'observation puis d'apprentissage chez Thierry Mulhaupt à Strasbourg puis de la location d'une cuisine dans son ancien restaurant, les obstacles ont été nombreux. S'il concède une "première année difficile" chez Thierry Mulhaupt" en apprentissage et une cadence élevée chez Fauchon, véritable micro-usine avec ses "27 pâtissiers dans le labo", il assure que la pâtisserie fût "une révélation". Il s'est véritablement "familiarisé avec le produit" dans les cuisines de Fauchon sous la houlette du chef pâtissier de la prestigieuse maison, qui comptait près de 25 ans d'expérience.
"En revenant chez moi je faisais de la pâtisserie." Guillaume Nicoli n'allait pas dévier de sa trajectoire, de son destin. 2ème du concours du meilleur apprenti du Bas-Rhin, il arrive 5ème à celui d'Alsace, premier revers professionnel, concédant "avoir raté son concours." Toutefois, c'est loin de l'empêcher dans son tracé. Il a su profiter de cette expérience et de ce qu'il a appris dans les restaurants étoilés.
Si aujourd'hui on lui demande des macarons aux algues et d'autres aux betteraves, ganache de fraises et d'estragon "Meredith", c'est qu'il a l'inspiration, l'instinct, la créativité. Il crée "Ma Chérie" il y a trois ans, louant d'abord la cuisine de son ancien restaurant. Une entreprise naissante, nécessairement fragile mais galvanisée et portée par la détermination d'un seul homme. Des éléments simples, paraissant futiles, sont parfois une véritable problématique. Lorsqu'il a fallu changer de cuisine il y deux ans et "tout recommencer à zéro", ou s'adapter à l'humidité de la Nouvelle-Zélande, il a rebondi.
Toutes les entreprises sont nécessairement sujettes à un peu de chance et surtout, des opportunités. Il a fallu qu'un membre de "Masterchef New Zealand" remarque les macarons du pâtissier français dans un de ses points de vente, C fromage, à Auckland, puis "ça décolle", tout se débloque. Dès lors, l'équipe de Masterchef lui propose de fabriquer une tour de macarons pour la finale. Le chef a logiquement saisi sans hésiter cette formidable chance. Se faire connaître et attirer des clients, voilà le plus périlleux. Une autre facette du métier de cuisinier, sur laquelle il faut se concentrer sans toutefois se laisser entraîner par la médiatisation extrême, et donc dénaturer sa profession. C'est pourquoi Guillaume Nicoli ne participe que tous les deux mois à "Good morning" sur One. Sa place et sa passion le poussent vers les cuisines. La "télévision reste un outil." A la manière de Thierry Mulhaupt, il reste près de ses créations quotidiennes, pour scruter, vérifier, ou disséquer et éviter qu'elles ne tombent dans une routine distraite. Etre intransigeant, encore un autre secret.
Depuis maintenant trois ans, Guillaume Nicoli est constamment présent dans les cuisines. De quelques centaines de macarons par semaine, il est aujourd'hui à la tête d'une équipe de cinq, dont deux formés en France.
L'objectif est d'abord de se créer "un nom", essayer de s'adapter et d'utiliser les recettes françaises pour délivrer des saveurs de qualité. Les macarons sont minimalistes et élitistes en Nouvelle-Zélande, le goût est inhabituel pour les kiwis et souvent troublant. A 34 ans, Guillaume Nicoli, par sa force de caractère et son talent, a commencé une aventure qui grandit d'année en année et offre des macarons conquérants, qui font voyager et transportent nos sens. L'héritage culinaire français est entre de bonnes douilles.