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DOSSIER DROGUES 1ère partie - L’Australie, un pays de junkies ?

Écrit par Lepetitjournal Sydney
Publié le 5 avril 2017, mis à jour le 5 avril 2017

S'il y a une chose que l'on peut trouver aujourd'hui dans l'ensemble des pays du globe, c'est bien la drogue. En poudre, en liquide, à fumer ou en pilules, elle existe sous de multiples formes qui ne cessent d'évoluer. Que l'origine soit naturelle ou chimique, la drogue est une substance qui a la capacité de modifier et d'altérer les mécanismes neurologiques et parfois physiques des individus. Bien que sa création ne soit pas récente, la drogue bénéficie dorénavant d'une large diffusion sur l'ensemble de la planète. D'après le rapport annuel mondial de l'ONU, on estime à travers le monde qu'environ 250 millions de personnes ont consommé de la drogue en 2014. Toutefois, qu'en est-il de l'Australie ? Que ce soit sur la toile ou en discutant avec des expatriés, tout porte à croire que l'Australie est l'endroit rêvé pour se procurer et consommer de la drogue. Mais est-ce vraiment le cas ? L'Australie est-il un pays de junkies (toxicomanes) ? 

Pour différencier le cliché de la réalité, Le Petit Journal de Sydney a mené son enquête pendant deux mois, en allant à la rencontre des services de police et des consommateurs de drogues. Un dossier que nous vous présentons en trois volets. Pour commencer, nous nous concentrerons dans cette première partie sur l'état des lieux des stupéfiants en Australie.

 

L'Australie : un lieu privilégié pour les drogues récréatives

 Dans la salle de classe internationale, l'Australie n'est pas un élève comme les autres. Le  dernier rapport mondial sur les drogues publié en 2016 par l'ONUDC (Office des Nations  Unies contre la Drogue et le Crime) fait état d'une présence importante des drogues dans  ce pays. Deux ans après notre dernier article sur le sujet, le palmarès australien n'a guère  évolué, si ce n'est empiré.

 L'Australie détient une fois de plus le record de la plus grande consommation  de drogues récréatives. En effet, d'après le rapport mondial, elle est à la deuxième  place mondiale pour la consommation de d'amphétamines, et à égalité à la première  place avec les Pays-Bas en ce qui concerne l'ecstasy (ou MDMA). Par ailleurs, il faut  préciser que l'Australie fait également partie de 10 plus grands consommateurs de  cannabis, où l'on estime qu'environ 10% de la population en consomme  régulièrement, ce qui représente 2.300.000 d'Australien(ne)s. Les services locaux  confirment également ces chiffres en hausse. « De 2010 à aujourd'hui, il y a eu une augmentation considérable de la consommation de drogue en Australie, et particulièrement en ce qui concerne le chrystalmeth et la métamphétamine (MDMA) », nous indique lors d'un entretien Murray REYNOLDS, commandant du service drogue & alcool des forces de Police du New South Wales (NSW). Il indique cependant ne « pas avoir de chiffre exact » quant au nombre de fois où la police intervient sur une affaire liée à la drogue. 

Pour avoir un aperçu de ce qui se passe vraiment en Australie, nous avons rencontré trois consommateurs de drogues qui ont accepté de témoigner sous couvert d'anonymat. Nous les appellerons John, Sam et Tom.* Tous natifs de l'Australie, ils ont entre 18 et 40 ans et sont répartis dans les états du Queensland et du New South Wales. 

Nous leur avons posé des questions similaires et le constat est sans appel.  L'Australie est un lieu privilégié pour les drogues récréatives. Les trois  Australiens, qui consomment régulièrement avec leurs amis de l'ecstasy (MDMA) et  du cannabis, indiquent tous la même chose : « Je consomme de la drogue pour  m'amuser avec des amis, me détendre et profiter de la fête », comme le précise  Tom. « J'ai commencé à fumer du cannabis avec mes amis quand j'avais 13 ans.  C'était pour s'amuser, on était curieux ! » indique John. De son côté aussi, Sam  indique « en consommer, parce que cela détend, on peut profiter de ses amis, c'est  vraiment cool ! ». De plus, à la question ?'Est-ce que vous avez besoin de drogues  pour vous amuser ?'', Tom nous répond ceci : « non c'est pas un besoin, je peux  m'amuser sans mais le fait d'en prendre crée des avantages sociaux. Ça élimine les  inhibitions, les barrières et ça fait que tu aimes tout le monde ! ». Avec un tel attrait  pour l'amusement, on se pose alors la question : Est-ce en rapport avec un certain  mode de vie décontracté à l'Australienne que beaucoup affectionnent ? S'il est  difficile de l'affirmer avec certitude, il semblerait peut-être que cela illustre une volonté d'émancipation et de lâcher-prise des Australiens qui vivent dans une société anglo-saxonne où les règles seraient omniprésentes. Bien que des raisons sociologiques puissent être mises sur la table, ce ne sont pas là les seules explications d'un tel constat.

