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LENTIL AS ANYTHING - Un restaurant associatif et sans prix à Sydney

Écrit par Lepetitjournal Sydney
Publié le 22 mars 2017, mis à jour le 22 mars 2017

En plein dans le quartier de Newtown, trusté par les hipsters, babas cool et autres néo-hippies, il existe une adresse qui respire plus que les autres la "coolitude" du voisinage. Toujours bruyant et plein à craquer, le restaurant Lentil As Anything, en plus de proposer une carte 100% végane, a fait le pari assez osé...de proposer des plats sans prix ! Pour comprendre le concept de l'adresse et son fonctionnement, lepetitjournal.com est allé poser quelques questions à sa responsable, Nicole Khoury.

Quels genres de plats proposez vous à Lentil As Anything ?

Nous avons une grande variété de plats. Pendant le déjeuner, on a une cheffe originaire du Sri Lanka qui propose essentiellement une cuisine typique de chez elle. Elle fait de nombreux mélanges de soupes, d'épices et de choses que la plupart des gens n'ont jamais goûté avant. Elle propose des plats vraiment nouveaux ainsi que des vieux classiques, quitte à mélanger parfois les deux. Ensuite, pendant la nuit, nous avons une sélection de chefs en provenance de plusieurs pays du monde, ainsi le menu change tout le temps. Il y a de la nourriture en provenance d'Amérique du Sud, comme des tacos, de la tarte aux lentilles, différents légumes, etc. On propose donc une cuisine moderne, entre tradition et création. Le menu change tous les jours car nos produits sont basés sur la nourriture que nous achetons. En fonction de ce que nous avons, on les utilise pour faire nos plats. Si on a des carottes, on aura des plats à base de carotte, si on a des aubergines, on aura des plats à partir d'aubergines.

Quel est le concept du restaurant ?

Lentil As Anything est basé sur des principes de confiance, de générosité et d'inclusion. Confiance, parce que l'on fait confiance à nos clients de payer ce qu'ils peuvent se permettre de payer : si vous souhaitez payer 5 dollars, donnez 5 dollars ; si vous souhaitez payer 10 dollars, alors payez 10 dollars, etc. Si vous payez 15 dollars, c'est bon pour nous, car cela nous permet de couvrir le coût de préparation d'un plat. Et si vous donnez encore plus, vous payez une partie d'un repas en avance et grâce à cela, une autre personne que vous sera en mesure de manger. Et pour ceux qui ne sont pas en mesure de payer 5 dollars pour se nourrir ici, ils ont la possibilité d'y travailler, pour pouvoir y manger. Donc certaines personnes vont se porter volontaires afin d'avoir accès à la nourriture que nous proposons. C'est évident que certaines personnes ne pourront pas payer plus de 5 ou 10 dollars. Alors nous comptons sur ceux qui peuvent donner 15 dollars et plus pour faire en sorte que le restaurant continue de tourner. 

Il n'y a donc pas véritablement d'objectif financier chez vous ?

Notre principal objectif, c'est l'inclusion. Tout le monde doit être capable de manger ici. Il y a certes un objectif financier, qui consiste essentiellement à maintenir le restaurant, mais il s'agit avant tout de faire confiance à qui serait en mesure de travailler dans la communauté et la maintenir. Nous ne faisons pas beaucoup d'argent, mais cela ne signifie en rien que notre petite entreprise n'est pas un succès. Nous réussissons car nous fournissons de la nourriture aux plus démunis, de l'espace pour le volontaire afin d'y entrer et de l'espace pour les gens afin qu'ils se sentent à l'aise.

Que voulez-vous dire par "inclusion" ?

Cela signifie que tout le monde peut manger ici. L'inclusion concerne d'abord les bénévoles. Pour ceux qui arrivent de l'étranger, qui ne parlent pas très bien anglais et ne connaissent personne, c'est un endroit idéal pour faire des rencontres et pour parler anglais. Pour ceux qui ne sont plus employés depuis un certain moment, c'est aussi un cadre idéal pour retourner dans la vie active, afin de continuer à sortir et faire des rencontres. Il y a aussi la notion d'inclusion dans l'espace, parce qu'il y a de grandes tables, vous n'avez jamais l'impression de manger seul, même quand vous venez seul. Il y a enfin cette notion d'inclusion dans la nourriture : nous pensons que le 100% végane est la nourriture la plus inclusive qui soit. Dans certaines religions, on ne peut pas manger tel d'animal, dans d'autres, telle bête. Chez nous, n'importe qui peut manger n'importe quel plat. Pareil pour ceux qui sont intolérants au lactose, ils peuvent manger à Lentil As Anything. Au fond, peu importe qui vous êtes, d'où vous venez, quel est votre situation sociale : vous pouvez manger ici.

 Qu'en est-il des sans-abris ? Peuvent-ils également se  porter  volontaires pour avoir accès à votre nourriture ?

 Certaines personnes qui pourraient être sans abri n'ont pas  d'endroit où  manger. Alors elles viennent ici parce qu'elles ne  peuvent pas se permettre de  manger un repas très cher. Il est  préférable pour eux de manger ici plutôt que  de manger une  pizza bon marché.

 D'où est venue cette idée de restaurant sans prix ? 

