

Fille d'une directrice de casting, Lizzie Brocheré, 28 ans, est actrice depuis son adolescence. Télévision, cinéma, théâtre, elle avait écumé nombre de plateaux avant de traverser l'Atlantique l'année dernière pour tenir le rôle de Grace Bertrand dans American Horror Story. Une série dramatique, psychologique, gore et incorrecte dont le DVD de la deuxième saison vient de sortir en France, idéal en ce 31 octobre ! Alors que les Anglo-saxons s'apprêtent à fêter Halloween, nous avons rencontré la dynamique et heureuse Lizzie.
Lepetitjournal.com - Comment une actrice méconnue en France comme vous s'est retrouvée dans une série américaine très cotée comme American Horror Story ?
Lizzie Brocheré - Par le biais d'une self taping. Vous vous mettez en vidéo sur une cassette et vous l'envoyez, par courrier postal ou par mail, à l'agent qui vous représente dans le pays. De plus en plus de castings américains se font ainsi. Au départ, le rôle était destiné à une Américaine. Mais j'avais tellement accroché en regardant la saison 1 de la série que j'ai tenté ma chance. J'ai un agent en Angleterre, un autre aux Etats-Unis. C'est eux qui font la pluie et le beau temps ! Et j'ai la preuve qu'ils sont bons car celui des Etats-Unis m'a bien placée. Les décideurs avaient confiance en lui, l'ont écouté et j'ai été prise.
Pourquoi avez-vous été captivée par cette série à l'ambiance très noire?
Je trouve les personnages féminins à la fois très intéressants et très dérangeants, un peu borderline par moments, mais avec une vraie beauté du monstre. C'est rare à la télévision. Les producteurs n'étaient pas partis dans le cliché de la blonde hitchcockienne ou des filles des films Souviens-toi l'été dernier. Après, j'ai eu la chance que les producteurs aient choisi une scène du film Une vie volée avec Angelina Jolie (film sorti en 1999 pour lequel l'actrice américaine a remporté l'Oscar du meilleur second rôle, ndlr) pour le casting. J'avais adoré ce film quand je l'avais vu à 15 ans. Et, enfin, c'était le jour de mon anniversaire, je me suis dit : "allez, on fait la scène et on l'envoie". Cinq jours plus tard, j'étais avec Ryan Murphy ! (créateur des séries Nip/Tuck, Glee, et donc American Horror Story, ndlr)
Vous êtes alors entrée dans un autre monde?
Exactement. Déjà, la production m'a fait signer un contrat de sept ans ! C'est le contrat type là-bas. Si la série veut m'utiliser pendant sept ans, elle en a le droit. Ce procédé n'est finalement pas si étonnant que cela car certains dirigeants ont été échaudés par des contrats renouvelables d'année en année qui leur ont coûté très cher. Cela évite les renégociations !
Et il y a eu le déménagement à Los Angeles !
Il a d'abord fallu que je passe le permis avant d'y aller ! J'ai rencontré Ryan Murphy fin mars, le tournage commençait en juin. J'ai donc fait vite, et j'ai même eu le temps de le rater deux fois ! Sur place, la production m'a donné de l'argent pour que je déménage temporairement à Los Angeles. Cela s'appelle le "relocation money". J'ai donc trouvé un appartement que j'ai payé avec l'argent que la production m'avait donné.
"À Los Angeles, je partageais mon appartement avec un membre des Beastie Boys et un sculpteur de 77 ans !"
En préambule je dois dire que je suis bilingue et c'est pour cela que j'étais très intéressée par le fait de travailler avec l'étranger. Concernant la vie de comédienne, cela est très différent de la France. On est plus autonome aux Etats-Unis. Par exemple, en France, on vient généralement nous chercher pour aller sur le tournage, là je conduisais chaque jour pour aller aux studios. Et c'étaient les studios de la Paramount ! Trop cool ! J'avais mon pass, ma loge, les lieux de mes scènes? Le top ! L'équipe avec laquelle je travaillais était très sympa. Je dois dire d'ailleurs que j'ai été bluffée par le rythme de travail des équipes techniques. Nous, les acteurs, nous étions très choyés, avec notamment l'obligation de respecter douze heures de pause entre l'arrêt du travail en fin de journée et la reprise le lendemain. Alors que eux n'ont rien du tout. À la fin des six mois de tournage, ils avaient des cernes jusqu'à la bouche !
Et personnellement ?
J'étais une vraie Parisienne, sans permis, qui aimait se balader à pieds. J'arrive dans une ville géante où l'on peut à peine marcher ! Un petit choc donc. J'avais trouvé un appart dans un ancien entrepôt. Avec moi il y avait un membre des Beastie Boys, et un sculpteur de 77 ans qui faisait des trucs de fou ! Et tout autour des paysages de dingue. Le week-end, je partais souvent dans le sud-est de la Californie vers le parc Joshua Tree, en voiture. J'avais un désert avec des couleurs incroyables à deux heures de chez moi, l'océan à 40 minutes... Tout cela fut très ressourçant, toujours en road trip à San Diego, San Francisco? C'était quelque chose, vraiment.
J'aime beaucoup cette ville alors que je ne pensais que ce serait le cas. Toute la partie Big Sur a été très inspirante pour moi. Plus globalement je trouve que le nord de la Californie a un truc particulier, un peu comme New York. Mais il faut aller avec l'envie de prendre des choses dans la tronche. J'adore être renversée dans mes certitudes, être bouleversée? Et le problème de Los Angeles est qu'il fallait que j'aille chercher les bouleversements en prenant le bus ou la voiture ! Je passais mon temps à aller d'un point A à un point B. Se balader à pied, tranquille est très compliqué. Pour moi, cela manquait de rencontres inopinées, comme dans le film de Crash (de David Cronenberg en 1996, ndlr) où les gens se rencontrent uniquement avec des accidents de voiture. J'en ai d'ailleurs eu un avec une clandestine mexicaine, c'était très drôle !
