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DANIÈLE MAZET-DELPEUCH - Les saveurs du palais à Auckland

Écrit par Lepetitjournal.com Auckland
Publié le 7 mars 2013, mis à jour le 8 mars 2013

C'est à l'université d'Auckland que l'ancienne cuisinière personnelle de François Mitterrand (1988-1990) est venue présenter « Les Saveurs du palais », un film dans lequel Catherine Frost interprète son rôle. Elle en a aussi profité pour parler de son livre « Carnets de cuisine ? Du Périgord à l'Elysée ». Après la conférence organisée par l'Alliance française d'Auckland, elle a accepté de répondre aux questions du Petitjournal.com/Auckland.

Lepetitjournal.com/Auckland - Pourquoi être venue jusqu'en Nouvelle-Zélande pour présenter votre film ?

Danièle Mazet-Delpeuch - On m'a invitée en Australie et j'ai voulu passer par la Nouvelle-Zélande car j'aime ce pays. Quand on arrive ici, on est saisi par une force de pionnier, une liberté d'imaginer, de construire, d'aller de l'avant. Il y a une énergie très intéressante dans ce pays.

Avez-vous directement collaboré avec Christian Vincent, le réalisateur du film ? 

Christian Vincent a été emmené par Etienne Comar, le producteur. C'est lui qui a eu l'idée de ce projet de film. Il a tout trouvé : le financement, les associés, les acteurs et l'actrice surtout.

Qu'avez-vous pensé du film et de la prestation de Catherine Frot qui interprète votre rôle dans le film ?

J'adore le film. J'ai eu beaucoup de chance que ce soit Catherine Frot qui ait été invitée à tenir ce rôle. Je trouve que c'est une femme intéressante et courageuse. On se ressemble physiquement en plus. Et puis, c'est un tel cadeau pour moi que quelqu'un trouve que mes petites histoires soient assez intéressantes pour en faire un film.

Avez-vous échangé des idées avec elle ?

Nous nous sommes défendu d'intervenir dès le début. Je ne voulais pas mais d'ailleurs elle ne me l'a pas demandé. Au départ elle ne souhaitait même pas me rencontrer. C'était la première fois qu'elle interprétait quelqu'un qui existe, elle avait peur de ne pas arriver à donner le meilleur d'elle-même en tant qu'actrice en me rencontrant. En revanche, elle m'a expliqué comment se construit un rôle. Elle m'a donné des conseils pour arriver à se désolidariser mentalement du personnage incarné. Et cela m'a certainement permis d'accepter les divagations de la personne qui a écrit le scénario et qui ne sont pas toujours à mon goût.  

Qu'est-ce que cela fait de se voir à l'écran ?

Je ne me vois pas à l'écran, je vois Hortense. Dans l'esprit des gens, Catherine, Hortense et Danièle c'est la même entité mais en réalité nous sommes toutes les trois complètement différentes.

Pourquoi a-t-on fait un film sur cette période de votre vie vingt ans après ?

Cette histoire de cuisinière à l'Elysée fait frétiller tout le monde. Il y a tout un tas d'interrogations derrière le fait qu'une femme tienne ce rôle : « Qu'est ce qu'elle faisait dans cette galère ? » ; « Est-ce que c'est vrai qu'il y a des goûteurs à l'Elysée ? » ? Les gens se posent beaucoup de questions autour des cuisines de l'Elysée. Un monsieur ? le réalisateur ? est tombé sur un article et il avait l'argent pour se lancer dans la réalisation d'un film.

Les cuisines des palaces sont justement réputées pour faire partie d'un univers masculin, faut-il être une femme de tête pour se faire sa place dans le milieu ?

Les choses évoluent : les femmes osent de plus en plus faire ce qu'elles ont envie de faire. Mon histoire à l'Elysée, c'était il y a plus de vingt ans et tout a bien changé depuis. Néanmoins, il n'y a toujours pas de femmes à l'Elysée.

D'après vous, pourquoi François Mitterrand a fait de vous sa cuisinière personnelle ?

Quand on me pose cette question je réponds qu'il faudrait directement le lui demander car je n'en ai pas la moindre idée. En tout cas, cela m'est bel et bien arrivé.

Pourquoi avez-vous accepté ?

Je me le demande encore. J'ai accepté, c'est tout. J'aurai pu refuser mais je ne l'ai pas fait.

A votre arrivée à l'Elysée, quel a été votre premier sentiment face à la hiérarchie, aux normes et aux convenances ?

J'ai surtout eu peur de ne pas être à la hauteur. Mais nous sommes toujours à la hauteur de nos choix. Cela s'appelle « l'adaptation ». Quant à la hiérarchie, je n'y fais pas attention dans la vie en général. J'ai appris que cela ne menait nulle part. Je ne me bats pas contre la hiérarchie, je n'entre pas dedans. Si je sens que ça doit coller avec la situation, je vais juste dans cette direction. Je  ne me pose aucune autre question.

Quelle était la nature de vos rapports avec le président de la République François Mitterrand ? 

Nous avions des rapports distants et confiants. Comme dans le film en fait. Il y avait une espèce de tranquillité entre nous. Il m'a engagé comme cuisinière, pas comme directrice de cabinet donc les choses étaient simples. A partir du moment où je lui proposais quelque chose qui lui convenait parfaitement, tout allait bien.

Y a-t-il une sorte d'amitié qui s'est instaurée entre vous ? 

Non, je ne pense pas. Il ne faut pas oublier que le président de la République est quelqu'un d'important dans un pays. Et en France, François Mitterrand ne laissait ignorer à personne qu'il était le président de la République. Moi j'étais la cuisinière. Lui ne voulait pas être cuisinière, moi je ne voulais pas être président de la République.

Quelle a été la réaction de François Mitterrand après le premier repas que vous lui aviez préparé ?

Il est retourné à ses occupations, normalement. Donc cela voulait dire que tout allait bien, que le repas lui avait convenu.

Peut-on en savoir plus sur ses plats préférés ?

C'est une question à laquelle je ne réponds jamais par pure éthique. Je ne parle pas de mes hôtes, quels qu'ils soient. Si vous venez chez moi, je ne vais pas raconter à votre meilleur ennemi que vous vous êtes gavé de foie gras. Vous êtes mon hôte, vous avez le droit à mon respect, à mon silence et au respect de votre vie privée.

Pensez-vous avoir contribué à l'humeur de François Mitterrand et peut-être à certaines de ses décisions politiques à travers votre cuisine ?

Quand vous êtes cuisinier, vous avez le pouvoir absolu de rendre quelqu'un heureux ou grognon. Après, dire que ma cuisine a influencé ses choix politiques, cela donnerait une importance à mon travail qu'il n'a pas réellement. Mais il se peut. Quand je savais que le président était dans un moment important, mon travail était aussi de ne pas faire une sauce trop lourde afin qu'il ne s'endorme pas sur son bureau. Dans ce sens là, peut-être ai-je contribué à certains choix ? 

Comment s'est amorcé votre départ de l'Elysée ?

L'aventure était terminée, tout simplement.

Mathilde Malnis (www.lepetitjournal.com/auckland) vendredi 8 mars 2013

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Publié le 7 mars 2013, mis à jour le 8 mars 2013

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