 

Des stupéfiants renforcés par l'accroissement des inégalités 

Récemment, les exemples de faits divers liés au trafic de stupéfiants se multiplient dans les médias australiens. Le 29 décembre 2016, 500kg de cocaïne sont interceptés dans le port de Sydney; la police arrête une quinzaine d'australiens. Au mois de janvier dernier, trois personnes sont mortes et vingt autres ont été hospitalisées pour des overdoses d'ecstasy à Melbourne. Et le 02 février 2017, les services de police australiens et néo-zélandais ont réalisé une saisie historique mettant en cause six personnes dont quatre australiens : 1,4 tonne de cocaïne était dissimulée dans un voilier au large de l'Australie. Tout cela pendant une période de trois mois. A ces événements il faut bien sûr ajouter les nombreux scandales liés aux stupéfiants lors des nombreux festivals australiens.

Même si la situation est liée à des facteurs culturels, elle s'explique cependant par d'autres raisons. Il s'agit aussi et surtout d'une question économique et sociale. En effet, de nombreux spécialistes sur la question, à l'image d'Alex WODACK, Président de la fondation pour la réforme des lois sur les drogues en Australie, s'accordent à dire que la situation des drogues dans le pays ne fait qu'empirer depuis bon nombre d'années. Alex WODACK nous indique par téléphone que « l'une des principales raisons de cette augmentation est due au renforcement des inégalités en Australie. Le fait d'avoir davantage de pauvreté débouche malheureusement souvent sur une consommation plus importante de drogues, et à l'inverse, la jeune génération australienne actuelle dont le niveau de vie est plus élevé qu'il y a 50 ans (?) se tournent davantage vers ces substances comme la cocaïne ou le LSD, qui sont plus chères en Australie. » Et dans un article que nous avions publié début février 2017, nous indiquions que l'écart de richesse entre les classes sociales se creusait toujours un peu plus. "Les riches semblent s'enrichir, tandis que le reste de l'Australie est en difficulté, résume l'économiste et co-auteur du rapport Jeff E. Oughton auprès du Sydney Morning Herald Post, il y a un fossé entre les ménages".


En définitive, l'Australie se distingue aujourd'hui comme un pays où les stupéfiants progressent rapidement. Avec une consommation record d'ecstasy en 2016, un environnement social singulier et un renforcement important des inégalités, l'Australie est devenu un lieu adapté et privilégié pour les drogues récréatives. Cela est-il lié à un certain comportement de la part des Australiens ? Dans une société anglo-saxonne où les citoyens sont constamment submergés par des règles, n'agissent-ils pas ainsi pour pour les contourner quand ils le peuvent ? En quelque sorte, pour lâcher prise ? S'il est difficile de l'affirmer, d'autres questions se posent : s'agit-il d'un cas isolé à l'échelle planétaire ? L'Australie n'est-elle pas le reflet d'une tendance mondiale où l'accès à la drogue est facilité ? Eléments de réponse dans la deuxième partie de cette enquête.

Maxime THURIOT, lepetitjournal.com/sydney, Mercredi 05 Avril 2016

Sources Images : Wikimedia Commons - ONUDC

Pour plus d'informations, cliquez sur ce lien et accédez aux cartes interactives du rapport mondial sur les drogues de l'ONUDC : https://www.unodc.org/wdr2016/interactive-map.html

* Pour des raisons d'anonymat, nous avons modifié le nom des personnes interrogées. 

Le Petit Journal Sydney
Publié le 5 avril 2017, mis à jour le 5 avril 2017

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