Une fois le tournage terminé, en janvier, vous êtes donc repartie très vite ?
Oui. Et je pense aujourd'hui que j'aurais dû rester. Pour bien profiter de l'endroit. Mais je suis partie directement en Inde pour un pèlerinage, puis au Népal. J'avais besoin d'air. Je vivais avec cette impression qu'il y allait voir un tremblement de terre en permanence. On fait de la fiction mais être tout le temps avec des gens qui racontent des histoires me détournait finalement de la réalité. À Paris, je ne traîne pas trop avec les gens du métier. Je vais dans les bibliothèques de rue, je fais du soutien scolaire gratuit dans des associations, je suis en contact avec de vrais gens au quotidien. Je n'étais pas dans ces réseaux là là-bas.
"Aux Etats-Unis, j'ai pu me réinventer une identité"
C'est ainsi que je nourris la comédienne, l'auteur que je suis, la vraie vie. À chaque rôle que je prépare, je cherche dans la vraie vie, pour comprendre intimement. Je suis presque comme une documentaliste. J'ai fait des études super longues : khâgne, hypokhâgne, maitrise de lettres, maitrise de cinéma, puis école de commerce en management des médias car j'avais envie d'avoir une chaine télé. Puis enfin une thèse à EHESS (Écoles des Hautes Études en Sciences Sociales, ndlr) sur l'idée de la révolution chez les jeunes en France aujourd'hui. Mais je ne l'ai pas ncore finie !
Au final, quid du fameux rêve américain. Il existe ?
Les Etats-Unis sont un monde d'argent. Lorsque tu arrives là-bas, tu rencontres des avocats qui te disent : "you are here to make money" (?vous êtes là pour faire de l'argent", ndlr). Mais, je n'étais pas là pour ça moi. Los Angeles, c'est super, il fait tout le temps beau. Sauf que Hollywood, ce n'est pas la vraie vie. Mais ce que j'aime dans ce rêve américain, est que lorsque des gens arrivent avec des choses nouvelles, ils sont écoutés. Les Américains attendent de la chair fraiche, de l'auteur, de l'acteur, du chanteur? Quand on a ce petit truc nouveau, on se retrouve avec des gens qui ont envie de parler de nous, de nous représenter, d'être notre porte-parole. C'est très agréable, et ce n'est pas le cas en France. Les Français ne sont pas très à l'écoute des différences. Aux Etats-Unis, j'ai eu le sentiment de plaire aux gens par les choses différenciantes.
Je commençais à bloquer sur les rôles en France. En tout cas, les choses auxquelles j'avais accès étaient limitées. J'ai une image de petite blonde, innocente? Aux Etats-Unis, j'ai pu me réinventer une identité. Je me suis coupée les cheveux super courts, je n'étais plus la même personne. Aujourd'hui, le fait que je sois allée là-bas m'a ouvert des portes en France. J'ai eu un rôle fort dans la saison 3 de Braquo (série de Canal Plus, ndlr). L'on me propose des choses intéressantes qui devraient se concrétiser dans quelques temps. Mais je continue d'envoyer des cassettes en Angleterre et aux Etats-Unis pour des projets qui me plaisent. Je veux prouver aux autres et à moi-même que je peux faire des choses différentes. J'ai envie de dire : "je me verrais bien faire ça sur ce personnage, ça vous plaît ou pas ?" Si c'est oui tant mieux, si c'est non, tant pis.
Vous n'êtes pas dans la saison 3 (qui a débuté sa diffusion aux Etats-Unis, ndlr) d'American Horror Story, y-a-t-il une chance de vous revoir dans la suivante ?
Je devrais revenir dans la saison 4, oui. Pour cette saison 3, les producteurs ont repris Taissa Farmiga qui jouait dans la première saison mais pas dans la deuxième. Et ils ont engagé Emma Roberts (la nièce de Julia Roberts, ndlr). Il y avait donc pas mal de filles de mon âge. J'étais très présente dans cette saison 2, les Américains aiment bien vous enlever pour vous reprendre après, faire des clins d'?il. Je garde le contact avec la série : un peu avec les acteurs, davantage avec l'équipe technique comme Jennifer, l'assistante de production. Et je contacte les créateurs de temps en temps pour leur demander s'ils ne veulent pas me mettre en guest à la fin dans la saison 3 !
Jérémy Patrelle (www.lepetitjournal.com) jeudi 31 octobre 2013
American Horror Story - Asylum avec Jessica Lange, Lizzie Brocheré, Sarah Paulson, Chloë Sevigny, Evan Peters, Joseph Fiennes, James Cromwell?
Actuellement en DVD, Twentieth Century Fox Film Corporation. 39,99?
| Lire également : "Trick or Treat ?" ce soir lorsque la nuit tombera, de New York à Tokyo, des milliers d'enfants déguisés en créatures maléfiques entonneront en ch?ur cette expression pluri-centenaire signifiant "Un tour ou une friandise ?". Mais d'où vient Halloween, une tradition aujourd'hui fêté aux quatre coins du monde ? Après quelques années d'hésitation, les pays francophones jouent enfin le jeu d'Halloween, la fête anglo-saxonne des morts. Elle devient une occasion supplémentaire de s'amuser et de se déguiser, à mi-chemin entre la rentrée et Noël. Alors, lisons des histoires qui font frissonner, jouons et dessinons des monstres, et? mangeons des bonbons, bien sûr ! |