 Ça a commencé il y a 17 ans à Melbourne. L'homme à l'origine  de Lentil As Anything est venu du Sri Lanka pour créer ce  restaurant communautaire et végane en Australie. Il avait une  vingtaine d'années quand il a décidé d'ouvrir cette adresse, en  bord de plage. Il a remarqué que les personnes qui venaient  n'avaient parfois pas les moyens de s'offrir à manger dans son  restaurant. Alors parfois, ils venaient et disaient qu'ils  paieraient la semaine prochaine. Il leur répondait : "Pas de soucis". Alors il s'est dit que ce ne serait pas une mauvaise idée s'il proposait aux gens de payer ce qu'ils pouvaient se permettre de payer, quelque soit le plat commandé. Je pense que c'était un pari risqué, mais après 17 ans, il y a maintenant quatre adresses à Melbourne, une à Sydney, une autre vient d'ouvrir à Paris et une nouvelle devrait également voir le jour à Turin, en Italie.

Pourquoi avoir décidé de monter un Lentil As Anythig à Newtown ?

Newtown est le meilleur endroit car ça a toujours été un quartier alternatif, depuis les années 80 sûrement. J'ai grandi ici, ça a toujours été un quartier de ce style depuis ma naissance. Peut-être que ça a commencé par les punks, avec leur vêtements et leurs tatoos. C'est un quartier autant alternatif que pro-actif, toujours en recherche de changements sociaux. Ça a évolué depuis, bien sûr - comme beaucoup de quartiers - mais Newtown a gardé son côté alternatif, avec beaucoup de personnalité, de charisme. C'est un endroit qui a toujours opéré différemment, et qui conteste encore à l'heure actuelle les normes sociales.

Comment faites-vous fonctionner le restaurant ?

Nous sommes trois employés. Je suis la seule employée permanente du restaurant. Les deux autres personnes qui travaillent avec moi sont à temps partiel. Ils ont des activités parallèles à leur travail ici. Quant au reste, ce ne sont que des bénévoles. Concernant notre approvisionnement en nourriture, nous recevons des produits de la banque alimentaire, qui sont soit bon marchés, soit gratuits. Nous nous fournissons également sur le marché, où les produits sont moins chers qu'en grandes surfaces. Et ce sont qui plus est des produits de saisons. 

Combien de bénévoles recevez-vous chaque année ?

En un an, on a eu environ 700 bénévoles. Les gens se portent volontaires très peu de temps après avoir mangé ici. Parce qu'ils aiment le concept et qu'ils veulent en faire partie. Il y a un certain nombre de rôles à jouer au sein de Lentil As Anything : vous pouvez très bien être en cuisine ou faire le service, mais vous pouvez aussi vous occuper du nettoyage, jouer de la musique, faire de l'art, enseigner un atelier à une classe et bien d'autres choses encore.

Quel est le volume de travail des volontaires ? 

Ce volume change selon les bénévoles : des personnes travaillent une heure, d'autres peuvent travailler durant une semaine, un mois, un an... C'est très variable. Ça dépend aussi de la personne, si les tâches qu'on lui proposent d'effectuer lui conviennent. 

Quels avantages y a-t-il à être bénévole à Lentil As Anything ?

Vous rencontrez des gens, vous bénéficiez d'une expérience, vous pouvez mettre ça sur votre CV, vous êtes amené à gagner confiance en vous, vous apprenez à travailler avec des gens très différents, à travailler dans un environnement débordant d'activité et stressant, vous apprenez à gérer une clientèle, c'est sûrement aussi l'occasion d'apprendre son futur métier et vous avez l'occasion de faire partie d'une communauté, ce qui est un peu le but quand on vit dans une ville. Il y a un centaine d'avantages à être volontaire ici. C'est plus valorisant que ce que les gens pensent. Et pour certains, qui sont non employés, au chômage, ça leur permet de sortir de chez eux et de s'habituer de nouveau à fréquenter d'autres personnes.

Vous proposez diverses activités ici. Qui concernent-elles ?

Au dessus du restaurant, les bénévoles ont leur propre pièce : une sorte d'espace communautaire. Ils viennent dans cette salle pour faire une pause ou participer à des ateliers comme des cours de salsa, de danse et de yoga, mais aussi faire de la méditation ou participer à des soirées à thèmes (littérature, poésie...). Tout comme en bas, votre participation n'est pas limitée par le montant que vous avez. Pour participer à un atelier, vous payez simplement ce que vous voulez. L'important, c'est juste de savoir à quoi vous souhaitez participer.

Où trouver Lentil As Anything ?

- à Sydney : 391 King St, Newtown NSW 2042. Plus d'informations sur www.lentilasanything.com/sydney

- à Melbourne : 562 High St, Thornbury, Thornbury, VIC 3071 // 1-3 St Helier's Street, Abbotsford, Melbourne, VIC 306 // 233 Barkly Street, Footscray, VIC 3011 // 41 Blessington Street, St Kilda, St Kilda, Victoria 3182. Plus d'informations sur www.lentilasanything.com ou sur www.facebook.com/lentilasanything

- à Paris : 77 Rue de la Marre, Paris, 75020. Plus d'informations sur www.facebook.com/Lentil-as-Anything-Paris-920957771258514

- à Turin : Via Maria Vittoria, 38 (ouverture le 6 octobre 2017)

Crédit photos : Lentil As Anything // A.L.

Propos recueillis par Adrien Lévêque, (lepetitjournal.com/sydney), mercredi 22 mars 2017

Le Petit Journal Sydney
Publié le 22 mars 2017, mis à jour le 22 mars 2017

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