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CLEMENT PERRIN - Chef de mission à Médecins Sans Frontières

Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 16 mars 2017, mis à jour le 17 mars 2017

 

Clément Perrin, en quoi consiste votre action au sein de Médecins Sans Frontières ?

Je suis chef de mission. Donc je supervise et coordonne les activités sur l'ensemble de la Grèce pour la section française de Médecins Sans Frontières. Il y a un projet à Athènes, un à Samos et un à Pyrrhus. Tous ont pour but de venir en aide aux populations migrantes en Grèce. Qu'elles soient en transit ou qu'elles aient demandé l'asile ici. Je définis les priorités de MSF en terme d'activités avec les équipes qui sont sur le terrain, face aux besoins qu'elles rencontrent. On analyse ces besoins et on propose une réponse adaptée. On met en association les ressources financières, humaines, logistiques, communicatives. Avec mes collègues des autres sections, je suis aussi en charge des plaidoyers, de la communication autour de la situation des migrants en Grèce aujourd'hui.

Les réfugiés en Grèce sont souvent dans une situation extrêmement précaire. Comment les aidez-vous ?

MSF est une organisation en priorité médicale. La question, c'est comment on définit l'assistance médicale pour ces populations. Ne pas pouvoir dormir dans un vrai lit, c'est du domaine du médical ! L'axe principal de notre activité, c'est le soutien psychologique ou psychiatrique. Des gens souffrent de dépression, d'anxiété ou, dans le pire des cas, de désordres symptomatiques. Suite à des expériences douloureuses comme les bombardements, les violences, les abus sexuels. Que ce soit des expériences vécues dans leur pays d'origine, pendant leur voyage, ou même en Grèce. Des acteurs médicaux sont déployés dans les camps de migrants. Mais on a aussi une offre de soins plus large.

On a une clinique à Lesbos qui prend en charge des personnes avec des maladies chroniques, des problèmes psychologiques. On héberge également des familles avec des enfants en bas âge ou des personnes malades. Mais aussi, on a des médiateurs culturels pour sensibiliser à la santé dans des squats où beaucoup de migrants se trouvent. Pour finir, on a une clinique sur la place Victoria, à Athènes, ouverte de nuit. Et un projet pour aider les gens victimes de violences, de tortures. On les suit médicalement, psychologiquement, psychiatriquement. 

« Aucune priorité n'est donnée aux personnes vulnérables comme les mineurs »

Quelle est la position de Médecins Sans Frontières sur la crise migratoire ?

On n'est pas un acteur politique. Mais on a un engagement. Ce qu'on demande aux pays européens, c'est d'accueillir les gens avec dignité. Je ne pense pas qu'il faille différencier un réfugié d'un migrant. Tous fuient avant tout une situation de guerre, de pauvreté extrême, de violences graves. On pense qu'il y a beaucoup de pays en capacité de les accueillir sur un court ou long terme. On l'a vu dans le passé ! Plusieurs milliers de personnes sont bloquées dans les îles depuis des mois. Les soins de santé sont limités, ils vivent entourés de barbelés, de policiers. On est prêts à accepter ce qui est le mieux pour les gens. Il y a le processus de relocalisation. Le problème, c'est qu'ils ont souvent des proches quelque part et qu'ils ne peuvent pas les rejoindre. Ils n'ont pas le choix de la destination. Aucune priorité n'est donnée aux personnes vulnérables comme les mineurs ! Et ce programme n'est ouvert qu'au Syriens et aux Érythréens. Les autres aussi doivent être accueillis ! L'Europe présente l'accord passé avec la Turquie comme un succès ! Or, la fermeture de la frontière de la Turquie fait prendre des risques aux migrants. Si l'Europe voulait vraiment arrêter les passeurs, il aurait fallu organiser le passage entre la Turquie et la Grèce sur la terre ferme. On aurait pu tout mettre en place calmement.

Où en est la situation aujourd'hui ?

Ce que je sais, c'est que les réfugiés syriens essaient de fuir l'un des conflits les plus meurtriers de l'histoire récente de l'humanité.

L'Europe, à travers l'accord avec la Turquie empêche ces personnes de fuir. De chercher une vie meilleure. Cette politique est xénophobe, sécuritaire. On est en droit d'attendre mieux des démocraties européennes. Cette situation a des répercussions au niveau mondial. La situation s'empire. Les gens ont de moins en moins la possibilité de fuir. Imaginez : une famille qui est bloquée en Turquie. Un passeur lui réclame mille euros par personne. Elle sait qu'elle se retrouvera bloquée dans les îles grecques. Ils ont le choix entre prendre des risques immenses et rester dans une situation plus que mauvaise. J'ai l'exemple d'une femme qui a fait traverser son fils de dix ans pour qu'il rejoigne l'Allemagne. Plus tard, elle a voulu faire de même. Elle est bloquée en Grèce. Son fils est arrivé en sécurité en Allemagne mais elle a très peu de nouvelles. Les problèmes administratifs sont terribles. Elle a réalisé les risques qu'elle avait fait encourir à son fils en le faisant traverser. Elle a même essayé de se suicider à plusieurs reprises...

« Il y a eu une chaîne de solidarité hallucinante »

La Grèce arrive-t-elle à faire face ?

En terme de réception, la Grèce a eu une très mauvaise gestion. C'est le laboratoire d'expérimentation politique de l'Europe pour la protection de ses frontières. La Grèce manque d'efficacité. Il a fallu attendre qu'il neige à Lesbos pour que des réfugiés soient transférés dans des centres d'accueil, des hôtels. Ils vivaient dans des tentes, en surnombre ! Il y a une minorisation de la part de l'état grec face à la souffrance de ces personnes. Mais c'est la politique de l'Europe qui est à la racine du problème. La Grèce a été épinglée par la Cour européenne des droits de l'homme pour sa gestion de la crise migratoire. Donc, depuis 2011, aucun pays ne lui renvoyait des réfugiés. Aujourd'hui, l'Allemagne souhaite réactiver les expulsions, affirmant que la Grèce s'en sort mieux. Ce qui est faux ! Elle ne peut pas prendre en charge la situation.

À un autre niveau, les Grecs ont été exceptionnels ! Il y a eu une chaîne de solidarité hallucinante. Des pêcheurs ont arrêté de travailler, pris leurs bateaux, et sauvé des réfugiés !

Justement, autre crise, celle que vit la Grèce. Près de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Que fait Médecins Sans Frontières ?

L'ensemble de nos cliniques à Athènes est complètement ouvert aux Grecs. Certains viennent consulter. On a fait des donations à des services sociaux publics, comme les municipalités. On a donné des couvertures, du matériel, pour les personnes qui vivent dans la rue. On a aussi donné du matériel médical à des hôpitaux. Ce n'est pas notre vocation première de travailler à la remise à niveau du système de santé. Mais j'invite la population grecque à profiter de nos soins !

Avez-vous, plus que jamais, besoin de dons ?

MSF fonctionne à 95% grâce aux dons privés des particuliers ou des entreprises. Ce qui garantit notre liberté d'action. On ne nous impose pas d'agenda politique. Grâce aux dons, on peut se déployer très rapidement sur des zones de conflits. Donc on en a toujours besoin.

Médecins Sans Frontières :

15 rue Xenias ? 155 25 Athènes

19-21 rue Theofanous ? 115 23 Athènes

Soins accessibles à tous : clinique de la place Victoria ? Athènes - ouverte de nuit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C.B. (lepetitjournal.com/Athenes) vendredi 17 mars 2017

lepetitjournal.com Athènes
Publié le 16 mars 2017, mis à jour le 17 mars 2017

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