

S'ouvre aujourd'hui à Sydney l'exposition d'un des plus grands artistes conceptuels français, Christian Boltanski qui explore le concept de chance dans la vie, la mort, l'amour. Un grand artiste à découvrir ou à redécouvrir.
Christian Boltanski pense qu'il y a deux catégories de personnes: celles qui attribuent les changements de la vie à un ordre pré-établi et celles qui les attribuent à la chance. L'artiste français appartient sans hésitation à la deuxième catégorie. "Je crois en la chance, je ne suis pas religieux". L'artiste de 69 ans déclare que sa naissance elle-même fut un pur hasard puisqu'elle est le résultat de sa mère catholique qui cachait son père juif dans la cave de sa maison durant la guerre.
"CHANCE" est aussi le titre de l'exposition du très grand artiste qui commence aujourd'hui à Sydney à la galerie Carriageworks. « CHANCE » c'est au départ une installation de Christian Boltanski qui représenta la France à la 54e Biennale de Venise et fut vue par plus de 440 000 visiteurs sur le Pavillon Français. L'oeuvre circule depuis dans le monde entier et s'arrête deux mois à Sydney ou l'artiste réinterprètera son oeuvre tel un opéra rejoué dans un nouveau théâtre.
Le concept de destinée qui préside pour Boltanski à notre conception, notre naissance et notre programme génétique est exploré depuis des décennies par l'artiste un brin provocateur. Boltanski traite donc avec cette nouvelle création l?un des thèmes qui lui sont chers, celui du hasard, de la chance et de la malchance, des forces qui fascinent et imposent leurs lois. Son oeuvre est une machinerie complexe (on pense à une grosse presse offset ou à un gros échafaudage) qui fait défiler par intermittence et dans un bruit assez infernal les images de 6000 nouveaux-nés (polonais d'ailleurs, dont la photo a été récupérée dans le journal). Deux compteurs affichent simultanément et en direct les naissances et les décès du jour?Parabole d'une vie toujours plus forte que la mort. L'artiste clame d'ailleurs que Chance est une oeuvre joyeuse, en tout cas optimiste. Cette pièce est même interactive, puisque le regardeur peut décider à tout moment d'en arrêter la course en poussant un simple bouton installé dans l'oeuvre.
Christian Boltanski est figure majeure de la scène artistique internationale. Il a surtout toujours été un artiste de la mémoire, un plasticien du temps. Que ce soit avec ses grands monuments à l'enfance disparue, ses boîtes de biscuits pleines de souvenirs d'individus anonymes ou ses étagères remplies de vêtements usés ou encore son exposition sur les battements de coeur, cet artiste français né en 1944 et célébré dans le monde entier est un maître de l'espace théâtral, un metteur en scène de l'émotion. En photo ou en vidéo, en performance éphémère ou en installation monumentale son art ne traite que d'un seul et même sujet: la rébellion contre la disparition, l'oubli, la mort. « Tout art est surtout une tentative d'empêcher la mort, la fuite du temps ». Un art profondément humain.
C'est aussi pour cette passion pour le hasard que Boltanski a entrepris une collaboration avec l'un des collectionneurs d'art les plus connus au monde, un australien nommé David Walsh, fondateur du Museum of Old and New Art en Tasmanie. En 2010, Boltanski vend son âme à Walsh. Le quotidien de l'artiste dans son atelier français est filmé en permanence par des caméras très sophistiquées, les images sont enregistrées et renvoyées dans une grotte de Tasmanie où elles sont conservées et projetées en direct. En contrepartie, Walsh verse une pension à Boltanski. Pour que l'opération soit rentable, le collectionneur joueur a parié sur une mort de l'artiste dans les huit ans suivant la signature de cet étrange contrat. L'?uvre est en route depuis janvier 2010.
"Chance" de Christian Boltanski à l'espace d'art contemporain Carriageworks, 245, Wilson Street, Eveleigh du 10 janvier au 23 mars 2014 dans le cadre du "Sydney Festival 2014"
Flore Gregorini (www.lepetitjournal.com/sydney), vendredi 10 janvier 2014









