Édition internationale

THIERRY MARIANI - "Le problème n’est pas que les gens partent, c’est qu’ils n’aient pas envie de revenir"

Écrit par Lepetitjournal Sydney
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 mars 2014

Thierry Mariani est député des Français de l'étranger depuis juin 2012. Il profite de la trêve de l'assemblée nationale pour faire une tournée de 21 jours entre l'Australie et le Vanuatu. Celui qui passe en moyenne 18 jours par mois à l'étranger a accepté de répondre à nos questions un dimanche matin, au café de l'hôtel Hilton de Sydney

Lepetitjournal.com - Vous êtes le Député des Français établis dans la 11ème circonscription de l'étranger (Asie, Russie, Océanie). Quel est votre rôle ?

Thierry Mariani - Représenter les 100.000 Français qui sont enregistrés dans les consulats de Kiev à Suva (ndlr capitale des iles Fidji), voter les lois et contrôler l'action du gouvernement. Être député des Français de l'étranger induit aussi quelques missions spécifiques.

Premièrement, suivre et s'occuper de tout le réseau d'enseignement.

La France est l'Etat au monde qui fait le plus gros effort pour entretenir un réseau d'écoles, de collèges et de lycées homologués à l'étranger.

Deuxièmement, porter une attention particulière aux réseaux diplomatique, culturel et économique à l'étranger. Des chambres de commerce comme le FACCI sont des atouts indéniables dans l'exportation.

Troisièmement, s'occuper des problèmes spécifiques des français expatriés. Par exemple, ce dimanche matin, j'ai deux rendez-vous : le premier concerne un renouvèlement de carte vitale, le second, un renouvèlement de passeport.

Y a t il des préoccupations spécifiques des Français en Australie ?

Il n'y a pas de vrais problèmes pour les Français expatriés en Australie. Il n' y a pas de préoccupation de sécurité, pas de préoccupation environnementale. L'Australie est un état de droit où la stabilité économique et la situation juridique sont comparables à la France. Je suis désolé mais si nos concitoyens enfreignent la loi locale, ils savent très bien à quoi s'attendre.

A ce propos, qu'avez-vous pensé de la lettre consulaire dans laquelle Eric Berti, le consul de France rappelait à l'ordre certains Français sur leur comportement ? (ndlr les backpackers)

C'est  dommage d'en arriver là. Quand je dis c'est dommage, ce n'est pas le consul que je condamne, c'est ceux qui se livrent à ce genre de pratiques parce que ça donne une image déplorable de la communauté française.

Selon vous, l'expatrié a-t-il une responsabilité particulière vis-à-vis de l'image de la France ?

Bien sûr. Ce qui s'est passé en Australie donne une mauvaise image de notre pays, je pense qu'il faut vite passer à autre chose.

Ça montre aussi qu'en France on a dépassé certaines bornes de permissivité. Ce qui se règle presque à l'amiable au supermarché d'Avignon ne se règle pas de la même façon en Australie ou ailleurs.

Au delà de la loi, il y a aussi une différence de mentalités. En France, voler un supermarché (très riche), c'est presque moralement excusable alors qu'ici pas du tout : "le vol, c'est du vol".

C'est excusable pour certains, pas pour moi. Voler c'est toujours répréhensible. Je pense que nos concitoyens à l'étranger doivent savoir que, quand on est dans un autre État, on respecte le droit du pays en question.

Quand on est à Singapour et qu'on a 3 grammes qui trainent dans une poche c'est répréhensible, et durement répréhensible. Voler en Australie, même un supermarché, même s'il est d'une chaine très riche, ça reste un vol, il n'y a pas d'excuse.

Du coup, quelle image avez-vous de l'expatrié français en Australie ?

On parle toujours des cas particuliers plus que des généralités. L'écrasante majorité de la communauté française en Australie ne pose aucun problème.

D'abord, elle est très heureuse en Australie et est appréciée des Australiens. Quand je reçois des Australiens au parlement français, je constate que l'image de la France est bonne. De toute façon, l'image de l'expatrié français dans le monde est très bonne car 99% se comportent très bien.

En France, on parle toujours d'immigration, et ici on parle des Français comme des expatriés, alors quelle est la différence conceptuelle entre l'expatrié et l'émigré ?

Au final ces mots recouvrent une même réalité…

Il y a quand même un paradoxe : l'expatrié promeut les valeurs françaises (nous avons en ce moment même le French film Festival placardé partout dans Sydney) alors qu'en France, on a tendance à demander à l'immigré de mettre de côté sa culture d'origine.

Il y aussi des festivals de communautés d'origine immigrée en France. Le problème c'est que le droit français de l'immigration est particulièrement permissif. Si un émigré enfreint la loi en France, on ne le sort jamais du pays.

Revenons à l'expatriation, le groupe UMP a proposé en février une commission d'enquête sur l'exil des forces vives de la France. Quel regard portez-vous sur le nombre croissant de jeunes Français qui décident de tenter leur chance en Australie ?

Quand je vais au Japon, à Shanghai, en Australie, et même dans d'autres pays qu'on ne soupçonne pas, notamment les pays de l'ASEAN, je suis effaré par le nombre de jeunes qui ont le profil 25-32 ans, diplômés d'études supérieures, qui disent clairement : "Moi je suis parti parce que je pense que j'ai plus de chance de réussir ici qu'en France".

En France, on est dans une situation paradoxale : on exporte nos jeunes diplômés et on importe des assurés sociaux. Il y a un moment où ça ne peut pas tenir très longtemps.

Il y a une étude de la chambre de commerce de Paris, parue dans Le Monde il y a quelques jours, qui dit que la plupart de ces jeunes n'envisage pas de revenir.

Moi j'ai 55 ans et je suis originaire du Vaucluse. À l'époque, on partait à Paris travailler quelques années. Maintenant, il faut considérer ces expériences à l'étranger comme un changement d'échelle. C'est tout à fait normal et même bénéfique. Le problème n'est pas que les gens partent, c'est qu'ils n'aient pas envie de revenir.


Propos recueillis par Adrien Wallet (www.lepetitjournal.com/sydney) lundi 24 mars 2014

Le Petit Journal Sydney
Publié le 23 mars 2014, mis à jour le 23 mars 2014
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